Alexandre Astier et Louis Clichy plongent dans l’histoire. La grande. Celle d’une époque Antique, quelque part en Armorique en 50 avant notre ère, le passé d’une bande-dessinée devenue culturelle. Astérix : Le Domaine des Dieux résulte de deux choix : un album, le 17e supervisé par Albert Uderzo et René Goscinny ; et le retour de nos Gaulois favoris sous l’apparence la plus fidèle à l’aide d’une animation en 3D. (Visible en 2D !)
Passion et raison d’une fidélité à l’oeuvre originale paraissent guider Astériex : Le Domaine des Dieux. S’il n’était question que d’une simple adaptation des cases dessinées bien des années auparavant, le débat, les impressions et notre critique auraient pu de sens. Avec le choix de l’animation, nos co-réalisateurs font honneur à toutes les qualités de la bande-dessinée grâce à une réelle réadaptation. Des dialogues, écrits majoritairement par le créateur/réalisateur de Kaamelot à l’animation inédite d’Astérix et ses compagnons Gaulois et des scènes mises en scène en avant par Louis Clichy, le format animé retrouve la vocation de la BD originale : réunir petits et grands sous l’humour et des thématiques à la critique bienveillante ! La réussite tient à plusieurs arguments. Le premier étant probablement le fait de tirer profit du support animé pour un résultat extrêmement fidèle. Originale, la réadaptation du Domaine des Dieux l’est par ses libertés et ses choix. Enfin, ce sera finalement l’intelligence puis l’humour de la réalisation qui nous a pleinement convaincu.
Renouer avec la fidélité de la bande-dessinée
« Un village résiste encore et toujours à l’envahisseur ! »
Astérix : Le Domaine des Dieux n’est pas un album de voyage, cette fois-ci. Il se concentre sur la communauté villageoise et gauloise d’Astérix, d’Obelix, Idéfix et les habituels avatars de l’univers d’Uderzo et Goscinny. L’impérialisme romain n’a pas dit son dernier mot, bien au contraire. A l’aide de comparaisons volontaires, le Domaine des Dieux rappelle l’image d’un urbanisme effréné. Rome s’exporte aux bords du village Gaulois, du haut de ses immeubles-HLM anachroniques. Du village à la ville, il n’y a qu’un pas pour les résidents d’Armorique. Pour ce récit, surprenant, Uderzo et Goscinny avaient choisi de souligner le déchirement d’une communauté; A. Astier et L. Clichy réutilisent ceci avec soin.
La décision de l’animation est une affirmation ô combien sage. Derrière, ce n’est qu’un simple retour aux origines d’Astérix. Il fallait, inévitablement, effacer les désastres des réalisations cinématographiques où la chair et le sang des acteurs, l’argent et l’exploitation d’un nom, prennent le dessus sur la passion et la qualité. Une belle image ne suffit pas, on le sait. Pour cela, Alexandre Astier et Louis Clichy ont soufflé la poussière et joué la carte de l’originalité. Pour la première fois, le 17e album est porté à l’écran.
Oursenplus (Doublé par A. Astier), Prospectus (Doublé par A. Chabat) et Astérix (R.Carel) sont doublés avec cette idée de fidélité !
Extraire toutes les possibilités de l’animation était un enjeu. Aussi bien au niveau du doublage, où l’on retrouve « la » voix originale d’Astérix de notre enfance ou des précédentes réalisations animées sous le doublage de Roger Carel, ou au niveau du bruitage, à l’aide d’anachronismes remplis d’humour, les espaces de liberté offerts par le support animé trouvent des lettres de noblesse.
Roger Carel reprend la voix d’Astérix, une dernière fois. Pour l’une des plus fidèles.
Avec de l’adresse, l’animation devient « le » support d’essai et d’intelligence que l’on relègue souvent – et seulement – aux enfants. Notre duo de réalisateur renoue avec malignité à la frontière presque invisible entre cinéma et dessin-animé. L’un emprunte les codes de l’autre pour avoir « son » identité. Le spectateur, par exemple, ne souffre pas des chants de notre barde favori selon une manière habile. Ailleurs, il reconnaitra la douce mélodie de nos radios matinales favorites dans un son de trompette …
Astérix : Le Domaine des Dieux a été un projet attendu et de longue haleine. S’il y a eu un travail pour une animation irréprochable et fidèle, la grande implication est de l’ordre du détail. Ce petit plus qui rend un film attendrissant. « Ce » détail qui transforme l’adaptation en implication des réalisateurs.
« Vous ne passerez pas! », « par Toutatis! »
« Vous ne passerez pas! ». Une citation anodine bien extraite d’Astérix : Le Domaine des Dieux !
