Quelques 5 années après nous avoir invités à pendre leur crémaillère dans leur tout nouvel appartement, Franck et Marie remettent le couvert pour l'anniversaire de monsieur. Bon entre deux, il y a eu quelques petites sessions "off" de notre cercle haut-normand, très souvent d'un bon niveau, mais il faut reconnaître que cette crémaillère, reste pour beaucoup comme l'un des meilleurs moment passé en ce qui concerne la qualité dans le verre. J'ai le souvenir encore ému d'un Ausone 1990, qui avait marqué l'assemblée du jour.
Les vins sont dégustés à l'aveugle, accompagnés du repas et proviennent pour majorité de la cave de Franck.
Zou, c'est parti pour un repas dégustation, qui fera à coup sûr, référence pour quelques années ! Lecteur : si tu es contre les grosses étiquettes, les belles maisons, ces vins ne te feront pas rêver et du coup, je te conseille de passer à autre chose, sans perdre ton temps à lire ce compte rendu :)
Franck a annoncé qu'il était énervé et allait sortir du très lourd. Je crois que personne n'était finalement prêt à ce qui allait suivre !
Petites cochonneries apéritives, jamón ibérico de bellota et...
Le nez est magnifiquement grillé, noisette, très parfumé, et place rapidement le débat en Bourgogne. Attaque de bouche très douce, crémeuse, sur le poivre blanc. Superbement fruitée, elle déroule une finale ronde et longue, sans aucune sensation de maturité excessive. Excellent et très belle expression du chardonnay, idéal pour lancer cette mémorable journée avec ce Rully 1er cru "le Meix Cadot" 2012 du domaine Vincent Dureil-Janthial.
Notre deuxième vin présente un nez plus effacé, mais plus élevé. Bouche présentant un aspect lactique et des amers présents. L'ensemble est assez long, mais manque à mon goût de "gnaque". C'est un Nuits St Georges blanc 1er cru "la Perrière" 2007 du domaine Henri Gouges, où l'on apprend par Franck qu'il s'agit d'un pinot blanc, dégénérescence du pinot noir.
Entrée en fanfare du jambon persillé de la maison Collot à Vernon
Si le deuxième vin nous a laissé un peu sur notre faim, le troisième va mettre tout le monde d'accord, et rapidement. Pain grillé, graines de sésame, une touche de mercaptan même. La bouche est un modèle de tension. Attaque incisive, citronnée, heureusement dotée d'une touche de gras. La finale est nette, cristalline. Vous m'en mettrez une palette de ce Meursault "Meix Chavaux" 2010 du domaine Roulot. Ce n'est qu'un village, mais quel village ! Magnifique
Arrive ce blanc à la couleur plus soutenue, avec quelques petites choses qui sont en suspension. Le nez est très complexe, sur d'évidents fruits jaunes bien murs, mais aussi de champignons fraîchement coupés et une petite pointe d'oxydation qui ne gache en rien le plaisir. Bon volume dès l'attaque, on a la sensation d'un vin au pédigree assez haut perché. La finale s'ouvre et s'étoffe, mais manque à mon goût d'un peu d'intensité. Ce Meursault "les Narvaux" 2001 du domaine d'Auvenay reste néanmoins une fort jolie bouteille.
Sur un mille-feuilles de crabe, velouté de potimaron...
Nous revenons sur un vin un peu plus jeune dans son expression. Fruits jaunes encore au nez, moins complexe, mais on sent déjà une acidité relative. Si le nez reste assez simple sur le plan aromatique, la bouche montre elle un tout autre calibre : la puissance parle, l'acidité est enrobée par un beau gras, ponctuée de touches de poivre blanc et de nougat. L'équilibre est franc, la finale tonique et puissante telle la mêlée du match France/Argentine de la veille, mais celle-ci ne s'écroule pas, bien au contraire. Grosse performance de ce Corton-Charlemagne Grand Cru 2007 de Pierre-Yves Colin-Morey.
Et ça se corse avec ce qui suit. Stéphanie annonce à juste titre que le dernier blanc de la série a un nez qui ressemble incroyablement à celui d'un Champagne. Personne ne la contredira, tellement c'est une évidence. Il est complété par une pointe de truffe, de noisette et d'oxydation légère. Bouche caressante et douce, qui gagne en puissance et profondeur à mesure de l'aération. Très bon vin, et le pedigree de ce Montrachet Grand Cru 2006 du domaine Bouchard Père & Fils montre qu'on peut-être la plus grande appellation de Bourgogne, si ce n'est la plus grande, sans écraser tout sur son passage.
On change de couleur, avec un vin que j'avais apporté. Nez très fruits noirs (cerise, cassis), avec un trait végétal bien mur comme fil conducteur. Bouche au tannins fermes mais remarquables dès l'attaque, enrobés par un joli gras. Fin de bouche très fruitée et nette. Ce vin un poil austère n'est pas très à l'aise seul, mais il s'en sort bien dès que l'on passe à table. C'est un Irouleguy rouge Haitza 2006 du domaine Arrextea.
Le nez de notre suivant est viandé et entre deux âges, avec un aspect de duvet qui me fait penser à un pinot noir de Sancerre. La bouche est croquante, évoquant la vendange entière, alors que ce Nuits St Georges 2009 du domaine Robert Chevillon n'est pas vinifié comme tel d'après Franck.
Messieurs dames, le boeuf bourguignon ! En plusieurs services...
Arrive un nouveau vin dans le verre. Si le nez semble au départ un peu étriqué, il se libère par la suite sur des notes de cerises fraîches et une aromatique froide. Attaque franche et compacte, d'abord sur des saveurs de poivre, d'une grande élégance. La fin de bouche est pleine de charme, dynamique. Si le vin parait jeune, n'aurait-il pas quelques années finalement ? Millésime 2002 justement, pour cet Echezeaux d'Anne Gros. Personnellement, j'ai été emballé. Franck nous indique le nombre de bouteilles pour ce 2002 : 150 seulement et encore, la vinification en vendange entière a pu en augmenter très légèrement le nombre.
