Shanghai - Osaka … 08/09 – 13/09
Nous quittons Marc tôt le matin, le pauvre doit se lever encore plus tôt que pour aller travailler ! Circuler dans Shanghai n’est pas de tout repos. Scooters, vélos, tricycles, voitures, bus, camions… circulent avec chacun leur propre code de la route. On roule tendus en essayant d’anticiper… on aimerait bien être une mouche avec des yeux tout le tour de la tête ! Après le Shanghai des grands buildings, nous traversons des petites rues populaires. Début de journée, raclements de gorge et crachats, mmmm, un nouveau jour qui commence en Chine ! Nous pédalons dans le terminal du ferry, en plein dans la salle d’attente. Au loin, un grand étranger blond nous observe avec insistance, la main en visière. Il est culotté celui-là ! Mais… cette silhouette est familière… et là, ces deux vélos couchés… pas possible, c’est Alice et Cédric avec qui nous avions pédalé il y a un an en Turquie et Iran ! La probabilité pour qu’on se retrouve un an plus tard sur le même ferry pour le Japon !
Les deux jours sur le ferry passent très vite : nous échangeons les nouvelles avec Alice et Cédric, bavardons avec Sean et Léa. Ce sont deux Irlandais qui viennent participer à un circuit à vélo au Japon. Sean est coursier et depuis quelques années, les coursiers du monde entier organisent une rencontre annuelle dans un pays. Au programme : courses, tours à vélos et aussi acrobaties ! Il y a peu de monde et nous avons chacun une cabine de quatre pour nous tous seuls ! Il y a même un petit salon avec coussins, table basse, thermos et télé. Le premier soir, tout le monde se couche tôt, les trois garçons ne se sentent pas très bien, pauvres petites choses, tandis que les filles sont en pleine forme. A mi-trajet, les côtes du Japon sont en vue et le voyage se finit entre les îles, malheureusement très industrialisées. Avant même de débarquer nous avons un avant-goût du Japon : nous prenons un bain chaud (onsen) en regardant les lumières s’allumer le long de la côte.
A l’arrivée chacun se sépare. Sean et Léa ne restent qu’une dizaine de jours avant de rentrer en Irlande, leur voyage de six mois se termine. Alice et Cédric profitent au mieux de leur visa et restent trois mois. Quand à nous, nous n’avons ‘que’ quarante jours avant de voler sur le Pérou…
Nous avions l’habitude des grandes villes chinoises mais Osaka nous semble encore plus grande. Nous mettons 30 km et 4h à rejoindre le quartier d’Helen depuis le port. Nous sommes immédiatement frappés et enchantés : les rues sont propres (on se croirait en Suisse !), les voitures ne klaxonnent pas, les gens ne crient pas. Nous avons l’impression de rouler dans le silence bien qu’il y ait des voitures et surtout beaucoup de gens à vélo. Au bout de quelques jours, notre tolérance au son se réadapte et nous ne trouvons plus les villes japonaises si silencieuses ! Ici beaucoup de gens se déplacent à vélo et tout le monde roule sur les trottoirs. Les piétons marchent comme sur un fil le long du mur et les vélos se croisent sans trop de chaos bien que les trottoirs ne soient pas très larges. Les immeubles sont loin d’être aussi hauts qu’en Chine, six à dix étages au plus ce qui explique sans doute que la ville soit aussi étendue. Ce n’est pas plus mal, on se sent moins écrasé. Ben entre dans une banque changer des dollars. Au bout d’un quart d’heure, il n’est toujours pas ressorti, Sylvie qui garde les vélos commence à se poser des questions. Quand il ressort, il n’est pas très content : ‘Ils m’ont d’abord envoyé à un comptoir pour changer les dollars puis à un deuxième pour casser les gros billets, j’ai dû remplir un formulaire en trois exemplaires avec une adresse et un numéro de téléphone, même pour avoir des petites coupures !’. On aurait dû s’en douter, plus il y a de règles, plus c’est difficile de les contourner. Un peu plus loin, nous nous arrêtons pour déjeuner. Enfin, déjeuner… Nous achetons quelques croquettes dans un combini, une supérette de quartier. C’est encore Ben qui y va (ses goûts culinaires sont plus restreints que ceux de Sylvie…) : ‘3 euros pour deux croquettes, ils exagèrent !’. Ça c’est une très mauvaise nouvelle. On se moque pas mal du prix du pétrole mais la nourriture, c’est notre fuel ! Nous allons devoir changer nos habitudes : plus de glace, plus de thé glacé et retour au rapport quantité-prix.
