Je ne vais pas vous faire les œuvres complètes de Jane Austen (quoique ce serait une bonne idée, il faudrait que j’en parle…) ni vous assommer avec mes histoires de maison. Mais le lundi, toujours dans l’espoir fou de trouver, j’épluche les petites annonces sur internet et je téléphone aux estate agents pour prendre rendez-vous pour le week end. C’est ce que j’ai fait aujourd’hui, et je suis retombée sur une maison qui m’avait plu, la semaine dernière. Quand j’ai appelé l’agent, lundi dernier donc, il m’a dit directement qu’elle venait juste d’être vendue, et pourtant une semaine après, elle était toujours là, pas très efficace cette agence. Ils en avaient une autre qui m’a paru sympa. J’ai appelé, même réponse, toujours aussi rapide, elle vient juste de partir. Ah. J’ai soudain eu un léger doute. J’étais avec une copine anglaise (c’est un effort de groupe notre recherche de maison, toutes nos connaissances se captivent pour la chose et y vont de leur conseils avisés). Elle a téléphoné, avec son joli accent bien anglais, pas du tout étranger. Elle a eu rendez vous tout de suite pour les deux maisons. Voila. Bien sur, on n’ira pas les voir. Mais ça fait mal.
En 18 ans à l’étranger, j’ai rarement été confrontée aux préjugés imbéciles comme ça. Je ne sais pas ce que l’on dit derrière mon dos, et je m’en fiche, mais je ne me pense pas comme étrangère. Ce n’est pas le sentiment que me revoit mon entourage, ou même les gens que je croise dans la rue. Je suis française bien sûr, mais française d’Angleterre. Je suis la première à défendre mon comté, avec un chauvinisme enthousiaste digne de gens installés ici depuis des générations. Tant que je n’ouvre pas la bouche, on ne peut pas savoir que je suis étrangère, mais je n’ai jamais eu de problème: les passants qui me demandent leur chemin n’ont pas l’air outrés de mon accent, juste étonnés de ma capacité extraordinaire à confondre droite et gauche. Les parfaits inconnus qui me saluent poliment dans la rue (c’est encore tres rural ici, on est poli!) ne se sont jamais évanouis d’horreur en entendant ma réponse. Toutes les mamies qui me tapent la causette pendant des heures parce que j’ai un bébé (oui, il est très mignon, mais là, il pleut et je suis pressée) n’ont pas non plus l’air de prêter attention à mon accent. J’ai un travail, une vie sociale épanouie, je côtoies plein de parents d’élèves tout ça en anglais, avec des anglais qui me traitent exactement comme tout le monde.
Alors quand je me retrouve face au racisme, je ne sais pas comment réagir. La première fois que j’y ai été confrontée, c’était en France. J’ai fait une partie de mes études dans le départment du Nord, j’en garde un souvenir ému, une ou deux tournures de phrases et des amies que je vois toujours comme si on avait 20 ans. Seulement, je ne suis pas blonde aux yeux bleus, mais petite, les yeux marrons, brune et bouclée et j’avais encore un accent du sud ouest assez prononcé…on m’a donc traitée de sale arabe dans le bus. C’était tellement inattendu et ridicule que ça m’a fait rire. Jusqu’à ce que ça se reproduise.
En Irlande, je n’ai eu qu’une seule fois à faire avec un sombre crétin raciste, un chauffeur de taxi. Je n’ai pas eu le temps de lui dire où j’allais qu’il débitait une tirade haineuse contre les Bloody foreigners, avant de se rendre compte que j’étais française et de faire le reste du trajet en silence (du jamais vu pour un chauffeur de taxi dublinois). Encore une fois j’ai rangé l’incident dans la catégorie anecdote amusante. Ça lui servira de leçon à ce débile, il réfléchira peut-être avant d’ouvrir la bouche. J’ai même hésité a lui laisser un pourboire, pour voir sa tête, mais il ne faut pas pousser. Je lui ai juste demandé si il était d’origine anglaise, c’est bizarre pour un irlandais de dire « Bloody »… J’ai bien ri.
En Angleterre, ça m’est arrivé deux ou trois fois, en huit ans, c’est tout. Mais à chaque fois, je suis tellement soufflée que je ne sais pas quoi dire. J’ai l’impression que c’est ma faute. Dans ma tête, je ne suis pas une étrangère, comment est-ce que je peux renvoyer cette image? Ma copine anglaise était d’abord furieuse après l’agent, puis honteuse, elle s’est confondue en excuses comme si elle y était pour quelque chose. Je sais bien qu’un estate agent ne représente pas la totalité des anglais, je ne suis pas comme lui. Il y a des cons partout. On se demande même pourquoi ils sont aussi sectaires, racistes et renfermés, parce que vraiment, ils ont des semblables dans tous les pays du monde. C’est paradoxal pour des gens qui haïssent les étrangers, mais les cons sont universels!