Tea-bag - Henning Mankell
Seuil, 329 pages
Résumé:
Tea-bag, jeune Nigériane, traverse l'Europe à pied, persuadée que tout là-haut, en Suède, une porte s'ouvrira pour elle. Tania, venue de Smolensk, a franchi la Baltique à la rame, portée par le même espoir. Leïla est arrivée d'Iran alors qu'elle était enfant. Ensemble elles se démènent pour survivre dans une banlieue de Göteborg où elles ont échoué par hasard. Pendant ce temps, le célèbre auteur Jesper Humlin, qui attend l'inspiration en surveillant son bronzage et le cours de ses actions en Bourse, tente d'échapper à la tyrannie de sa petite amie et de sa mère. Le jour où sa trajectoire croise celle de Tea-Bag, Tania et Leïla, c'est le choc. Il découvre l'existence d'une Suède inconnue, clandestine, comme un double " en négatif " de la Suède officielle, laquelle ignore tout de la première. Aussitôt il envisage de détourner leurs expériences à ses propres fins. Mais les jeunes filles n'ont pas dit leur dernier mot...
Mon opinion:
Je connais bien les romans policiers de Mankell, dont il existe même une série télé que j'aime beaucoup. Tea-Bag est le premier roman traitant d'Afrique et d'immigration que je lis de Mankell. On retrouve dans ce livre les préoccupations de l'auteur et une certaine sensibilité face à ces nouveaux Suédois venus d'ailleurs, qui ne l'ont pas eu facile. Le roman est intéressant tant par sa forme et par sa narration. Tea-bag aborde un thème très actuel et est souvent touchant. Mankell évite de nombreux pièges dans lequel aurait pu tomber le roman et nous offre un récit sur la condition de réfugié, par les yeux de trois femmes. Cette façon de conduire l'histoire apporte le recul nécessaire pour éviter de sombrer dans le mélodrame. Il y a un certain humour, les personnages sont colorés et le roman est aussi une critique de la société (on n'a qu'à penser au personnage de Jesper par exemple). Il s'agit donc d'un roman qui se lit bien, sur un sujet actuel et intéressant. Et puis surtout, Mankell, à travers Tea-bag, redonne une voix à ceux qui n'en ont plus.
Quelques extraits:
"Être en fuite, cela voulait dire être seul."
p.8
"Je crois que personne ne comprend vraiment ce que cela signifie d'être en fuite. Être contraint à un moment donné, de se lever, de tout quitter et de courir pour sa vie. Cette nuit-là, quand je suis partie, j'avais la sensation que toutes mes pensées, tous mes souvenirs, pendouillaient derrière moi comme un cordon ombilical sanguinolent qui refusait de se rompre, alors que j'étais déjà loin du village. Personne ne peut comprendre ce que c'est - à moins d'avoir été soi-même chassé, contraint de fuir des hommes, ou des armes, ou des ombres qui menacent de tuer. La terreur nue, on ne peut pas la communiquer, on ne peut pas la décrire. Comment expliquer à quelqu'un l'effet que ça fait de courir droit devant soi, en pleine nuit, pourchassé par la mort, la douleur, l'avilissement?"
p.276
"On peut être mort bien que vivant et vivant bien qu'on soit mort."
p.291
8.5/10