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''Le sel de la Terre'' de Juliano Ribeiro Salgado et de Wim Wenders

Publié le 02 décembre 2014 par Lifeproof @CcilLifeproof

 

Un dimanche en novembre. Je sors d'une semaine de maladie que je n'avais pas invitée et ma colocataire me propose d'aller voir ''Le sel de la Terre'' de Juliano Ribeiro Salgado (fils) et de Wim Wenders, au cinéma International de Berlin. Je regarde la bande-annonce et fini par accepter, malgré le doute qu'un film documentaire constitué majoritairement de photos réalisées par Sebastião Salgado (père), puisse m'accrocher. J'avais oublié un détail : voir des clichés photographiques sur un écran de cinéma, rend la contemplation nettement plus immersive et l'impact émotionnel s'en trouve grandit. De plus, l'aspect théâtral et monumental d'une partie du travail du photographe se prête très bien au grand écran. D'ailleurs, le film ouvre sur un cliché illustrant une mine d'or brésilienne où l'on voit des grappes humaines escalader une longue pente avec, sur le dos, des sacs pleins de terre, ou d'or...personne ne sait mais tout le monde tente sa chance, du plus pauvre au plus instruit, en passant par une foultitude de profils variés. Ce que je pensais être de l'exploitation humaine, s’avère être l'expression de la cupidité à une échelle jamais vu jusqu'à présent.

J’apprécie le contre-pied qui ouvre le documentaire mais m'aperçoit avec un peu de recul, que par la suite peu de subtilités narratives ou de montages me seront offertes, hormis cette mise en scène du photographe face à ses propres images : il est seul dans une chambre noire et commente son travail diffusé sur un prompteur face à lui. Derrière le prompteur, se trouve une caméra qui filme frontalement l'artiste sans qu'il ne la voit. Le spectateur se trouve dans un véritable face à face et goûte à l'immersion de Sebastião Salgado dans son travail, dans son vécu. Par ce procédé, Wim Wenders cherche à retranscrire ce qu'il a lui-même expérimenté lors de ses conversations avec le photographe, à savoir de le voir se perdre en contemplation face à son travail. Ne comprenez pas qu'il tombait en admiration devant ses propres clichés mais plutôt qu'il se replongeait dans son histoire personnelle, afin de mieux la partager verbalement. La rencontre entre le réalisateur allemand et le photographe brésilien est d'abord visuelle, lorsque Wim Wenders voit et achète un portrait d'une afghane aveugle qui le bouleverse énormément. Il voudra alors rencontrer et connaître l'auteur qui a su capturé cet instant. A cet endroit le parti pris du documentaire se dessine également. Nous sommes face à un hommage, face à de la matière très sensible et durant toute la projection je ne suis pas arrivé à porter un véritable regard critique sur ce qui m'était donné de voir. Contempler des scènes d'une humanité contrastée, sur le déclin, perpétrant une diversité de crimes contre soi-même, le tout à une échelle monumentale est bien trop enveloppant et ce n'est qu'un peu plus tard que l'on s'aperçoit des manques que l'on a ressenti mais pas su analyser sur le coup.

Tout en évitant l'hagiographie, un manque de prise de recul se fait tout de même sentir et le documentaire souffre de ce romantisme qui le définit et le nourrit. La musique (magnifique) qui accompagne le tout, sonne en partie, comme la cousine de la bande-originale des ''Ailes du désir'', ce qui saisit le spectateur au cœur mais c'est également le talon d'Achille du documentaire car celui-ci perd en neutralité. Le fils du photographe, co-réalisateur pourtant, n'est quasiment pas interviewé par exemple. Certes il s'agit du travail du père comme sujet mais aussi bien la forme donnée aux clichés que certaines parties de la vie du photographe ne sont ni interrogées en profondeur, ni décortiquées, ça manque d'objectivité mais évite l'indiscrétion, ce qui donne de la force et une élégance au film, tout en le fragilisant. Il est en majeur partie tourné en noir et blanc afin de renforcer l'immersion dans le travail de Sebastião Salgado qui ne photographie que dans ces tons. La couleur arrive avec le tournant majeur dans la vie du photographe. Après avoir photographié les massacres rwandais dans les années 1990, il revient brisé et fera une longue pause avant d'agripper à nouveau son appareil pour immortaliser différents coins de notre planète. A l'image de ce changement de cap, il entreprend avec sa femme (autre personnage important et pas assez impliqué dans la narration) la reforestation du domaine familial abîmé par son propre père. La boucle est bouclée en quelque sorte. Un documentaire à voir définitivement mais tout aussi contrasté que les photographies montrées.

En suplément, voici deux interviews des deux réalisateurs, à regarder peut-être après le visionnage du ''Sel de la Terre'':

 

 

Cyril


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