Une Europe calottée

Publié le 04 décembre 2014 par Rolandlabregere

En grande pompe le pape s’est vu ouvrir les portes des institutions européennes le 25 novembre dernier. Pour ceux qui se réclament de la Laïcité, cela pourrait presque faire l’effet d’une surprenante régression. Quand le chef de l’Eglise veut s’imposer, ce n’est pas un discours qu’il prononce, mais deux. Le Parlement européen était « presque au complet », rapporte Le Monde (jeudi 27 novembre) pour livrer sa vision, entre « méfiance et suspicion », d’une Europe qu’il trouve sans vigueur. Le pape s’est ensuite exprimé devant les représentants des quarante-sept Etats membres du Conseil de l’Europe. Devant les deux institutions, l’évêque de Rome s’est montré soucieux de la vieillesse de l’Europe.

Les associations républicaines ne se sont pas bousculées pour faire part de leurs réactions. Dans les jours qui ont suivi, l’Observatoire français de la laïcité n’a pas bronché devant cette immixtion du religieux dans le champ politique. Un ange passe. Au risque de rater une marche si on lit son quotidien préféré dans le métro, c’est l'Observatoire Chrétien de la Laïcité, regroupant des associations en majorité catholiques françaises, qui a désapprouvé la décision d'inviter le pape à s'exprimer officiellement devant le Parlement européen. Dans un communiqué, il demande « la séparation claire et nette des Institutions religieuses et de l'Etat au sein des institutions européennes. C'est une des conditions essentielles pour permettre aux européens de toutes convictions religieuses ou non de vivre ensemble. »

Comme un de ses prédécesseurs, ce pape pratique la confusion des genres et se joue de constats largement partagés par les citoyens pour avancer l’hypothèse d’une solution religieuse face à « la méfiance des citoyens vis-à-vis des institutions considérées comme distantes… ». Dans des circonstances proches, en 1988, le pape Jean-Paul II avait appelé à une nouvelle évangélisation. Sa démarche en avait séduit plus d’un dont Le Monde qui avait conclu hâtivement que le « combat que mène Jean-Paul II n'est pas politique, mais éthique et culturel ». Bis repetita placent… La papauté a-t-elle compétence pour évangéliser dans des espaces dédiés à la vie démocratique ?

Les exhortations papales à Strasbourg relancent les interventions de l’Eglise dans le champ politique. « Je viens chez toi parler de mon dogme mais tu ne viens pas polluer ma grande sagesse », semble dire l’Eglise au citoyen. L’Eglise s’autorise à intervenir dans le champ politique mais elle n’accepte pas l’air du temps. Une habitude, une culture. Ainsi, dans son exhortation « Ecclesia in Medio Oriente » le pape Benoît XVI précisait ce qu’il entend par laïcité, séparation de la sphère religieuse et de la sphère politique appelées à se côtoyer, à collaborer sans toutefois se mêler : « La saine laïcité, … signifie libérer la croyance du poids de la politique et enrichir la politique par les apports de la croyance… ». Il y aurait alors une laïcité laïque et une laïcité sain(t)e. Le curé et l’instituteur seraient-ils alors sur le même plan ?