Les appareils photos les plus récents sont capables de produire des images au rendu excellent, avec peu voire même pas de grain (ou de bruit) à des sensibilités élevées.
Je le constate tous les jours (ou presque) avec mon reflex Pentax K3. Des années durant j’ai dû me satisfaire – et c’est un bien grand mot – du Pentax K100D à la montée en sensibilité désastreuse. Avec son remplaçant (le K3, suivez un peu ) j’ai une nouvelle corde à mon arc. Un nouveau levier de réglages.
Entre parenthèses, pour celles et ceux qui se demandent encore en quoi un reflex est supérieur à un compact, la montée en sensibilité est un des arguments majeur.
Définition de la sensibilité … et pourquoi est-ce important ?
A l’époque des films argentiques, les pellicules étaient classées, vendues et achetées selon leurs sensibilités. Plus haut était leur indice ISO, plus importante était leur sensibilité à la lumière. Ainsi, pour une ouverture de diaphragme identique, la vitesse d’obturation était plus élevée. Logique non ? Si vous avez un film très sensible qui réagit beaucoup à la lumière qui lui est soumise, il va falloir ouvrir et fermer très vite l’obturateur pour ne pas laisser entrer trop de lumière. C’était une histoire d’émulsion chimique : le film, selon son indice ISO, réagissait plus ou moins à la lumière qui lui était soumise. Les spécialistes pourront compléter dans les commentaires !
Important à savoir également : tout doublement de la valeur ISO, fait doubler la vitesse d’obturation. Autrement dit, si vous travaillez à 200 ISO et à une vitesse de 1/250 sec, alors, à ouverture constante évidement, votre vitesse passera à 1/500 avec une sensibilité à 400 ISO.
Tout serait parfait s’il n’y avait pas une contrepartie (d’ailleurs, avez-vous remarqué qu’en photo, il y a toujours une contrepartie pour chaque réglage ?). Plus le film est sensible à la lumière, plus il génère du bruit, du grain. Et oui, on a rien sans rien : une haute sensibilité va produire une réaction chimique générant des particules supplémentaires, ce qu’on appelle le bruit ou le grain.
Et pour le numérique ?
« Ok, Régis, j’ai bien compris ta démonstration avec les films argentiques, mais qu’en est-il de nos capteurs numériques ? »
Fondamentalement, les films argentiques et les capteurs numériques fonctionnent pareil : ils réagissent tout deux à la lumière qui leur est soumise. Et pour tous les deux, il est possible d’amplifier ou de réduire leur sensibilité à la lumière. En argentique, c’est une histoire d’émulsion chimique, en numérique, c’est une histoire d’amplification.
Plus le signal depuis chacun des millions de pixels du capteur est amplifié, plus ce même capteur sera sensible à la lumière qui lui est soumise.
À nouveau, et là le numérique n’est pas supérieur à l’argentique , une contrepartie est de la … partie En effet, plus le signal lumineux reçu par les pixels est amplifié, plus ce même signal va subir des artefacts. C’est à dire que le signal numérique, à force d’être augmenté artificiellement, produit des parasites, des trucs indésirables. Et on appel ça aussi le bruit ! Ou le grain, comme vous voulez.
Une photo bien bruitée !
Vous voyez donc que le passage de l’argentique au numérique n’a fondamentalement rien changé. Et, pour une fois, les GS (gentils fabricants) ont été sympas avec nous, les GU (gentils utilisateurs) : le doublement de la valeur ISO double également la vitesse comme pour l’argentique. Sympa !
Euh … en fait, quelques petites choses ont quand même changé :
- une image fortement bruitée demeure plus esthétique en argentique qu’en numérique
- en 3 clics on peut changer la sensibilité numérique entre 2 photos alors qu’il fallait attendre la fin de la pellicule en numérique pour changer les ISO !
Quel intérêt à travailler avec des hautes sensibilités ?
C’est vrai ça ! Quel intérêt puisque pour chaque palier supplémentaire ISO utilisé, du bruit est généré ? Et plus la valeur ISO est élevée, voire très élevée, plus le bruit est présent, disgracieux même. Oui, c’est vrai, mais ne pas jouer avec la sensibilité, c’est se priver d’un outil très pratique pour gagner en vitesse d’obturation.
Il y a 2 outils à votre disposition pour augmenter la vitesse. Le premier, celui que vous devez d’abord utiliser pour gagner en vitesse d’obturation, c’est l’ouverture. Ouvrez grand votre diaphragme pour avoir une vitesse rapide. Et si ça n’est pas suffisant, paf ! Vous utilisez la roue de secours, le deuxième outil, qu’est la sensibilité !
