Il y a évidemment fort à parier que les débats du début d'année sur la fameuse théorie du genre ne sont pas pour rien dans l'appropriation par ces artistes de ces questions portant sur les identités sexuelles là, même si chez Ozon, on devine largement que le militantisme soit plus prégnant que chez Djian.
Il faut dire évidemment, pour ceux qui l'avaient oublié, que ces polémiques sur la théorie du genre, (dont le but au départ est de mettre en évidence les nombreuses manières dont nos sociétés tirent prétexte de la différence biologique entre les sexes pour hiérarchiser le masculin et le féminin depuis des millénaires), ont entrainé une telle période de confusions autour des notions d'identité sexuelle, qu'il me semble plus que salutaire que de grands réalisateurs ou écrivains viennent un peu relever le débat et apporter des considérations un peu plus interessantes que ce qu'on pu entendre ici et là.
Malheureusement, il y a l'esprit d'un projet et son résultat final et je dois dire q'une fois après avoir vu -et lu- les oeuvres en question, j'avoue être un peu mitigé par le traitement final du sujet, pour des raisons évidemment (vu les personnalités radicalement divergents des deux artistes en question) totalement différentes l'une de l'autre. Si je reviendrais prochainement sur le Chéri Chéri de Philippe Djian, disons en ce premier jour de décembre quelques mots (enfin quelques, façon de parler, vous me connaissez) sur cette Nouvelle amie de François Ozon qui m'a hélas un peu déçu.
"Une nouvelle amie" mélange en effet plusieurs genres cinématographiques (fable, comédie, tragédie) et plusieurs tons différents (grotesque, ironie, empathie) de façon pas toujours très habile et un peu confuse pour le spectateur. Désirant retranscrire la quête d’identité propre à ses personnages principaux, Ozon mélange dans un shaker sentiments, désirs et sexualité, et perd un peu le spectateur en route qui ne sait plus trop à quoi se raccrocher.
On voit parfaitement l'ambition avérée du réalisateur : faire de cette Une Nouvelle amie moins une œuvre pédagogique qu'un conte de fée moderne, mais le résultat à l'écran n'est pas vraiment à la hauteur de ses ambitions.
Le film commence comme une fable grincante sur le deuil, finit comme une pochade militante ( qui a beaucoup géné mon comparse Michel), et entre les deux emprunte plusieurs chemins de traverses, dont certains sont plus réussis ( la fameuse scène de cabaret sur une chanson de Nicole Croisille) que d'autres ( toutes les scènes avec Raphaël Personnaz, au personnage de gentil beauf pas très subtilement écrit).
Certaines scènes ne fonctionnent pas à cause d'une volonté du cinéaste d'avoir voulu greffer un ton comique , et qui contrebalancent trop radicalement avec les tourments intimes vécue par les personnages et qui font perdre de l'intensité aux scènes d'après.
Si l’ambiguïté d’une relation entre Claire et Virginia/David est parfois palpable, elle prend surtout sa force grace au beau personnage de Claire. En effet, en fin de compte la question de l'orientation sexuelle se pose davantage pour l'amie, Claire que pour David : son amitié fusionnelle avec Laura et ses sentiments troubles à l'égard de David mettent le trouble dans l'esprit du spectateur sur son orientation sexuelle, et la décidement merveilleuse Anaïs Demoustier excelle à incarner ce trouble.
A ses cotés, je suis plus mesuré sur la performance de Romain Duris tant loué ici et là : sa transformation est certes à saluer, mais on a tout de même du mal à le voir totalement dans la peau de Virginia, contrairement à la performance de Melvil Poupaud dans ( Lawrence Anyways, auquel on pense également énormément pendant tout le film, mais la comparaison ne tourne pas à l'avantage du film d'Ozon vu la beauté du film de Nolan) ou même celle de Jarid Leto dans Dallas Buyer Club, l'acteur ne parvient pas totalement à s'effacer derrière son personnage et me parait plus convaincant dans des rôles plus comiques (comme dans L'arnaqueur, Populaire ou bien encore l'excellent Casse tête chinois).
Bref, on a parfois un peu de mal à adhérer totalement à ce qui se joue devant nos yeux, à cette forme d'amité amoureuse entre les deux personnages principaux, et en fin de compte, malgré une fin plus émouvante (car quittant la fable grincante pour un mélo plus almovadarien), cette "Nouvelle amie" nous laisse toujours un peu trop à distance pour bouleverser autant que j'aurais aimé l'être.
VOIR CHRONIQUE DE THIERRY Gandillot : "Une nouvelle amie" sans surprise