Alexandre Astier, tout lui réussit. Tout ce qu’il entreprend est un succès. On peut le lire, mais on peut surtout le justifier dans une co-réalisation audacieuse d’Astérix : Le Domaine des Dieux. Ce qu’essayent Alexandre Astier et ses collègues n’est autre qu’un travail allant de A à Z. Ce que chacun devrait savoir faire dans chaque présentation à un public. A savoir se documenter, s’inspirer, insuffler une part de personnalité et créer quelque chose de cohérent. Il n’y a aucune prétention à dire qu’Astérix : Le Domaine des Dieux fonctionne car la réadaptation des dialogues sait être fidèle et aller au-delà : un générique spécifique est créé, de grandes libertés ont été prises en insérant une réplique devenue culte de Gandalf sous les traits de Panoramix, ( » You shall not pass! « ) ou encore un discret « C’est pas faux! » dans la bouche d’un Romain … De l’aspect graphique à la « pop-culture » et en passant par ses propres créations, les dialogues ont subi une réécriture. Elle est référencée, certaines nous ont échappé et renouent avec une nouvelle forme de clin d’oeils, outre les calembours si délectable de René Goscinny. (« Petit minus », « TravaillerPlusPourGagnerPlus », « Angleaigus », l’architecte …)
Un humour instantané … qui fait souvent un grand succès dans les rangs. Ce lien aux origines de la BD est un plaisir certain!
De nouvelles illustrations supposent théoriquement de nouvelles lignes de dialogues. Par traits d’humour instantanés, par doublage parfois, on se réjouit d’apercevoir un esprit critique et humoristique encore vif. Issu parfois de l’oeuvre originale, souvent réécrit pour l’occasion, des passages inoubliables ont encore beaucoup de vigueur pour les spectateurs de l’année 2014. Les dialogues à propos de l’administration (Une récurrence dans les Asterix), la question de l’affranchissement et de la servitude, l’activité majeure des arènes tournée en une réinterprétation du catch … La co-réalisation parvient à faire sourire. A tout âge, en de nombreux moments, en des moments parfois incongrus. C’était là, aussi, le talent de notre duo à la Bande-Dessinée. Il est renouvelé, ou du moins régulièrement fidèle à l’esprit d’origine.
De l’humour pour désarmer l’absence et les réalisations ratées d’Astérix. Mais une écriture toujours en équilibre pour exploiter, encore et toujours, une critique qui plaira aux plus grands comme aux plus jeunes.
« Rire est le propre de l’Homme … »
Les deux niveaux de lecture sont de véritables sources d’humour.
Astérix n’est ni pour les plus petits, ni pour les plus âgés. Ni honte ni disqualification pour Astérix : Le Domaine des Dieux qui pense à l’ensemble de ses publics avec brio. L’immédiateté de l’image, du comique de répétition, des expressions rappelant tout droit la bande-dessinée; se juxtapose à une construction distancée et critique … comme la BD. Il y a là, peut-être encore plus que les précédentes productions, un véritable accent sur l’Histoire, notre histoire et les phénomènes sociaux. L’avantage a tout ceci étant, probablement, une double réussite. Cela tenait à la fois à justifier le retour d’Astérix et le pourquoi du comment de ce 17e volume en particulier. On pourrait, pour soutenir les deux réalisateurs, en apprécier le côté actuel et quasi intemporel. Malheureusement oui, l’administration est toujours aussi longue; la vie rurale tend à être une banlieue proche des espaces urbains. Ceci parmi d’autres faits.
Il n’y aura pas de réalisations Disney pour l’année 2014 en France. Il y aura Astérix. Nous pourrions, aussi, développer l’entreprise inédite de la 3D. Il suffira juste d’apercevoir quelques images pour se persuader qu’elle n’est qu’un aspect saillant de la fidélité vouée à l’oeuvre d’Uderzo et Goscinny. Des idées les plus simples, comme l’aurait été la BD d’Astérix, Astérix : Le Domaine des Dieux brille par sa fidélité et ses prises de risque payantes. Différent, actuel, et surtout réactualisé, Astérix nous prouve qu’il est un héros figé dans le temps et dans les cultures. Il parle à presque tous, convainc de nouveaux publics par une efficacité de l’animation, de ses dialogues … Une réussite qui nous a particulièrement plu pour ce retour nostalgique de l’une des plus belles histoires de la BD francophone ! 2D comme 3D, Asterix s’apprécie à tout âge pour renouer avec les premiers traits héroïques d’Uderzo et Goscinny; Alexandre Astier et Louis Clichy en sont les nouveaux interprètes!On a aimé :
+ La modélisation 3D : visuelle et fidèle.
+ Une réécriture des dialogues perceptible et référencée.
+ L’album Asterix : Le Domaine des Dieux : une critique incroyablement moderne. (Et faisant encore sens!)
+ La voix de Roger Carel, « le » doubleur d’Astérix !
+ Clins d’oeil, références et emprunts à la « pop-culture » : mosaiques, Seigneur des Anneaux, Kaamelot … et d’autres!
+ Un humour instantané et simple.
On a détesté :
- La voix de Pierre Tornade, voix d’Obelix des précédents dessin-animés, nous manque … (Le doubleur/acteur étant décédé en 2012.)
- Une 3D dispensable.