Exemple concret : je veux figer le mouvement de mon chaton qui fait le fou. Hop, j’ouvre à f/5.6 et la vitesse résultante est 1/200. Pas assez vu qu’il bouge beaucoup le bougre ! J’ouvre plus donc. F/4 pour voir. Mieux ! Ma vitesse résultante est 1/400 … mais toujours pas assez car je veux vraiment que mon chaton soit figé, net. Il me faut 1/800 de secondes. J’ai décidé ! :-) Problème : mon objectif est physiquement, mécaniquement limité et je ne peux plus ouvrir davantage le diaphragme. F/4 étant sa plus grand ouverture.
Tada !! Je sors ma botte secrète qu’est la sensibilité. Je passe alors de 800 ISO à 1600 ISO et là, c’est magique, ma vitesse de 1/400 à f/4 passe direct à 1/800 (elle double) !! Génial non ? Je peux donc photographier mon chat, ouf.
Sauf que, ce faisant, j’ai, enfin mon capteur a, généré du bruit pour pouvoir doubler ma vitesse. Mais ça vaut le coup non ?
Mais au fait pourquoi vouloir absolument augmenter sa vitesse d’obturation ?
Voici pourquoi vous pourriez avoir besoin d’augmenter la vitesse :
- pour réduire voire annuler la fâcheuse conséquence de vos mouvements parasites (respiration, tremblements)
- pour réduire le flou de bougé donnant des images floues (c’est la fâcheuse conséquence)
- pour ne pas avoir à utiliser un trépied
- pour figer le mouvement du sujet
- parce que vous utilisez un objectif à fort grossissement : 300 mm, 400 mm ou 500 mm (chanceux ! )
J’espère d’ailleurs que vous connaissez la fameuse règle que tout le monde connait :
Je dois shooter avec une vitesse au moins égale ou supérieur à la valeur de la focale utilisée. Gné ?! J’ai un 300 mm monté sur mon reflex alors, pour éviter tout flou de bougé et annulé les effets de mes mouvements parasites, ma vitesse devra être au moins de 1/320 de secondes.
Votre unique but est d’avoir une vitesse d’obturation élevée.
Si je photographie un sujet statique, comme une fleur par exemple, sous une bonne lumière, je règle la sensibilité à 200 ISO. Cette valeur ne génère aucun bruit et me permet d’obtenir une image dont la netteté n’est pas altérée par le bruit.
Une astuce au passage. Je photographie rarement à 100 ISO, même si mon appareil me le permet. Car entre 100 et 200 ISO le grain généré est négligeable et surtout je perds une valeur de vitesse si je suis à 100 ISO. Je préfère donc rester à 200 ISO, donc doubler ma vitesse (par rapport à 100 ISO) pour lutter contre les conséquences de mon bougé propre.
Par contre, certains sujets bougent un tout petit peu plus qu’une fleur. Comme les passereaux par exemple . Pour de tels oiseaux, une vitesse d’au moins 1/250 pourrait sembler suffisante (rendez- vous compte : on divise 1 seconde en 250 parties et on en garde une seule …). Eh bien non. C’est trop juste. Car nos copains de la mangeoire ont la mauvaise habitude (enfin mauvaise pour nous car pour eux c’est carrément une question de survie !) de faire des micro-mouvements sans arrêt. Ceci donnant bien souvent une image molle, même à 1/250.
Mésange bleue à la mangeoire prise à 1/250, et son crop à 100 %. Remarquez comme elle manque de piqué. La faute à un micro-mouvement de la bête.
Pas le choix donc que d’aller vers des vitesses plus élevées : 1/400, 1/500, 1/800 … Et, pour atteindre ces valeurs, il faut souvent, en plus de l’ouverture maximale, monter franchement dans les hautes sensibilités. Et ce, même quand la lumière est bonne. Je répète : même quand la lumière est bonne, il ne faut pas hésiter à monter dans les ISO jusqu’à avoir une haute vitesse d’obturation : la seule capable figer parfaitement le sujet mouvant.
4 astuces pour travailler sereinement à hautes sensibilités.
Rassurez-vous, il est heureusement possible de taper dans les hautes sensibilités sans avoir peur. Peur de quoi ? Peur de faire du bruit !
