J'ai rencontré dans le Gers, à Gimont, le chef Patrick Vavassori qui m'a fait découvrir ses dernières recettes.
Les trois que nous avons goûtés sont des foies gras de canards de 200 grammes, mi-cuits, sans conservateurs ni colorants, comme toujours chez Comtesse du Barry. Ne vous inquiétez pas si le produit s’oxyde au contact de l’air une quinzaine de minutes après tranchage, c'est normal mais le résultat sera plus appétissant en coupant les parts au dernier moment.
On observe un peu de graisse sur le pourtour. C’est la partie du foie qui a fondu à la cuisson. Elle est consommable mais surtout pas pour faire sauter des pommes de terre (on prendra à cet effet la graisse de carcasse qui ne sera pas cancérigène à haute température). On peut l’employer par contre comme une huile pour assaisonner une salade ou comme un beurre pour tartiner une tranche de pain grillée et la servir en accompagnement d'une crème de légumes.Nous commencerons par le foie collection or (nommé Trésor) aux éclats de mendiants de Noël, fruits séchés, dattes, figues, amandes, noisettes et pistaches, sel poivre et porto blanc. L’idéal est d’assurer une harmonie entre le fondant, le croquant et le moelleux… pour un mariage à trois optimal qui satisfait particulièrement les palais féminins. Avant d’arriver à ce résultat, Patrick a effectué plusieurs essais avec la moitié et le double de fruits secs avant de valider le bon dosage. Ce sera le foie gras phare de Noël.
J'ai appris au fil de la discussion que le mi-cuit maison est réalisé à une température minimum de 45 à 57°. En industriel il est entre 68 et 72°. mais chez la Comtesse il est cuit à 85° pour offrir les meilleures garanties sanitaires et assurer une DLC de 18 mois.
Il faut aussi savoir que plus on cuit longtemps plus on perdra les flaveurs. Si on aime le musqué on choisira donc du mi-cuit. Entre canard et oie il y a encore de quoi hésiter. Disons que le foie d'oie est plus pâle mais plus ferme, d'une saveur plus douce. Le foie de canard a l'avantage d'être moins cher (mais il réduit davantage à la cuisson), plus moelleux et plus parfumé.En deuxième position, le Secret n° 15, miroir de foie gras de canard aux artichauts braisés, de la truffe noire et une pointe de poivre Sarawak. Cette fois c’est le Porto rouge qui est venu adoucir l’ensemble. Patrick conseille de l’accompagner d’une salade de mâche, ou d’endive, vinaigre de cidre, huile de noisette. Le chef est parti de ce qu’il cuisinait autrefois, des artichauts braisés à cru avec un salpicon de truffe qu’il servait sur un foie poêlé. Vous ne l'avez peut-être pas remarqué mais les Secrets ne portent que des nombres impairs, et ces deux-là sont des recettes typées.En troisième position une recette presque hispanique dans laquelle entrent le paprika et le vin rouge. C’est le Secret n°11, un marbré de foie et magret de canard fumé qui séduit les hommes, surtout si on le sert avec un vin de Xérès, en oubliant le pain brioché pour lui substituer une tranche de campagne.S'il me faut émettre un classement je mettrais à égalité le premier et le troisième, bien que radicalement différents.
Patrick ne manque pas de projets. L’anguille fumée, en provenance de l’estuaire de la Gironde, figurera peut-être dans quelques mois au catalogue.
En attendant il y a nombre de plats délicieux au catalogue, comme le chapon aux morilles, sauce Sauternes Xérès, fondant, parfumé, le sanglier Grand Veneur et ses carottes (à peine blanchies avant la mise en conserve)...... un gratin de pommes de terre aux cèpes qui laisse un souvenir impérissable.Patrick Vavassori passe en ce moment le plus clair de son temps en production parce qu'il doit garantir ce qui sort. Mais l'essentiel de son talent il l'exerce en création comme en témoignent les 45 nouveautés de cette année. Cependant il n'est pas le seul chef à oeuvrer ici. Il y a un autre cuisinier, Patrick Philippe, également directeur commercial, qui est chef de formation et qui a travaillé au Ritz en cuisine. Il a rejoint l'entreprise après une belle expérience à l’Atelier des Chefs.
Il travaille chez Comtesse du Barry depuis 26 ans et il pourrait raconter des anecdotes par centaines. Parfois malheureuses comme un buffet à la Villette, déserté par les politiques au temps de la cohabitation et qui a fait le bonheur des SDF du quartier. D'autres très heureuses comme le souvenir d’avoir régalé les cosmonautes de Soyouz qui jusque là ne s’étaient nourri que de purée en tube. On peut dire que la Comtesse fut la première à avoir envoyé des plats préparés dans l’espace.
Pour la première fois ils ont dégusté, c’est le mot juste, des plats de cuisine traditionnelle : un gargaillon de queue de bœuf aux petits légumes, un lapin aux pruneaux et dattes, un crabe pomme verte et curry léger, un homard sauce gingembre et orange …Les six recettes avaient été choisies parmi 21 qui toutes ont donné du fil à retordre à Patrick.
J’ai repassé la chair des crabes 19 fois entre mes doigts pour être sur qu’il n’y avait pas d’esquille. Je n’ai arrêté qu’à une heure du matin. C’aurait été fatal en vol. Le cahier des charges était draconien. Tout devait pouvoir être aussi bon froid que tiède ou chaud et que surtout rien ne coule et soit consommable à la petite cuillère.Après l'air, la mer avec Olivier de Kersauson qui a bénéficié de certains échantillons. Isabelle Autissier par contre est partie avec les mêmes plats que le commun des mortels.
Patrick connait par coeur l'histoire de l'entreprise, créée en 1908 année à Gimont par un couple qui s’appelait Dubarry, mais en un mot. Gabrielle était charcutière, et son mari ferblantier. Une charcuterie "A la comtesse" a longtemps subsisté sous la halle.
Gabrielle eut l’idée de monter à Paris vendre ses foies gras à la Foire. Cela marcha si bien que la demande étant forte ils mirent en place de la VPC. Ils figurent ainsi parmi les premiers à avoir lancé des catalogues.
Toutes les étapes sont mentionnées sur le site de la marque. Y figure notamment la date de 1954 qui marque l'invention du premier bloc de foie gras par Henri Lacroix-Dubarry.
Malheureusement ils sont victimes d’une terrible grève postale en 1974, ce qui les pousse à ouvrir leur première boutique à Gimont puis des succursales et des franchises. Aujourd’hui le réseau est riche de 60 boutiques, y compris outre-mer.
On doit à la première génération les foies gras et les plats fins cuisinés. La seconde génération a lancé la VPC et les boutiques. La troisième a poursuivi en créant le site web en 1996. Ce fut le premier site marchand dans le domaine de la gastronomie.
Il y eut ensuite le rachat par Maïsadour, une entreprise de 23 millions de chiffres d’affaires. Depuis fin 2013 Jérôme Fourest est arrivé à la tête de l’entreprise, après de belles expériences à l’Atelier des Chefs et à la Maison du Whisky.
Gimont peut être fier de l'entreprise ... comme de son clocher.