Il n'aura échappé à personne que le cours du pétrole a baissé dans des proportions importantes ces derniers mois. Pourtant, le contexte géopolitique n'a cessé de se tendre dans les pays exportateurs de pétrole, au point que cette baisse du prix du pétrole semble paradoxale. Elle l'est d'autant plus que les réserves d'or noir ne sont pas extensibles... Cela méritait donc une petite analyse de ma part.
L'évolution du prix du pétrole
Commençons par regarder l'évolution du prix du pétrole. Nous allons commencer par le baril de WTI (West Texas Intermediate), également appelé Texas Sweet Light, qui est la référence pour les contrats à terme sur le pétrole auprès du Nymex (New York Mercantile Exchange). De 1972 à 2008, on observe ceci :
[ Source : La Dépêche ]
Et les derniers mois, on observe cela :
[ Source : Boursorama.com ]
En ce qui concerne le baril de Brent de la mer du Nord, qui sert de référence sur les marchés européens notamment, l'évolution récente fut la suivante :
[ Source : Boursorama.com ]
Pour le dire d'un mot, le prix du pétrole a considérablement baissé ces derniers mois.
Pourquoi le prix du pétrole a-t-il tant baissé ?
Tout d'abord, en raison de la crise mondiale qui n'est toujours pas finie - même si certains prétendent le contraire ! -, la demande mondiale de pétrole progresse plus faiblement que prévue au point de conduire à un écart croissant entre capacités de production pétrolière et demande.
De plus, l'économie chinoise, très grande consommatrice de pétrole, subit une stagnation prolongée de sa production industrielle qui se reflète d'ailleurs dans les chiffres de la croissance. Cela conduit naturellement à une moindre consommation de pétrole en Chine, comme le montre le graphique ci-dessous :
[ Source : Natixis ]
En outre, le rôle de l'Arabie Saoudite n'est pas négligeable dans cette chute des prix. En effet, Riyad a longtemps été seule à réduire sa production afin de
maintenir un prix du baril élevé sur les marchés. Or, depuis quelques temps, il semble que l'Arabie Saoudite souhaite que les autres pays membres de l'OPEP réduisent eux-aussi leur production ;
mais comme ils ne souhaitent pas s'engager dans cette voie, Riyad a décidé de ne plus réduire sa production quitte à laisser le cours s'effondrer... On peut imaginer que l'Arabie Saoudite cherche
par là même à rendre non profitable la production de pétrole de schiste aux États-Unis, dont le coût de production est estimé à environ 70 $ le baril.
Enfin, la production de pétrole non conventionnel aux États-Unis est en pleine effervescence depuis quelques années, ce qui contribue à augmenter encore la
production totale de pétrole dans le monde, au moment où la demande ralentit.
Quelles sont les conséquences de cette baisse sur l'économie ?
En première approche certains disent que c'est une très bonne nouvelle pour le pouvoir d'achat des ménages, qui a été bien malmené durant cette crise. D'autres
ajoutent que les entreprises en tirent profit, puisqu'elles font ainsi baisser leurs coûts de production. En définitive, cette baisse du prix du pétrole pourrait même soutenir la
croissance.
Tout ceci est vrai, MAIS... les effets négatifs ne sont pas négligeables pour autant, bien que trop souvent occultés :
* la zone euro frôle déjà la déflation, ainsi une baisse du prix du pétrole conduira à maintenir l'inflation très faible alors que la BCE fait tout pour la faire remonter au plus vite !
* une baisse du prix du pétrole encouragera la consommation d'énergie fossile et rendra plus difficile l'indispensable transition énergétique.
* certains pays exportateurs de pétrole se retrouvent en difficulté pour équilibrer leur budget lorsque le prix du pétrole est trop bas. C'est bien entendu le cas de la Russie, qui subit de plus des sanctions suite aux événements survenus en Ukraine, mais cela concerne aussi le Venezuela et l'Angola par exemple. Ces pays pourraient même conjuguer à terme déficit public et déficit extérieur, ce qui les placerait dans une situation de crise sociale et politique...
En définitive, si la baisse du prix du pétrole semble être une bonne nouvelle à court terme, il ne faut pas négliger la montagne d'effets négatifs qui se dresse juste derrière. Cette baisse du pétrole est par conséquent loin d'être une bonne nouvelle pour l'économie mondiale !
N.B : l'image de ce billet provient de cet article du quotidien Le Temps.