Je me suis obligé pendant des années à de pas dépasser les 800 ISO. Limité par les capacités techniques de mon reflex mais aussi parce que je n’avais pas toutes les techniques en main. Aujourd’hui, j’ai les deux : l’appareil qui va bien et les connaissances techniques. Et je veux vous en faire profiter.
Regardez l’image ci-dessous. C’est un jeune lion de l’Auxois shooté au péril de ma vie. Photographier avec un Pentax K3 et un 50 mm f/1.8 (c’est dire si j’ai pris des risques ! ).
Comment la trouvez-vous ma photo ? Elle semble très détaillée non ? Pas de grain, un bon piqué. Elle a dû être photographiée à 200 ISO, pas plus ! En fait pas du tout. J’ai shooté ce lion à 1600 ISO. Voici une capture d’écran des données EXIFS.
Alors, comment est-ce possible ? Comment une photo prise à 1600 ISO puisse présenter aussi peu de bruit ? Il n’y a pas de tour de magie, pas de miracle, juste des choses à savoir et à appliquer.
Astuce 1 :
… qui n’est pas vraiment une astuce. C’est un fait. Les fabricants ont fait d’énormes progrès dans la gestion du bruit dans les hautes sensibilités. Si votre reflex est assez récent, il doit être capable de bien présenter au delà de 1000 ISO.
Astuce 2 :
Ça c’est une vraie astuce. Vous devez savoir que le bruit généré par amplification artificielle du signal lumineux est surtout visible (et gênant) dans les zones sous-exposées des photos. Ce qui signifie que le bruit d’une image à 1600 ISO sera plus visible dans les zones sombres. En ayant ça en tête, ne vous privez pas, s’il vous plait de cet outil des ISO. Quand la scène est claire, allez-y franco, poussez la sensibilité sans arrière pensée pour avoir votre vitesse hyper rapide.
Par contre, si l’environnement est sombre (arrière plan de forêt par exemple) alors faites gaffe . La montée en sensibilité risque de générer pas mal de grain disgracieux.
Regardez mon lion des bocages . Son pelage clair ne souffre pas de grain gênant. Par contre, sur la surface du fond sombre et unie, le bruit est nettement plus visible … sur un zoom à 100 % ! Alors qu’en revenant sur l’image dans son ensemble, il n’y a rien de gênant.
Astuce 3 :
Photographiez en RAW. C’est essentiel car alors vous avez une très grande latitude dans le développement numérique. J’avais justement organisé un webinaire sur ce thème et écrit un article sur le post-traitement. Le bruit sera bien plus facilement « effaçable » sous un logiciel ad hoc avec le format RAW.
Il existe de nombreuses solutions pour réduire le bruit dans les photos. Je ne les connais pas toutes, mais pour l’utiliser régulièrement, je vous garantis que DxO OpticsPro fait des merveilles. La version 10, la plus récente, est top. Le traitement peut être assez long, surtout en cas d’export groupé, mais pour une photo de temps en temps, c’est bon.
Sur DxO OP, justement il y a une fonction qui fait tout le boulot automatiquement : Réduction du bruit. Deux choix s’offrent à vous :
- la réduction standard : ça va vite et c’est satisfaisant
- la réduction PRIME : bien plus lent mais les résultats sont saisissants.
Regardez sur ce montage la différence entre les deux versions, une retouchée par DxO OP et l’autre non (CROP à 100%)
Conclusion
En tant que photographe animalier, votre principal but est d’avoir le sujet principal net sur l’image (sauf effet artistique voulu). Pour cela, shooter à des vitesses élevées est une obligation, surtout en présence de passereaux. Tablez sur au moins 1/800.
Pour atteindre cette vitesse, 2 choses, à faire dans l’ordre :
- ouvrir au maximum le diagramme et voir la vitesse obtenue. Dans bien des cas, elle ne sera pas suffisante.
- alors monter d’un cran les ISO, puis d’un autre, jusqu’à obtenir 1/800 (ou plus si l’oiseau est en vol !)
Voilà c’est tout ! Et très franchement, montez … montez !!! 1600, 3200 ISO sont des valeurs courantes maintenant.
Enfin, dans la plupart des cas, le bruit généré à 1600 ISO ou même 3200 est franchement visible sur des crop à 100 %. C’est comme si vous alliez vous plaquer le nez à 2 cm d’un grand tirage ! Ça n’arrive jamais.
Et bien souvent, le grain ressort mieux sur un tirage photo que sur l’écran.
Alors, je vous le dis, encore, osez les ISO !!!