Le président islamo-conservateur turc Erdogan (Parti islamiste l’AKP), a affirmé lundi dernier, 24 novembre, que les femmes ne pouvaient pas être naturellement égales aux hommes. Je cite: « Notre religion (l'islam) a défini une place pour les femmes (dans la société) : la maternité ». Déclaration faite au sommet sur « la justice et les femmes ». Enfonçant le clou il explique que « Certaines personnes peuvent le comprendre, d'autres non. Vous ne pouvez pas expliquer ça aux féministes parce qu'elles n'acceptent pas l'idée-même de la maternité ». Dans la même veine il s'est permis d'assurer qu'hommes et femmes ne pouvaient pas être traités de la même façon « parce que c'est contre la nature humaine ». Il argumente son ignominie en affirmant que « Vous ne pouvez pas mettre sur un même pied une femme qui allaite son enfant et un homme » et que « Vous ne pouvez pas demander à une femme de faire tous les types de travaux qu'un homme fait, comme c'était le cas dans les régimes communistes ». Le président turc exprimé dans ses déclarations exprime ce qui se trouve explicitement dit dans le Coran. La laïcité exemplaire établie en son temps par Attaturck vole en éclats. La référence d'Erdogan est bien l'affirmation politique au quotidien du Coran comme régulateur, organisateur de la vie quotidienne des turcs qui perdent ainsi tout référence à une citoyenneté...
Il faut savoir que dans la règle édictée par le Coran la femme n’y est désignée que comme croyante, épouse et mère, avec l’affirmation de la prééminence de l'homme sur elle (Sourate 2 versets 228) ; Le témoignage d'une femme vaut la moitié de celui d'un homme, (Sourate 2 verset 282) ; la femme perçoit la moitié de la part dévolue à l'homme lors d'un héritage, (Sourate 4, versets 12) ; l'homme a droit à la polygamie (Sourate 4, versets 3) et à répudier sa femme, (Sourate 2, versets 226 à 233) ; « Les hommes sont supérieurs aux femmes à cause des qualités par lesquelles Dieu a élevé ceux-là au-dessus de celles-ci … » (Sourate 4, versets 38 et suivants).
Evidemment, tous les musulmans de tous les pays n’appliquent pas le contenu de ces textes à la lettre. Mais la tendance significative actuelle dans notre pays, à la réaffirmation identitaire d’un islam sous le signe d’une montée des revendications communautaires à caractère religieux, relatives à des exigences transférant directement d’une relecture littérale du Coran, pose problème. Il en va de donner de la force à des normes sociales venues de la religion et pesant par l’entremise d’une logique communautaire, contraire à nos valeurs collectives, à la démocratie elle-même, à nier l’égalité entre les hommes et les femmes et donc tendant à discriminer certains citoyens selon leur sexe par rapport aux autres.
Le CFCM, dans la Convention citoyenne qu’il a présentée en juin dernier, explique que le « Coran confère une égalité totale aux femmes et aux hommes », en se référant à la sourate II qui dit précisément le contraire ! Si l’homme et la femme ont un égal devoir devant leur dieu, on confond ici allègrement cette obligation avec l’Egalité en droit. Le Coran, sans contestation possible, institue l’infériorité juridique des femmes dans l'application stricte des textes tel que précisé ci-dessus. Toutes les religions sont issues de sociétés anciennes ayant vu le jour dans des contextes historiques où la violence dominait avec le patriarcat. Serait-ce si déshonorant à dire, que le Coran contient aussi cela, mais que ce n’est pas dans ces passages dans lesquels doivent se reconnaître les musulmans d’aujourd’hui, périmés face à la modernité démocratique ? Ce serait d’autant plus important après ces déclarations d’Erdogan qui mettent en pièce l’idée d’une Turquie comme modèle ayant su allier islam et démocratie, pour justifier d’être candidate à l’entrée dans l’Union européenne.
Le 25 novembre 2014, dans le cadre de la Journée internationale contre les violences faites aux femmes, des femmes d’origine Maghrébine membre de l’association, Le Collectif "Femmes sans voile d’Aubervilliers"1, se réclamant de ne pas porter le voile, ont interpelé le Conseil Français du Culte Musulman pour avoir, dans la Convention citoyenne qu’il a initié, cru bon d’affirmer que : "le voile est une prescription qui recommande au Prophète "de dire à ses femmes, ses filles et aux femmes des croyants…" (Coran 33-59), de l'arborer pour la réserve qu'il leur impose" (art.5 Les tenues vestimentaires). Comme ces femmes l’affirment dans cette interpellation, « le voile n'est ni un simple tissu, ni une relation à Dieu, il est l'instrument privilégié de la remise en cause de ces droits fondamentaux que sont l'égalité et la liberté pour les femmes. Le voile n'est actuellement exigé que dans les pays les plus conservateurs (Arabie Saoudite, Iran, Pakistan, Afghanistan...). Il est le premier acte d'autorité des djihadistes dans les villages conquis (Irak, Syrie, Mali, Nigéria...), que les femmes soient musulmanes ou non. Il est devenu leur étendard de par le monde. Il s'accompagne de la suppression de toute liberté pour les femmes. » Une démarche ne cherchant nullement à porter atteinte à la dignité des femmes qui le portent, mais à contredire un ordre inégalitaire insupportable entre hommes et femmes, que le voile signifie.
Les déclarations de M. Erdogan auront eu l’intérêt de lever une hypocrisie en cours dans notre pays et qui voudrait que, de dire de l’islam que cette religion serait dans ses références discriminatoire pour les femmes, soit pure islamophobie. Il reste un long chemin pour qu’un véritable débat sur le fond sans tabou, puisse avoir lieu sur une nécessaire modernisation de cette religion, prenant en compte les évolutions qui ont fondé la condition de l’homme moderne et particulièrement de la femme. Il en va aussi de la protection de la liberté des musulmans eux-mêmes, qui n’entendent pas se voir imposer par une logique communautaire leur façon de penser et de vivre, qui sont avant tout nos concitoyens bénéficiant des mêmes droits que tous, dont, la liberté de conscience que garantit notre République laïque. Le CFCM se doit d'en prendre toute la mesure et conscience.