Celui-ci, je ne risque pas de l'oublier... La robe présente quelques signes d'évolution, de légers reflets orangés sont visibles. Le nez est d'une complexité folle, entre la corbeillede fruits rouges, de tabac blond, une pointe d'orange douce, de roses, de clou de girofle... Il s'exprime en profondeur, n'a rien a cacher, mais m'intrigue et m'attire en même temps. Je tente de profiter au maximum de ces effluves qui subliment cet OVNI. Et si je passais à côté de quelque chose que je n'aurai pas identifié ? La bouche est d'une délicatesse exceptionnelle : faite de roses fanées, le grain de tannins est juste magique, le côté terrien marque sa signature finale. Il porte le vin dans une dimension rarement atteinte pour ma part. INCRACHABLE ! J'ai bu mes premiers centilitres de la journée, il était impensable d'alimenter le crachoir. Je replonge mon nez, chaque instant passé m'imobilise encore un peu plus. Les mines autour de la table sont réjouies, je ne suis pas le seul à avoir été touché par ce vin. La dernière gorgée termine de graver pour longtemps, ce moment de pur plaisir ! Ce vin n'est rien de moins qu'un Musigny Grand Cru 1998 de Jacques-Frédéric Mugnier. Exceptionnel !
C'est encore tout penaud que le verre se rempli. Là encore, on entre dans une grande dimension. Encore une fois, la complexité est de nouveau présente : tabac, une touche d'humus, de rose chaude et un trait végétal qui rend le tout plus intense. Si la bouche est un peu plus à la peine, elle reste néanmoins d'une belle fraîcheur et l'on sent que les années viennent de traverser ce vin. Un joli Pomerol 1974 Pétrus, année de notre néo quadragénaire, qui nous fait grâce de cette superbe étiquette. Un grand merci Francky !
Le vin qui suite est tout de suite plus jeune. Nez distingué, fruits noirs bien murs, un zeste d'orange, graphite et sanguin. Bouche assise sur des tannins de tout premier ordre, mais encore jeunes. L'ensemble est classe mais semble à l'aube de sa vie. Très bon vin, parfaitement exécuté, pour amateur de Bordeaux de gros calibre très certainement. En effet, c'est un Pauillac 2000 du château Mouton Rothschild. Et hop, encore un missile de Franck. A noter la bouteille sérigraphiée, représentant le bélier d'Augsbourg, symbole du château.
La bouteille suivante a été apportée par notre Dudu national. Le nez est subil, aérien, voire évanescent. Je m'interroge sur la présence potentielle d'un peu de volatile. Je laisse les spécialistes du domaine m'éclairer sur la question. Corps longiligne, svelte, presque léger et pour ma part, je me suis posé beaucoup de question sur ce que je pourrai qualifier de manque de chair. Pourtant à écouter les conversations des mes petits camarades de goulot, ce Vosne-Romanée 2001 "les Brûlées" du domaine René Engel a été très apprécié. Suis-je passé à côté ?
Dernier rouge. Le nez évoque le café, la terre ++, des notes de bois, les fleurs (Vincent parle de lys et c'est tout à fait ça). Bouche bien mure, mais à l'équilibre bourguignon. J'évoque le Rhône, Franck acquiesce d'un oui. C'est très bon, d'autant que l'acidité relève le tout et le vin se prolonge longuement sans mollir. De la très belle ouvrage que ce Châteauneuf du Pape 1999 du château Rayas.
Entrée du plateau de fromages :
Tomme de chèvre corse, Claquebitou, Stilton, Cantal 36 mois
Le blanc qui est proposé en premier service pour aller avec le plateau est d'un tout autre genre que ceux que nous avons eu au début du repas en matière d'aromatique de blanc. Nez très mur, évoquant la mirabelle, la verveine, un soupçon de fruit exotique. L'attaque de bouche se fait ronde, d'une belle générosité, un peu d'alcool mais sans excès. C'est parfaitement sec et l'accord avec les fromages est très bon. Je pars sur un sauvignon, validé par Franck qui nous présente ce Bergerac sec 2010 "Anthologia" du château Tour des Gendres. J'ai beaucoup aimé l'expression de ce sauvignon un brin fougueux et exotique.
Sancerre la Grande Côte 1997 de François Cotat : RIP, bouchon et m¤$°}£&€ !
Le dessert maintenant : un bavarois passion et un miroir abricot, oeuvres de Stéph et Sébastien. Un truc de dingue !
La robe de notre dernier vin apporté encore une fois pas Dudu est ambrée et ne parait pas toute jeune. Le nez est un délice : complexe, sirop d'érable, il évoque aisément la tarte tatin, des notes d'abricot et de caramel. Bouche tout en longueur, proposant des saveurs de curry et de safran. Quelle acidité, quel vin ! Peu adepte des vins plombés pas le sucre, celui-ci est une étoffe rare que j'aimerai retrouver plus souvent. C'est un Jurançon 1990 "cuvée Marie Kattalyn" du domaine de Souch. Merci Dudu pour cette remarquable bouteille.
Bon, on ne va pas y aller par quatre chemins : il y avait du très très lourd, de très grosses étiquettes, mais j'ai pris un pied incroyable à prendre part à cette journée, prétexte pour marquer ton entrée dans l'âge de raison. Un immense merci à tous, à ta petite femme et à toi Franck pour ta générosité. Je me souviens encore de ta dégust' crémaillère : je me souviendrai longtemps de cette journée de fin novembre.