La démarche du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi repose sur une illusion grotesque et sur un mensonge éhonté. Certains bilans ont quelque chose d’éloquent et leurs formes, même fragmentaires, révèlent parfois l’illustration d’un scandale à venir. La France est un grand pays et il n’y a rien d’anormal, par temps de crise ou non, d’ailleurs, à ce que les citoyens soient pleinement informés de l’utilisation des fonds publics. Ainsi en est-il de tous les dispositifs accordés au Medef, dont le CICE puis le pacte de responsabilité s’avèrent emblématiques. La démarche du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi repose sur une illusion grotesque et sur un mensonge éhonté: il suffirait d’offrir des dizaines de milliards aux entreprises pour que l’investissement et l’emploi repartent. Rien n’est plus faux. L’ineffable Emmanuel Macron en personne l’a reconnu en parlant d’«un échec», rappelant que les 41 milliards d’euros prévus de réduction des charges et de la fiscalité des entreprises devaient trouver leur contrepartie en termes d’emplois. Un «échec» imputable, selon lui, à Pierre Gattaz. Diable, mais qu’aurait-il fallu attendre du Medef? Un respect de la parole donnée? Un vrai pacte? Et une sincère responsabilité? Le croire (ou le faire croire) relève d’une complicité coupable. Une de plus.
Le gâchis et la mystification sont considérables. Car où va l’argent? Tandis que le Medef organise une semaine d’initiatives pour «dire la souffrance des patrons», avec une indécence inconsidérée, les 23 milliards déjà versés, soit l’équivalent d’une soustraction de près de la moitié de l’impôt sur les sociétés, alimentent les comptes des grandes entreprises sans aucune compensation. Contrairement au discours dominant, la baisse du «coût du travail» ne s’est jamais accompagnée d’un accroissement de l’investissement. Il aura baissé de plus de 1 % en 2013 et 2014 et représente aujourd’hui la même part de la valeur ajoutée qu’en… 1981, soit moins de 20 %. Pourtant, chez ces gens-là, lorsqu’il s’agit d’assurer la rentabilité et la soutenabilité financière, ne dit-on pas que l’argent ne dort jamais? [EDITORIAL publié dans l'Humanité du 4 décembre 2014.]