Chronique « Carmilla » : Un bijou noir aux veinules rouge sang…
Texte de Sheridan Le Fanu, Illustrations d’Isabella Mazzanti
Public conseillé : Adultes / Adolescents
Style : Fantastique gothique et vampirique
Paru chez Soleil, le 8 octobre 2014,
Collection « Métamorphose », 192 pages couleurs, 34,90 euros
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Un récit majeur de la littérature vampirique du XIXe siècle
« Deux grands yeux s’approchèrent de mon visage, et, soudain, je ressentis une douleur fulgurante, comme si deux grandes aiguilles espacées de quelques pouces seulement s’enfonçaient profondément dans ma poitrine. »
Ces quelques lignes sont de Sheridan Le Fanu, cet écrivain irlandais qui m’a toujours séduit par ces récits fantastiques et notamment ses remarquables histoires de fantômes. Le roman « Uncle Silas », publié en 1864 sous forme de feuilleton dans le Dublin University Magazine dont il est alors le propriétaire est considéré comme son chef-d’œuvre,. Mais son recueil de nouvelles , en 1869, « In a Glass Darkly », est le plus lu et connu à ce jour, contenant notamment« Carmilla » , récit majeur de la littérature vampirique du XIXe siècle qui devait beaucoup inspirer Bram Stoker pour son « Dracula » (1897).
A l’occasion du 200e anniversaire de la naissance de Le Fanu, la collection Métamorphose (dirigée par Barbera Canepa et Clotilde Vu), a publié un remarquable ouvrage entièrement vêtu d’ombres noires parcourues de veinules rouge sang. Ce sont les deux tonalités choisies par l’illustratrice italienne, Isabella Mazzanti pour imager cette histoire d’amour et de mort. Possédant une maîtrise en sinologie et tibétologie avec une spécialisation en archéologie et histoire de l’art en extrême-Orient, elle a vécu et étudié en Chine pendant un an. Des influences qui se retrouvent dans la finesse et la délicatesse qui accompagnent toute la maquette du livre, des titres aux ouvertures de paragraphes, des petits dessins qui investissent le texte aux émanations omniprésentes des ces filets de sang, capillaires élégants qui s’invitent partout pour rappeler la menace insidieuse du vampire.
Le splendide travail d’illustration d’Isabella Mazzanti
Un travail subtil qui donne une touche romantique irrésistible au texte de Le Fanu, un coup de frais et de jeunesse qui va de pair avec cette relation particulière entre deux jeunes femmes semblant toutes deux sortir de l’adolescence sans cesse en opposition avec les ambiances plus pesantes et sombres d’un péril, à la nature non encore révélée, qui plonge lentement mais irrémédiablement dans une langueur qui mène à la mort
« Carmilla » est magnifiée, dans sa féminité sensible, dans sa sensualité troublante, dans son reflet sombre, venimeux et exalté. Le personnage imaginé par Isabella Mazzanti est totalement envoutant ; l’illustratrice a fait un travail sur la chevelure de Carmilla (qu’on découvre dès la couverture du livre) absolument époustouflant. Du très grand art.
Le livre est proposé avec une nouvelle traduction de l’Anglais de Gaïd Girard qui soumet en note finale sa propre lecture, fort instructive, de l’œuvre de l’écrivain irlandais. Situant à quel point Le Fanu, un Irlandais profondément protestant, a pu surprendre en créant ce vampire féminin qui s’attaque à une jeune fille, en ajoutant une dimension érotique, de plus saphique, à la figure du vampire. En 1975, une édition américaine des nouvelles fantastiques de Le Fanu qualifiait encore de « pervers » son « Carmilla » !
Pour résumer
Pour ma part, j’ai enfin lu « Carmilla », par la grâce de ce beau livre qu’on croque avec grande délicatesse et un plaisir certain devant le travail remarquable de cette illustratrice italienne, Isabella Mazzanti.
Un bijou noir aux veinules rouge sang…
Le très bel Ex-libris offert par les librairies BDfugue…
Illustrations © Isabella Mazzanti et Soleil – Métamorphose (2014)