Nous passons quatre jours à Osaka chez Helen. Helen est une ancienne colocatrice de Sam, le cycliste anglais que nous avions rencontré à Xi’an. Elle habite Osaka depuis quelques années, apprend le japonais et, comme la plupart des étrangers au Japon, donne des cours d’anglais. Elle loge avec trois autres personnes (deux Japonais et un Canadien) dans une vieille maison en bois. Charmant au premier abord sauf qu’il n’y a pas de salles de bains, il faut aller aux bains publics à côté. Et vous avez deviné, là aussi c’est trois euros ! Nous nous lavons dans le lavabo pendant notre séjour et attendons le prochain ferry pour prendre une douche et un bain !
Nous commençons par une visite chez le médecin. Ben est vite fatigué quand il fait des efforts mais les analyses ne révèlent rien. Pas assez de vélo sans doute… Nous déjeunons sur un coin de trottoir en face de la station de métro. Les restos sont hors de notre budget mais beaucoup d’échoppes vendent de la nourriture à emporter. Les gens ramènent les plats à la maison ou au travail, pour nous c’est le trottoir. Les plots qui délimitent les emplacements de parking font aussi de super sièges ! Un chauffeur de taxi nous amène deux verres d’eau fraîche, sympa. Nous faisons ensuite un tour chez Kinokuniya, une grande librairie qui se trouve dans la plupart des villes japonaises. Ben doit retenir Sylvie qui n’a pas mis longtemps à découvrir la section des livres en anglais : ‘Eh, on garde nos sous pour manger !!’. Nous achetons un guide et surtout, un guide de conversation. En Chine, ce petit livret nous avait ouvert des horizons, notamment au niveau culinaire. Ici, les gens sont plus faciles à approcher (pas de police qui nous surveille !) et nous nous servirons tous les jours de ce petit guide. Il faut voir le sourire des gens quand on prend notre livre et qu’on annone : ‘Enchanté de vous rencontrer’ accompagné d’une petite courbette. Ils savent que leur langue est difficile pour nous et sont toujours épatés quand on leur sort trois mots. D’ailleurs ceux qui parlent anglais nous disent souvent : ‘Vous réussissez à voyager au Japon sans parler japonais ?!’. Les Japonais sont très doués pour communiquer par signes. Sylvie a par exemple une conversation assez élaborée avec un motard : ils discutent de la route, les endroits qu’ils vont respectivement visiter, et le motard arrive même à lui faire comprendre par signes qu’il pleuvra le mardi ! Un gros changement après la Chine où nous avions du mal à faire passer la température pour laver nos vêtements !!
Nous avons plusieurs réparations à faire sur les vélos. Nous changeons les béquilles. Les garde-boues arrière nous ont lâchés au Khirghistan. Ben les a rafistolés avec du gros scotch et des ficelles, on va attendre encore un peu. Le plus urgent c’est de changer le jeu de direction, la pièce qui fait la liaison entre le guidon et le cadre. Impossible de trouver la bonne taille en Chine et ici c’est pareil. On ne comprend pas pourquoi Hp n’a pas mis une pièce standard sur un vélo destiné au voyage. Au magasin de vélo, les gens sont très gentils. Ils parcourent la ville à la recherché de la bonne pièce, s’excusent du temps que ca prend, nous offrent un thé glacé et donnent une pile de magazines de vélo en anglais à Sylvie pour l’aider à patienter. Nous quittons le magasin bien après l’heure de fermeture, sans la pièce. Nous n’avons pas le choix, il faut commander la pièce en Allemagne, la faire envoyer aux parents de Sylvie qui nous l’amèneront au Pérou. Heureusement qu’on a une base arrière qui assure !
