Offenbach en version de concert, sur le papier déjà le défi lancé par la salle Pleyel à Anne-Sophie von Otter et à l’Orchestre du théâtre de Bâle semblait pour le moins audacieux. L’opérette n’est certainement pas le genre qui s’accommode le mieux de ce type de représentation où l’absence de décor et de mise en scène invite le spectateur à se concentrer sur la musique. Certes, Offenbach n’est pas qu’un amuseur public, son unique opéra, les Contes d’Hoffmann, montre sans ambiguïté son talent de compositeur, et quelques opérettes à commencer par la Périchole ont une valeur musicale évidente.
C’est moins net pour la Grande Duchesse de Gerolstein, grande farce distrayante, mais qui, départie de son comique tantôt léger tantôt troupier, offre un concentré musical des facilités de l’Offenbach pressé : des chœurs cadencés par de bruyantes cymbales, des solos inutilement virtuoses dont la principale finalité est comique ; seuls certains duos – Fritz et Wanda au premier acte, puis Fritz et la duchesse – offrent quelques attraits et une légèreté reposante.
Autant le dire, si le but de la salle Pleyel était de mettre en valeur à travers une initiative originale, la valeur musicale d’un opéra-bouffe généralement réduit à sa dimension comique, l’échec est patent. Mais il n’est même pas certain que là soit l’objectif. La production ici vendue comme la contribution d’Anne-Sophie von Otter à la série « les Grandes Voix » co-présentée par la salle Pleyel et le théâtre des Champs-Elysées – et qui accueillait cette année des noms tels que Rolando Villazón, Vivica Genaux, Anna Netrebko ou encore Juan Diego Florez –, n’est que la reprise d’une production du théâtre de Bâle qui était, elle, mise en scène par Christoph Marthaler (voir photo).
Pour parachever l’échec, l’effort d’adaptation à cette étrange configuration n’a pas même été mené jusqu’au bout. Si l’on se console au début en constatant qu’à défaut d’évoluer sur une scène véritable, les chanteurs tentent tout de même d’utiliser l’espace réduit qui leur est dévolu pour donner un peu de vie au spectacle – avec par un début amusant qui voit le général Boum prendre la direction de l’orchestre avant d’en être chassé par le chef, cet effort se dissout dès le deuxième acte où l’on voit revenir les pupitres sur la scène, où les dialogues parlés disparaissent complètement (aurait-on changé de stratégie d’adaptation de l’œuvre pendant l’entracte).
L’exercice d’autodérision auquel invite Offenbach ne pose certes aucun problème à Anne-Sophie von Otter, qui n’a plus rien à prouver dans le grand répertoire. Il n’est naturellement pas déshonorant pour les meilleurs chanteurs de se frotter à ce compositeur qui n’a pourtant eu de cesse de les tourner en dérision. Il n’est pas glorieux en revanche prêter son nom à un spectacle aussi manifestement bâclé. Offenbach mérite mieux.
La Grande duchesse de Gerolstein de Jacques Offenbach, en version de concert le 11 janvier 2010.