Pierre Morange : «Les associations parasitaires ne manquent pas !»

Publié le 03 décembre 2014 par Lecriducontribuable

Entretien avec .

Est-il normal que des associations de lutte contre la pauvreté, largement subventionnées par l’Etat, chahutent le président de la République comme cela été le cas à Clichy-la-Garenne en octobre dernier ?

Sur la forme, quelle que soit l’opinion que l’on a du chef de l’Etat, sa fonction doit être respectée. Sur le fond, ces associations peuvent donner le sentiment de «cracher dans la soupe». En tout état de cause, ces réactions témoignent que l’Etat ne joue plus son rôle face à la crise, d’où la nécessité absolue de contrôler la bonne utilisation de l’argent public.

Où en est l’action visant à contraindre les associations subventionnées à la transparence financière ?

Comme vos lecteurs le savent, j’ai soutenu le projet de proposition de loi rédigé par Contribuables Associés visant à obliger les associations à publier leurs comptes avec le montant des subventions perçues, sous peine de sanctions réelles. Ce projet de loi, enregistré le 16 juillet 2013 à la Présidence de l’Assemblée
nationale et cosigné initialement par 19 députés, a été envoyé à tous les parlementaires pour obtenir un maximum de cosignatures et faire
avancer la proposition. 68 parlementaires l’appuient désormais afin de pouvoir la défendre dans l’hémicycle.

Que prévoit le budget 2015 en matière de subventions aux associations ?
Avec un budget cumulé de plus
de 60 milliards d’euros, soit environ
3,5% du PIB et 1,05 million d’emplois
en équivalent temps plein, soit 5%
du nombre des salariés français et
14 millions de bénévoles, le secteur
associatif a un poids considérable.
L’Etat et les collectivités distribuent
en moyenne 34 milliards de subventions
aux associations, soit environ
la moitié du budget associatif. Pour
2015, le montant des subventions ne
sera communiqué qu’après le vote de
la loi de finances, comme c’est l’usage.
A priori, dans ce contexte de disette
budgétaire, on devrait assister à la
stabilisation des aides, mais c’est sans
compter sur la proximité des élections
régionales de 2015. Cette perspective
pourrait donner lieu à un clientélisme
associatif accru et à la distribution de
subventions injustifiées.
➜ Comment obliger les
associations subventionnées à la
transparence financière ?
Actuellement les décrets d’application
de l’ordonnance de 2005 prévoient
la publication des comptes annuels
des associations dont les subventions
dépassent 153 000 euros et de celles
bénéficiant de dons ouvrant droit à des
avantages fiscaux excédant 153 000
euros mais il n’y a pas de sanction en
cas de non application de ces décrets.
De même, ces associations
devraient publier, en annexe, un
rapport complet (finances et activité)
comprenant un compte d’emploi des
ressources, sur le modèle de celui des
associations faisant appel à la générosité
du public.
C’est la raison pour laquelle j’ai
déposé une proposition de loi abaissant
à 23 000 euros de subvention
le seuil à partir duquel l’association
doit publier ses comptes sous peine
de sanctions.
Quel est le pourcentage d’associations disposant de plus de 153 000 euros de subventions et publiant leurs comptes ?
Il est faible, il avoisine les 10%. La
plupart des associations sont actuellement
en train de négocier le montant
de leurs subventions avec les collectivités.
Dans quelques semaines, nous
connaîtrons le pourcentage de celles
qui se prêtent à cet exercice comptable.
7% des associations absorbent 70%
des subventions publiques. Le budget
moyen d’une association sans salarié
est en moyenne de 11 700 euros et de
282 000 euros pour les associations
employeurs.

Que proposez-vous en matière de sanctions ?

Ma proposition de loi impose à toute association recevant plus de 23 000 euros de subvention de publier chaque année ses comptes ainsi que le rapport du commissaire aux comptes. En cas de défaut de publication des comptes annuels et du rapport du commissaire aux comptes, je propose que, selon la gravité du manquement constaté, l’autorité administrative ou l’établissement public puisse suspendre, pendant une durée maximale de cinq ans, les subsides à l’association concernée. De même, pourrait être exigé le remboursement de tout ou partie des subventions perçues par l’association au cours des douze derniers mois précédant le constat de défaut de publication de ses comptes annuels et du rapport du commissaire aux comptes.

Est-il exact que des fonctionnaires soient mis à la disposition de certaines associations ?

C’est exact. L’ensemble de ces mises à disposition, qui concernent des dizaines de milliers de fonctionnaires, représenterait près d’un milliard d’euros par an qui devrait être remboursé à l’Etat par les organismes bénéficiaires. Il est très difficile d’avoir des chiffres précis sur le nombre de ces mises à disposition. Lorsque j’ai demandé à l’exécutif de me donner des chiffres, on ne m’a transmis que des données parcellaires. Toutes portaient sur les services centraux, jamais sur les structures décentralisées de l’Etat. Sur ce sujet, on est en pleine zone d’ombre.

Que vous inspire l’affaire « Andrieux », du nom de la députée PS des Bouches-du-Rhône qui vient d’être condamnée pour
avoir versé des subventions à des associations au nom d’un « clientélisme politique » ?

Je ne porte aucun jugement sur cette décision de justice en vertu de la séparation des pouvoirs. De façon plus générale, je pense que l’attribution des subventions doit obéir à des règles strictes et que leur emploi doit faire l’objet d’une évaluation permanente. Il est normal de vérifier si l’usage de l’argent public est justifié ou pas ; si le rapport coût/efficacité est satisfaisant…

Pour l’instant qui décide si une association est éligible, ou pas, aux subventions publiques ?

C’est bien le problème. Aucun organisme n’est chargé de réaliser une évaluation pertinente de l’attribution et de l’emploi de ces subventions. De temps à autre, la Cour des comptes sort un rapport. Mais, sur le terrain, au quotidien, il est clair que les services décentralisés de l’Etat ne peuvent s’assurer de la bonne utilisation de ces fonds publics. Il faut donc effectuer des contrôles pour éviter l’effet « bouteille à l’encre ». La transparence des informations comptables des associations publiées sur le site du Journal officiel permet un contrôle citoyen, c’est une première étape.

Vous semble-t-il normal que la réserve parlementaire puisse servir au financement associatif ?

Oui, si les associations subventionnées servent l’intérêt général et non des visées électoralistes. La transparence qui est demandée aux parlementaires
quant à l’affectation de ces fonds me semble excellente. En ce qui me concerne, j’utilise cette enveloppe pour subventionner des associations selon une hiérarchie qui donne la priorité à l’humanitaire.

A quelles associations faudrait-il couper les vivres en cette période de vache maigre ?

Je pense qu’il faudrait sabrer dans les subventions des associations qui se posent en donneuses de leçons et évaluer le bien-fondé de leurs actions.
Par exemple, dans la région Ile-de-France, le budget consacré aux associations a doublé en 12 ans et dépasse les 500 millions d’euros. Il faudrait vérifier où va cet argent, séparer le bon grain de l’ivraie, mais personne n’est chargé de ce travail. Cette absence de contrôle est inquiétante, car dans le monde associatif comme ailleurs, les structures parasitaires ne manquent pas !

Propos recueillis par Didier Laurens

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