Nous restons encore deux jours à Osaka. Les ferries sont en rénovation et le service n’opère qu’un jour sur deux. Comme de toute façon, il nous faut une demi-journée pour pédaler du port à Osaka… Nous nous promenons dans les petites rues du quartier. Il y a quelques arcades, une spécialité japonaise on dirait. Ce sont des rues immenses, couvertes, bordées de restaurants, magasins, pharmacies, 100Yen shop (magasin où tout est à 100 yens soit environ 8o centimes d’euros). Les voitures ne circulent pas dans les arcades, seulement les vélos et les piétons.
Les vélos sont une source d’intérêt inépuisable : tous équipés d’un panier à l’avant, ils ont aussi souvent un siège pour enfant à l’arrière, transformable en panier pour les courses. Vieilles dames courbées par l’âge, vieux messieurs, mamans en équilibre avec un enfant, parfois deux sur le vélo (sur un siège devant), écolières en jupe plissée, ados, hommes en costume-cravate… le Japon tout entier roule à vélo. C’est encore plus répandu qu’en Allemagne ou en Suisse. Ils maitrisent avec beaucoup de dignité la conduite à vélo par temps de pluie : le guidon d’une main, le parapluie dans l’autre, le dos droit. Les abords des magasins sont encombrés de vélos sagement alignés. Les voitures ne peuvent pas se garer dans la rue sur le trottoir. Il faut d’ailleurs prouver qu’on a une place de parking ou un garage pour pouvoir acheter une voiture.
Le Japon est relativement grand : 377.435 km2 au total pour 127 millions de personnes mais étant montagneux sur 80% de la superficie, l’espace habitable est assez restreint. Par comparaison, la France couvre 547.000 km2 (sans les DOM-TOM) pour une population d’environ 60 millions. En France, la densité est d’environ 110 hab./ km2 tandis qu’au Japon, c’est plutôt 400 hab./ km2 voire 500 ou plus si on considère que les montagnes sont peu peuplées. La région la plus habitée se situe sur Honshu, l’île principale, entre Osaka et Tokyo. Bien que les Japonais vivent les uns sur les autres, ils habitent très souvent dans des maisons même dans des grandes villes comme Osaka. Les maisons sont petites mais conçues de façon à compenser le manque d’espace. Les panneaux coulissants en bois recouverts de papier permettent de fermer ou ouvrir les espaces, le mobilier se replie, les matelas se déroulent le soir pour dormir…
Nous entrons dans un minuscule restaurant pour un bol de nouilles. Les plats sont bon marché (pour le Japon !) et pour autant, le restaurant est propre, décoré, les tables en bois brillent et les soupes sont servies dans de jolis bols laqués. Les Japonais semblent apporter de la fierté à tout ce qu’ils font et comme nous dit quelqu’un : ‘Il n’y a pas de petit travail’. Eboueur ou banquier, tous les emplois sont nécessaires à la société et reconnus comme tels.
Nous quittons Osaka le dimanche soir après avoir pédalé les 30 km en sens inverse. Cette fois-ci nous logeons en dortoir, la traversée ne dure qu’une nuit, il est temps qu’on commence à faire des économies. Au lieu de la forêt de lits superposés à laquelle nous nous attendions, nous entrons dans une pièce qui fait la largeur du bateau. Les gens dorment sur des plate-formes, sur des matelas qu’on déroule à même le sol. Nous laissons nos sandales devant la plate-forme comme c’est la coutume au Japon. Le sol des maisons est surélevé sauf une petite surface à l’entrée où tout le monde se déchausse. Nous prenons une douche et un bain. Encore une nouvelle coutume. Au Japon il est mal vu de prendre sa douche debout. On s’assied sur un petit tabouret en plastique face à la douche (les robinets sont plus bas). Une fois qu’on a l’habitude, on trouve cette nouvelle façon de se doucher très pratique. Ensuite, on saute dans le bain chaud et on regarde les lumières de la côte s’éloigner… En route pour notre premier terrain de jeu au Japon : l’île montagneuse et volcanique de Kyushu.