Les adhérents de l'UMP ont élu Nicolas Sarkozy à leur tête.
Nonobstant un retour gagnant qui rappelle celui de Berlusconi pour bénéficier de l'immunité présidentielle en 2017, cette élection révèle une droite classique fragile qui s'accroche à son plus proche passé triomphant, celui de la sarkozie.
La victoire de Sarkozy n'a pas été le plébiscite attendu, et les 30 % de Bruno Lemaire traduisent un conflit de générations. Les deux larrons s'entendent sur l'essentiel, c'est-à-dire sur la politique économique et sociale qui s'inscrit dans le cadre néolibéral de l'Union européenne. De plus, le candidat Lemaire ne s’est pas opposé à la droitisation de son parti, à l'exception notable du mariage pour tous.
Par conséquent, Lemaire n'empêchera pas la droitisation de l’UMP. Elle va même empirer. Cette évolution constitue d'ailleurs un revirement historique majeur qui explique la dérive idéologique en cours. Il y a peu - disons une trentaine d'années - la droite classique avait quelque pudeur à s'appeler, elle-même, la droite. Les gaullistes, conscients de la trahison de la droite classique lors de la montée des fascismes et sous l'Etat de Vichy, ne voulaient surtout pas être ainsi assimilés à la droite.
La droitisation de l'UMP n'est pas seulement formelle pour réaffirmer un clivage gauche-droite mis à mal, aussi bien par la soumission du PS à l'idéologie dominante néolibérale que par la participation conjointe de l'UMP et du PS à la politique de l'Union européenne. Cette droitisation révèle une droite classique apeurée par la montée du FN qui lui conteste la suprématie à droite.
Aussi, depuis près de 30 ans, la droite classique reprend les thèmes du FN en espérant siphonner l'électorat de l’extrême droite. Or, c'est l'effet inverse qui se produit : la préférence nationale est légitimée par la droite classique et le FN s'en retrouve dédiabolisé...
Résultat, la droitisation de la droite classique a contribué à la montée du FN et privilégié les intérêts du MEDEF. Elle a perverti le débat politique, lequel ne porte plus sur la politique économique et sociale, mais sur des thèmes, certes importants, mais accessoires. Ce faisant, le débat politique a été brouillé et enfumé par des questions telles que l'immigration ou la sécurité, et ainsi, les choix néolibéraux du PS et de l’UMP, si favorables au MEDEF et si défavorables aux classes populaires et moyennes, ont été inscrits dans la loi sans vrai débat politique démocratique. Au passage, il faut souligner le rôle de la sphère médiatique - financée par le Capital - qui a collaboré à l'enfumage du débat public, en popularisant la dérive droitière de l'UMP et l'idéologie frontiste, et en livrant des articles complaisants sur le FN ou des portraits flatteurs, quasiment people, des "responsables" du FN.
Depuis la défaite de 2012, l'UMP dénonce l'AME (aide médicale de l'Etat), récupérant ainsi une vieille idée du FN, soi-disant parce que la France n'a pas ou n'a plus les moyens de soigner gratuitement les étrangers. Cette revendication est d’essence raciste, mais elle est surtout porteuse de dangers pour l'ensemble de la population, et in fine pour les dépenses publiques. En l’espèce, soigner exclusivement les nationaux et les étrangers en situation régulière et laisser les autres se débrouiller face à la maladie pourrait favoriser une terrible épidémie.
Le discours de plus en plus droitier et réactionnaire de Sarkozy sur le déclin de la France s'approprie les thèmes de l'identité nationale, de la sécurité et de l'immigration. Soit les trois axes majeurs du discours frontiste. Soit une base idéologique commune à ces deux formations politiques.
A priori, Sarkozy compte rééditer son coup de 2007 quand il avait séduit une partie de l’électorat frontiste. Même s’il peut surfer sur le bilan désastreux de François Hollande et quand bien même l’UMP change de nom pour que son chef ne soit pas éclaboussé par diverses affaires qui dévoilent des us et coutumes nauséabondes, la ficelle est usée depuis l’élection de 2012... Et en 2017, elle pourrait se retourner contre lui pour le grand bénéfice du FN.
Aussi, la droite classique risque de devenir le supplétif du Front national, voire son allié. Cette hypothèse n'est pas invraisemblable. Tandis que l’UMP se rapproche du FN, le FN semble se rapprocher de l’UMP. Certains cadres UMP (ou RPR) ont opportunément rejoint l’entreprise familiale Le Pen.
De plus, le discours du FN est volontairement ambigu au niveau économique et social. Entre le vernis social de récente date de Marine Le Pen et le vieux néolibéralisme de Jean-Marie et de Marion Le Pen, tous les possibles sont permis. De surcroît, le FN évolue sur la question européenne. Il conditionne, depuis peu, la sortie de l'Union européenne au résultat d'un référendum. Par ailleurs, les maires FN, vitrines officielles d'un FN "respectable" aux affaires, mènent des politiques antisociales qui ressemblent à s’y méprendre à celles de certaines municipalités UMP...
Bref, au train où va la dérive de la droite classique et la soif de pouvoir de l'extrême droite, le futur (nom) de l’UMP n’est pas à inventer : c’est le Front national !