Pour nous, fanatiques de William Turner comme des impressionnistes dont il fut le précurseur, ce film était une étape obligée.
Cependant, on n'y parle pas tant de peinture que de progrès, dans cette Angleterre qui connaît le triomphe de la Révolution Industrielle. Car William Turner (1775 – 1851) est un visionnaire … naturellement mal compris de ses contemporains plus épris du style « Troubadour » que sa façon atypique, donc très romantique, de peindre la nature et ses excès. On nous raconte ici les dernières années de sa vie, à partir de 1828 et de la mort de son père qui l'assiste dans son travail (il broie les couleurs, les achète, monte les châssis …).
A partir de ce moment, l'artiste qui a connu la gloire dans sa jeunesse puisqu'il est entré à l'Académie Royale de Peinture très tôt et expose chaque année au Salon, devient de plus en plus solitaire, frustre, grossier, négligé …
Car sa « vision » toute personnelle de la lumière et de sa traduction en peinture est révolutionnaire. Et tellement en avance sur son temps qu'elle est rejetée. La jeune Victoria n'aime pas du tout, seuls quelques mécènes avisés comme John Ruskin le soutiennent.
Ce biopic reconstitue d'une façon extrêmement fidèle l'atmosphère de cette moitié du XIXème siècle en Angleterre. C'est de la belle ouvrage, comme savent le faire les britanniques, bien léchée dans le moindre détail. Quelques épisodes comme le remords de l'esclavage, le développement des chemins de fer, l'intrusion dans l'univers artistique de la photographie qui va bouleverser le sens de la vie des peintres …
Turner, dans ses excès (il ne parle pas, il grogne), comprend tout ce qui va se passer, voit plus loin. Sa palette se simplifie, il peint le vent, l'humidité, les embruns, la vitesse, la fumée et la brume …
Évidemment, l'interprétation de Thimothy Spall est remarquable (il a remporté le prix du Festival de Cannes), même s'il en fait des tonnes et que, de temps en temps, on trouve le trait un peu lourd – un comble pour un film sur la peinture ! J'ai adoré le rôle de la dernière compagne de l'artiste, Marion Bailey, qui joue Madame Booth dont la beauté, malgré les années, émeut le peintre.
Le film est un peu trop long (2h 30), mais le rythme pourtant soutenu. On ne comprend pas grand chose à l'évolution du peintre le plus emblématique de la période, mais ce ne devait pas être le souci principal du metteur en scène (Palme d'Or au festival de Cannes en 1996 avec Secrets et Mensonges).
A ne pas rater, en tous cas, par les amateurs de peinture ...