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La tendresse des pierres - Marion Fayolle

Publié le 01 décembre 2014 par Litterature_blog
La tendresse des pierres - Marion Fayolle Samedi à Montreuil, dans les allées du salon, Moka me rappelle l'air de rien que je n'ai toujours pas lu cet album pour lequel elle avait eu un véritable coup de cœur et qu'il y a là quelque chose d'absolument inadmissible ! Elle m'avait déjà fait le coup avec « Le bleu est une couleurchaude », je m'étais exécuté fissa et je ne l'avais pas regretté, ce n'est rien de le dire. Cette BD, je l'ai achetée il y a un an et depuis, elle traîne sur mes étagères, attendant que je lui accorde l'attention qu'elle mérite. Alors hier matin, j'ai profité d'une maisonnée endormie pour m'y plonger la tête la première.
« C'était un homme insaisissable, souvent absent et au tempérament très dur. La maladie venait mettre un grand coup dans sa vie. Tout s'écroulait. C'était triste mais j'étais convaincue que ça allait le rendre meilleur, que tout irait mieux entre nous, maintenant que tout allait mal pour lui. S'il avait failli mourir mais qu'il n'était pas mort, c'était que la vie lui avait donné un sursis pour qu'on aille à la rencontre l'un de l'autre ».
La tendresse des pierres - Marion Fayolle La narratrice raconte l'agonie de son père. C'est d'abord un poumon qu'on lui ôte, puis le nez, qu'il va dorénavant porter au cou comme un ruban, et enfin la bouche. On lui offre de nouveaux poumons, qu'il doit traîner derrière lui comme une valise à roulettes. Petit à petit, le père redevient un enfant dont il faut s'occuper sans cesse, incapable de marcher, incapable de se nourrir seul, qui ne parle plus, faisant la sieste chaque après-midi et qu'il faut embrasser chaque soir sur le front pour le rassurer avant de dormir. Un père tyrannique auquel chaque membre de la famille offre son temps sans jamais avoir le moindre remerciement. Un père finalement condamné le jour où la sentence des médecins tombe, définitive : « Papa va mourir ».
La tendresse des pierres - Marion Fayolle Incroyable album à l'inventivité graphique sans limite, parfois proche du surréalisme, épuré à l'extrême et d'une force d'évocation stupéfiante. Le rapport au père est souligné avec une pudeur bouleversante. On sent la souffrance, la perte à venir, les non-dits, ces mots d'amour qui jamais ne viendront. L'accompagnement vers les derniers instants est décrit avec une sensibilité qui mettrait la larme à l’œil au gros dur le plus aguerri. Au delà du sujet pour le moins douloureux, je trouve le rapport texte/images proprement fascinant. Un très, très, très grand album. Moka avait raison, il aurait été inadmissible de le laisser prendre la poussière plus longtemps.
« Si j'avais dû trouver un élément pour symboliser mon père, j'aurais choisi les pierres. Mais, attention pas les galets lisses et doux. Non, plutôt les rochers qui piquent les pieds si on leur marche dessus sans chaussures. Ceux qui sont recouverts d'aspérités. Ceux qui râpent, qui coupent, qui sont agressifs et froids. Mon père était un rocher sur lequel on aurait aimé s'agripper sans se blesser. Sous lequel on aurait aimé s'abriter sans se sentir menacé ».
La tendresse des pierres de Marion Fayolle. Magnani, 2013. 140 pages. 25,90 euros.
Les avis de Mirontaine et Moka.


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