Adieu les pâtés, vivent les claviers! A partir de la rentrée 2016, les petits Finlandais vont vivre une révolution culturelle. Finies les longues heures à tirer la langue sur des lignes de boucles grandes et petites. La priorité sera bientôt d’apprendre à bien écrire au clavier, comme l’a révélé cette semaine le site de la BBC.
Cette décision, de la part d’un pays dont les élèves sont souvent présentés comme parmi les plus performants au monde, a beaucoup fait réagir en France -le plus souvent très négativement. Privilégier les claviers plutôt que les crayons, une hérésie ?
De l’écriture à la lecture
En France, l’apprentissage de l’écriture commence à l’entrée en école maternelle. A la fin de la grande section, les écoliers français sont censés reconnaître une quinzaine des lettres les plus courantes en français, sous leurs trois formes différentes, en attaché (cursive), en script (lettres d’imprimerie en minuscules), et en majuscule. « Les instructions officielles indiquent qu’ils doivent aussi savoir écrire leur prénom, à la main et au clavier » indique Maude, enseignante de grande section à Levallois-Perret, dans les Hauts-de-Seine.
De là à abandonner le crayon au profit du clavier dès le primaire… « C’est trop tôt, juge Maud, qui enseigne depuis 11 ans. L’apprentissage de la lecture ne peut pas être déconnecté de l’apprentissage de l’écriture, et je pense que les élèves reconnaissent mieux les lettres s’ils les ont d’abord tracées à la main« . « Savoir écrire au clavier est important bien sûr, reconnaît l’enseignante, mais cela doit venir plus tard, quand la lecture est acquise. »
Le cerveau au bout des doigts
Ces observations des enseignants sont-elles confirmées par la science? En partie, comme l’explique Marieke Longcamp, enseignante-chercheuse à l’université d’Aix-Marseille, l’une des rares spécialistes des neurosciences cognitives à s’être penchée sur l’apprentissage de la lecture et de l’écriture: « Nos observations auprès d’enfants de 4 à 5 ans ont montré que la région du cerveau qui pilote l’écriture à la main est aussi activée quand on lit. Mais, pour l’instant, nous ne savons pas ce qu’il advient quand on écrit au clavier, et donc avec deux mains ».
Faut-il s’inquiéter pour le niveau de lecture des petits finlandais? Pas forcément, explique la chercheuse: « Contrairement aux idées reçues, nous n’avons jamais autant lu, mais nous lisons principalement des textes dactylographiés, et non des textes manuscrits. Dans ce contexte, abandonner l’écriture en attaché au profit du script, comme l’ont déjà fait la majorité des états américains, ou même l’écriture à la main, peut avoir un sens. Peut-être que la façon dont notre cerveau fonctionne va changer pour suivre ses évolutions culturelles majeures? ».
Pour Marieke Longcamp, l’une des vertus de la décision finlandaise est d’apprendre aux enfants à taper dans les règles de l’art, avec les doigts des deux mains: « Chaque doigt est dédié à une lettre, ce qui permet de mettre en place des associations visio-motrices sans doute efficaces ». La fameuse « mémoire du geste » souvent invoquée dans les processus d’apprentissage pourrait donc fonctionner avec un clavier d’ordinateur, à condition de bien utiliser ledit clavier.
Libérer la créativité
Un autre argument plaide en faveur de l’abandon du crayon: la grande difficulté que représente la maîtrise de l’écriture, notamment en attaché, pour la majorité des élèves. Une bonne raison de « lâcher la pression » sur les exercices de calligraphie, pour se concentrer sur le clavier, porte d’accès vers les mondes numériques, et le monde tout court.
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