© Erwan Sourget
Yann Arthus-Bertrand.
Fondateur de l’Agence Altitude, président de GoodPlanet et “Ambassadeur de bonne volonté” du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), le célèbre cinéaste et photographe poursuit son combat contre le réchauffement climatique et pour une écologie humaniste.
- En septembre, vous avez été invité à exposer sur le siège des Nations Unies à New York pour sensibiliser à la lutte contre le changement climatique. Quand les États se sont engagés à limiter la hausse de la température mondiale à deux degrés d’ici 2015, comment, selon vous, inciter les dirigeants à “décarboner” leurs économies ?
S’il est toujours aussi difficile de faire rimer “décarbonisation” avec “croissance”, il me semble cependant que la prise de conscience environnementale a atteint cette année un degré supérieur. En termes d’action, des réponses concrètes existent d’ores et déjà pour lutter contre le réchauffement climatique, que la Fondation GoodPlanet a rassemblé au sein de son dernier livre 60 solutions, distribué en version papier à toutes les délégations de l’ONU lors du Sommet sur le Climat à New-York. Côté citoyen, une grande marche a été organisée pour appeler à la mobilisation dans plusieurs villes du monde : j’y ai moi-même participé à New-York aux côtés d’Al Gore, Ban Ki-Moon et Bill De Blasio, dans une ambiance profondément émouvante et engagée. Car depuis le début de mon combat, c’est la première fois que je remarque un tel élan international face à l’urgence climatique.
- Vous avez proposé 60 solutions au changement climatique dans votre dernier ouvrage : pourriez-vous en citer quelques unes ?
Sachant que l’élevage émet aujourd’hui entre 20 et 30% de gaz à effet de serre (soit nettement plus que les transports), l’une des solutions les plus évidentes consiste simplement à consommer moins de viande. Loin des grands discours théoriques, le livre 60 solutions propose des réponses concrètes et réalisables pour lutter contre le changement climatique à toutes les échelles, individuelle et collective. Si le monde politique manque d’amour, il nous faut aujourd’hui une écologie beaucoup plus humaniste et ouverte sur le monde, d’autant plus en ces temps de crise financière, écologique et morale.
- Alors que la France s’est toujours montrée hostile à l’exploitation du gaz de schiste, Nicolas Sarkozy à relancé le débat en se prononçant en sa faveur. Quel est votre ressenti par rapport à ses déclarations ? Pensez-vous que l’on peut se passer du nucléaire comme du gaz de schiste ?
Sans être foncièrement “anti-gaz de schiste”, je ne serais pas en faveur de son exploitation, tout simplement parce qu’il n’existe à ce jour aucune façon “propre” de le faire. L’urgence porte avant tout sur la réduction de notre propre facture énergétique avec les moyens existants.
- À quelques mois de la conférence mondiale sur le climat qui doit se tenir à Paris, la France fait le pari de l’écologie positive avec son projet de loi de transition énergétique. Pensez-vous que la croissance verte est un levier de sortie de crise efficace ?
Essayons ! Car il est beaucoup trop tard pour être pessimiste. Aujourd’hui, le monde entier avance vers un suicide collectif en connaissance de cause, sans que la prise de conscience du problème climatique n’ait véritablement changé nos habitudes de vie. Si certaines initiatives peuvent encore porter espoir, je n’y crois qu’à moitié au vu de l’ampleur du problème. Le vrai déclic viendra quand l’Homme ne considérera plus l’écologie comme un “effort”, mais comme quelque chose de naturel.
- Entre photographies, longs-métrages, l’association Good Planet et l’Agence Altitude, vous avez toujours souhaité que l’Homme change de regard sur le monde. Quand les États peinent à prendre des décisions environnementales pour des raisons d’intérêt, comment de “simples citoyens” peuvent-ils agir – vraiment – pour éveiller les consciences ?
L’écologie ne se résume pas à trier ses déchets et “manger bio” ! Dans une société où la consommation fait grimper le PIB en détruisant les ressources naturelles, la planète ne pourra plus supporter très longtemps notre rythme de vie actuel. Le véritable changement viendra non pas des hommes politiques, mais d’une profonde révolution spirituelle, morale et éthique des citoyens que nous sommes tous.