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Pourquoi les gros savent qu'ils sont gros ?

Par Jeuneanecdotique
30 novembre 2014

Pourquoi les gros savent qu'ils sont gros ?

Non pas parce qu'ils se voient tous les jours dans la glace, et qu'ils sont bien obligés quelquefois de poser les yeux sur leur corps, genre quand ils se savonnent les cuisses dans la douche. Non, non, bien entendu que non. Ils le savent parce que tout le monde se sent obligé de leur rappeler. Si on ne leur disait pas, à ces pauvres personnes, à quel point elles ne sont pas minces comme il faut, elles ne le sauraient jamais, voyons...

Que cela soit clair, si j'emploie le mot "gros" dans mon titre, ce n'est pas pour insulter ces personnes, qui ont le même triste problème que moi. C'est pour vous dire comme je me vois dans les yeux des autres.

Dès que tu as un problème, les gens se sentent obligés d'appuyer dessus, de manière presque compulsive. Certains diront que c'est pour votre bien, d'autres que vous l'avez bien mérité à vous laisser aller, que ce n'est qu'être honnête de vous insulter et vous juger sur votre corps. Dans tous les cas, AUCUN, je dis bien AUCUN, de ces éternels discours moralisateurs sur ce que nous devrions faire pour être moins gros ne sont utiles ou même pertinents. C'est comme dire à quelqu'un "arrête de fumer" ou "arrête de te ronger les ongles". Qu'arrange-t-on en faisant juste remarquer un problème déjà bien connu et mal vécu ? A part remuer le couteau, cela ne change rien.

Depuis que je suis adolescente, tout le monde me rabâche qu'il faut que je me prenne en main, que j'arrête de manger comme un cochon, que vraiment plus tard j'aurai des problèmes de santé. Mais fuck, je le sais que je mange trop, et fuck, moi aussi j'ai peur d'avoir une crise cardiaque bien trop tôt. Je ne suis pas comme cela par plaisir, j'ai mes raisons, mon vécu, mon métabolisme aussi. A chacun les siens. Par exemple, certains pour se sentir exister jugent compulsivement et gratuitement les autres. Moi, je mange.

Quand je ne mange pas, je ne me sens pas en sécurité. Tant que je n'ai pas ce que je m'étais mis en tête de manger, je ne suis que frustration, je ne pense qu'à ça, et moins je mange, plus j'ai envie de le manger. Me retenir ne sert à rien, sauf à faire grossir mon envie, ma compulsion, jusqu'à ce que cela explose et que je parte en cacahuètes. Quand je me mets en tête que c'est de CA dont j'ai envie, je n'arrive pas à me l'ôter de la tête. Pourtant, j'ai un boulot, des tâches ménagères et des rendez-vous médicaux, mais ça revient inlassablement à la charge. Il me le faut sinon je ne me sens pas bien. Comme démunie, vide, en danger.

Je ne demande pas à ce qu'on comprenne cela car c'est très personnel. C'est étrange, aussi, pour autrui. C'est ce que je ressens. Moi. Je n'en suis pas heureuse. J'aimerais pouvoir penser à des frites, et arriver à continuer ma journée normalement, sans opression, sans frustration, sans obsession. Cela me rendrait la vie tellement plus facile.

J'ai déjà bien assez à gérer avec moi-même. Je ne suis pas sotte ni aveugle, je sais que j'ai un problème et que ma santé et mon apparence en patissent tant que je ne règle pas le souci. Je n'ai pas besoin d'en avoir dix fois la confirmation chaque jour. C'est très généreux de la part des bien-pensants, mais non merci. On le sait. Tout comme une blonde sait qu'elle est blonde, qu'un homme noir sait qu'il est noir, ou qu'un roux sait qu'il est roux, je suis une femme obèse qui sait qu'elle est obèse.

Je viens d'aller consulter un hypnotiseur Eriksonnien pour ma perte de poids. Je ne me mise pas tout sur lui et j'ai ma part de boulot à faire. Il parle beaucoup, explique les choses, donne de bons conseils. Il m'a expliqué une chose très simple : "Il y a un effet placebo. Tant que tout le monde vous parle de votre poids, votre poids est le centre de votre vie et vos soucis et il ne peut que continuer à exister. Cela ne peut pas s'arranger comme ça. Si on arrête de vous en parler, c'est prouvé, il sera plus simple pour vous de travailler dessus."

Et ce n'est pas faux. Rien que ne plus entendre tous mes proches me parler de ma graisse à longueur de temps ou m'espionner dès que j'ouvre la bouche pour me nourrir enlevera une partie du problème. S'ils me laissent me débrouiller, qu'ils me font confiance, et qu'ils se contentent juste de vivre avec moi, de m'aimer et de me soutenir, c'est déjà bien mieux. Cela instaure un contexte plus propice au renouveau. Plutôt qu'une vague déprime mêlée à de la honte personnelle d'être moi-même, et l'impression désagréable qu'ils ne m'aiment pas tant que ça pour toujours me pointer du doigt et me blesser.

C'est tout ce que je leur demande, finalement. De m'aimer. De comprendre que derrière mes dizaines de kilos en trop, il y a un coeur, des sentiments, une personne qui a bien conscience du problème. Et ce n'est pas parce qu'ils arrêteront de me rabâcher leur leçon de morale et de nutrition que je me laisserais aller, bien au contraire. De la compréhension, de la tolérance, ce n'est que du bonheur. Et là où il y a du bonheur, il y a plus de chances d'y avoir la réussite. Je me fais confiance. Je vais continuer les séances d'hypnose et fournir un travail pour y arriver. Même si ça prend du temps, même si je dois parfois me contrôler... L'hypnotiseur m'a fait voir les choses d'une manière tellement... parlante, que je ne peux pas faire autrement que d'essayer. Il le faut. Cette personne que je veux être est en moi, mais c'est à moi de casser tous les obstacles qui m'empêchent de l'atteindre. Ces obstacles, ce sont les kilos, et tous les inconvénients qui en découlent : ma confiance en moi, ma joie de vivre limitée, mon envie permanente de m'effacer, ma colère aussi.

Je sais que je suis grosse. Je n'ai pas besoin de vous pour me le rappeler, seulement pour m'aider à y remédier, cela me suffira amplement.

:)


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