Ce n’est pas le premier scientifique à suggérer qu’une infection peut conduire aux symptômes de dépression ou à des changements émotionnels radicaux. Ainsi, en 2012, une étude, publiée dans le Journal of Clinical Psychiatry avait suggéré que le parasite Toxoplasma gondii, responsable de la toxoplasmose et présent chez 10 à 20% de la population, pouvait être associé à un risque accru de tentatives de suicide (TS) chez les personnes infectées. Le parasite serait aussi à l’origine de changements subtils dans le cerveau, entraînant une vulnérabilité particulière, estimée à un risque multiplié par 7 de TS. Ainsi, les personnes qui possèdent un chat auraient un risque plus élevé de suicide, leurs animaux pouvant les rendre ainsi, plus exposées à l‘infection par Toxoplasma gondii.
Le Dr Turhan Canli du département de psychologie de l’Université de Stony Brook met, à nouveau, en avant plusieurs arguments :
La dépression « ressemble » à une infection :
· Malgré des décennies de recherche, la dépression reste parmi les troubles les plus fréquents en santé mentale,
· ses récidives sont fréquentes, en dépit de traitements par antidépresseurs,
· les patients dépressifs vont adopter un comportement similaire à celui associé à une maladie (perte d’énergie, difficulté à sortir du lit, perte d’intérêt…),
· les biomarqueurs de l’inflammation dans la dépression suggèrent une origine infectieuse : ces marqueurs peuvent correspondre en effet à l’activation du système immunitaire en réponse à un agent pathogène, qui peut être un parasite, une bactérie ou un virus.
En conclusion, s’il n’existe aucune preuve directe que la dépression majeure peut être le résultat ou la conséquence d’une infection, de nombreux signes suggèrent ce processus concevable.
Il existe déjà des exemples de processus similaires dans la nature :
· L’auteur fait à nouveau référence à T. gondii et à des études menées sur l’animal : un rat infecté par bactérie T. gondii sera attiré par certaines odeurs et n’aura plus peur du chat !
· Chez l’homme, l’infection à T. gondii est associée avec des marqueurs inflammatoires similaires à ceux trouvés chez les patients déprimés,
· l’auteur rappelle l’association entre l’infection à T. gondii et le risque de suicide, la dépression et les troubles bipolaires.
· Mais il cite également des études suggèrent que certaines bactéries intestinales (microbiote intestinal) pourraient être une autre cause de dépression (leaky gut syndrome) ou de stress émotionnel.
· L’auteur cite enfin une méta-analyse de 28 études, qui a examiné le lien entre les agents infectieux et la dépression et identifie des virus, comme celui de l’Herpès, ayant des associations importantes.
L’auteur cite ainsi à l’appui, plusieurs études sur l’animal ou de laboratoire, portant sur les biomarqueurs de l’inflammation chez les patients déprimés.
L’hypothèse soutenue reste donc à discuter et appelle à mener de larges études sur les patients déprimés soigneusement caractérisés vs témoins sains pour tenter d’identifier d’éventuelles origines infectieuses à la dépression.
Source:Biology of Mood and Anxiety Disorders October 21 2014 doi:10.1186/2045-5380-4-10Reconceptualizing major depressive disorder as an infectious disease