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Un premier roman qui était déjà le roman de la maturité

Par Citoyenhmida

le jour venu

LE JOUR VENU” est le premier roman de Driss C. JAYDANE  paru aux éditions LE SEUIL en 2006.

A l’époque, l’auteur  était un inconnu du grand public marocain, malgré une carrière et une activité intellectuelle très intense. Auteur de chroniques sociales, de textes d’analyse politique, conférencier et directeur de séminaire, il est à l’aube de sa quarantaine et il a donc  choisi cet instant de sa vie pour nous proposer dans ce roman  sa vision du Maroc des années 80, du Maroc de Hassan II en pleine période de années de plomb.

Le roman a été accueilli par une certaine presse  française avec  la condescendance habituelle qu’elle réserve aux romans maghrébins .

Myriam Anderson dans  Le Figaro du 10 octobre 2007 parle d’une “ironie de rigueur contre une violence sourde, mûrie au soleil du Maghreb, avec une tendresse qui la rend plus redoutable encore”.

La presse marocaine n’a pas tari d’éloges non plus sur cet ouvrage.

Aujourd’hui-Le Maroc, quotidien consensuel parmi les plus consensuels, affirme même que “un écrivain marocain de langue française est né” et il trouve  “ce roman inspiré, courageux et novateur”.

Me méfiant des critiques trop laudatrices et surtout trop superficielles, j’abordais donc le roman avec une certaine réticence, d’autant que j’avais lu, avec une grosse pointe de déception,  il y a quelques mois “Le divan marocain“, second roman de Driss C. Jaydane.

Cette fois-ci encore, durant les premières pages,  j’ai eu du mal à suivre le héros, un adolescent, fils de très gros bourgeois casablancais, de surcroit  fassi et  “chrif”, conscient de l’importance de son ascendance et des droits quasi naturels qu’elle lui confère.

Entre les limites de son confortable et douillet  lieu géométrique  – villa à Anfa,  lycée français , club de tennis et rondeurs appétissantes de sa cousine – il n’avait d’autres repères sociaux que ses parents, son chauffeur et son ami, fils de pieds-noirs espagnols!

Mais dès qu’un journaliste – dont on ne sait exactement comment ni pourquoi  il entre dans sa vie – l’entraîne dans une espèce de voyage initiatique, le roman devient passionnant!

L’écriture pure mais très juste, le style alerte, les images crues mais sans ostentation, les personnages esquissés mais parfaitement plausibles,  le tout nous entraîne avec l’adolescent à la découverte d’un Casablanca dont il ne soupçonnait même pas jusqu’à l’existence.

Le jeune richissime bourgeois, promis à une vie opulente digne de celle de son père, découvre le Casablanca de la résistance populaire à l’oppression des riches et du pouvoir, le Casablanca de la misère la plus totale, celle des plus démunis armi les démunis, , le Casablanca de la religion en prise directe avec le Créateur, sans ostentation, sans faux-semblant, le Casablanca  où les riches sont extrêmement riches et les pauvres extrêmement pauvres. Un Casablanca où les deux villes co-existent, sans se connaitre même leurs habitants se croisent : les pauvres étant au service des riches, de manière naturelle!

Le roman aurait pu être noir et pessimiste! Non, Driss C. Jaydane arrive à éviter cette facilité tout en restant objectif et terriblement lucide. En effet, le jeune Moulay revient pratiquement indemne de cette descente aux enfers sociaux et retrouve la place qui est la sienne : son bourgeois de père se chargera de remettre sur l’orbite de laquelle il n’aurait jamais dû dévier!

Les dernières pages du livre sont une glaciale et terrifiante plaidoirie pour l’inéluctable reproduction des élites de ce pays, dont le Maroc n’a pas encore malheureusement pris la pleine mesure!

Un premier roman réussi, accompli et portant le signe de la maturité!

A lire absolument ! Parce que, contrairement à beaucoup de romans marocains, celui-ci donne à réfléchir!


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