Nuit passée dans le calme.
Déronations terribles toute la journée. Bombardement après-midi et le soir.
- D'une lettre insérée dans Le Courrier de ce jour, sous le titre :
Non, Reims n'est pas un nid d'espions, nous extrayons ceci :
Je suis surpris que dans votre courageuse campagne contre les écarts de plume de la presse parisienne, vous n'ayez pas songé encore à protester contre les allégations de vos grands confrères relatives à l’espionnage rémois. A en croire ces messieurs, Reims serait un nid d’espions, et ce serait la faute de concitoyens indésirables si notre ville n'a pu encore être libérée de l'étreinte des canons allemands.
Certes, il y a lieu de penser qu'à Reims comme partout en France, les Allemands se sont assuré des intelligences sur place, et qu’ils ont dû profiter de leur courte occupation de notre ville pour renforcer et rafraîchi leur service d'indicateurs
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Du reste l'espionnage qui a été traqué à Reims de la manière qu'on sait, ne doit plus y être chose facile. Pour être utile à l'ennemi, l'indicateur doit :
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savoir quels renseignements celui-ci désire ;
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pouvoir se procurer ces renseignements ;
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pouvoir les communiquer aux Allemands.
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Parmi les Rémois qui restent à Reims, il en est certainement de peu intéressants ; il y a notamment de jeunes vagabonds qu'on verrait plus volontiers dans les tranchées que sur nos boulevards. Ils sont ce qu'ils sont ! Mais parmi ceux-ci, existe-t-il seulement un traître ? Oui, trouverait-on parmi eux un seul individu assez infâme pour vendre sa ville en même temps que sa patrie, et assez lâche pour coopérer contre argent à la destruction systématique de sa cité, à l'assassinat journalier de ses voisins, de ses amis, de ses proches ? Oh ! si ce Judas existait, il n'y aurait pas de châtiment assez rigoureux à lui infliger, ni d'épithète assez flétrissante à accoler à son nom.
Mais je ne puis pas croire qu'il y ait de Bazaine parmi nous. L'espion doit être plutôt recherché dans les éléments cosmopolites de la population et particulièrement dans le monde des femmes que nous avons vu alternativment faire la cour aux soldats français, puis aux Allemands et de nouveau aux nôtres.
C'est dans ce monde interlope, du moins je le pense, qu'il faut chercher des brebis galeuses, beaucoup plus qu'au sein de la patriotique population de Reims.
Un de vos lecteurs dévoués.
Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos
Espion fusillé aux environs de Reims : [photographie de presse] / Agence Meurisse - Site Gallica-BNF
Vendredi 4 - Messe à la Chapelle du Couchant à 7 h 1/2. Bombes à 10 h. Bombes à 3 h. Visite au Dr. d'Halluin. Nuit tranquille. Coups au loin.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. Travaux de l’Académie Nationale de Reims
4/12 Vendredi - Ste Barbe, fête des Artilleurs.
Jour auquel la Ville de Reims se souviendra car, dès 8 h du matin on a eu à supporter un terrible bombardement, à 3 h du soir, plusieurs incendies en ville, au Port sec et rue Pasteur, et c'est sans doute pas tout. La conduite d'eau entre sans doute à souffrir car à 3 h du soir, plus d'eau. C'es assez triste, ni eau, ni gaz. Enfin, vers 4 h du soir, calme relatif à7 h 1/2 quand j'écris ces lignes, le calme est complet à part quelques coups de canon des place françaises.
Nuit tranquille. Nombreuses victimes du bombardement et tous les journaux locaux ne donnent pas le nombre.
Carnet d'Eugène Chausson durant la guerre de 1914-1918
Voir ce beau carnet visible sur le site de petite-fille Marie-Lise Rochoy