Vu la semaine particulièrement terne en sorties, je vais parler aujourd’hui d’un petit film qui a tout d’un grand, injustement méconnu et boudé lors de sa sortie cinéma. Un savant mélange de guerre de sécession, de cannibalisme et de légende indienne prenant place dans un fort enneigé, le tout inspiré par un sordide fait divers au Passage de Donner en 1847-1848 où un groupe d’immigrants vers la Californie avaient été contraint de dévorer ses morts pour survivre…
Vorace – La légende du Wendigo
John Boyd, capitaine lâche, commet par hasard un acte d’héroïsme en capturant seul un poste de commandement après s’être fait passer pour mort. Ne pouvant le fusiller pour sa lâcheté, en raison de son fait d’arme, son commandant décide de l’affecter à un petit fort dans les Rocheuses. Sur place, Boyd fait la connaissance d’une petite garnison survivant malgré un temps très rude. Un soir, Colqhoun, un homme étrange, arrive au fort. Il leur raconte une étrange histoire, et comment il a du survivre pendant des mois en mangeant les corps d’immigrants morts. Les hommes du fort décident de monter une petite expédition pour aller trouver d’éventuels survivants…
D’emblée, Vorace fait penser à « Les Survivants » de Frank Marshall qui expliquait comment l’équipe nationale Uruguyaine de rugby avait survécu après un crash de son avion dans les Andes en ayant recours à l’anthropophagie. Histoire sordide mais réelle, donnant un film poignant. Le thème de l’anthropophagie est également le cœur de l’intrigue de Vorace, mais la façon dont il est abordé est tout à fait différente. Le scénariste Ted Griffin s’interroge via ses personnages sur la nature de l’homme, de surhomme, de la volonté de pouvoir.
Le script est en effet très malin en se basant sur la légende indienne du Wendigo. Homme mangeant la chair de ses ennemis, il s’en approprie la force et l’âme. Sauf qu’une fois qu’il y a gouté, son appétit devient insatiable et il veut toujours manger plus… tout en gagnant de plus en plus en force. Le concept est finalement très proche de la damnation, l’être humain devient ainsi surhomme, mais perd en même temps tout sa moralité et donc son humanité. Qu’est le Wendigo en somme ? Un homme exceptionnellement fort à la moralité légère ou un damné ?
C’est cette question de choix, qui est au cœur du script. Sans déflorer l’intrigue, les personnages vont être confrontés à ce choix tout au long du film. Que faire quand l’anthropophagie est la seule façon de survivre, capable de vous rendre plus fort, et en même temps garant d’une horrible malédiction ? La question est posée de manière philosophique, et sans à aucun moment que le script ne soit lourd. Au contraire c’est tout en subtilité et avec une approche réaliste toujours à la lisière du fantastique que l’ambiance est distillée.
Très solide casting pour incarner des rôles pas si évidents… Tout d’abord Robert Carlyle, absolument monstrueux dans tous les sens du terme dans le rôle de Colqhoun, l’homme par qui le mal arrive. Solide interprétation également de Guy Pearce dans le rôle de Boyd, homme ne sachant plus où se trouvent ses limites, entre courage et lâcheté. Personnage complexe, intéressant, et profondément humain… très loin des poncifs hollywoodiens habituels. Pas mal de têtes connues dans les seconds rôles, comme David Arquette, Jeffrey Jones ou Neal McDonough.
Vorace est un film très intéressant, qui sous une thématique qui laisse attendre un film grand-guignolesque pose de vraies questions profondes. L’homme est-il vraiment un loup pour l’homme ? Un film à se fournir d’urgence en DVD (disponible partout).