Derrière ce long titre énigmatique, l'auteure et metteure en scène suisse propose un spectacle plein d'inventivité et de fantaisie, qui confronte l'Homme à l'animal et bouleverse les idées reçues.
Engagée dans un processus de réflexion autour de « l'Homme et la bête » depuis 2009, Marielle Pinsard a d'abord travaillé avec un groupe de comédiens suisses, ce qui a donné lieu au spectacle Assis et Carnivore, créé en 2010 à Lausanne. Puis, dans un deuxième temps, elle a prolongé cette recherche sur le continent africain, à travers plusieurs résidences en Afrique du Sud, au Mozambique, au Bénin et au Burkina Faso.
Le spectacle, présenté au Tarmac jusqu'au 5 décembre, est le résultat de cette réflexion en deux temps. On y retrouve cinq artistes suisses et quatre artistes africains. Cette recherche au long cours a permis à Marielle Pinsard de nourrir son spectacle d'une somme impressionnante d'influences et de perspectives différentes – africaines et européennes – autour de la question centrale du rapport de l'Homme à l'animalité, regroupées ici en quatorze tableaux.
L'auteure-metteure en scène a laissé libre cours à ses comédiens pour que chacun amène « son regard sur l'Homme et la bête, son « intime conviction » ». L'écriture s'est alors faite au plateau, sur la base d'improvisations et d'exercices dans un travail physique engageant les comédiens pleinement dans le processus de création. Cette approche très corporelle permet aux neuf artistes présent sur scène – tous excellents – d'apporter chacun leur singularité tout en formant un groupe soudé et cohérent. Ce fut ici tout le travail de Marielle Pinsard, d'arranger et de coordonner les propositions de chacun, tel un chef d'orchestre, pour leur donner vie à l'intérieur d'un ensemble cohérent.
Le résultat est un spectacle fait d'images fortes, de tableaux s'enchaînant, s'entre-choquant parfois, qui ne laissent jamais le spectateur indifférent. Pour Marielle Pinsard, « le spectateur ne peut pas juste consommer mais doit vivre un truc qui le concerne, tant au niveau physique que psychique ». En partant souvent de lieux communs, de références culturelles populaires, l'auteure-metteure en scène et ses comédiens s'appliquent à les détourner, à les malmener pour les donner à voir sous un autre angle, une autre perspective. C'est un théâtre fait de décalages, qui nous entraîne dans son univers propre. Ainsi, le conte populaire de la Belle et la Bête se retrouve complètement déstructuré, Adam et Eve sont transformés en touristes sac au dos et les chansons de Céline Dion mettent les prêcheurs en transe.
Plutôt que de donner des réponses, Marielle Pinsard choisit de « faire douter les idées ». En jonglant sans cesse entre humour et gravité, le spectacle confronte le spectateur à ses propres certitudes, pour l'amener à s'interroger, à travers son rapport à l'animalité, sur sa place dans la société contemporaine : sommes-nous « tous semblables » ou plutôt « tous singuliers » ?
En programmant ce spectacle, le Tarmac propose au public de découvrir un théâtre singulier, qui résonne fort, longtemps après la représentation. Enfin, soulignons cette belle initiative de proposer, tout au long de la saison, un tarif unique de 6€ pour tous – sans distinction d'âge, de catégorie sociale, de lieu d'habitation, de revenu – le jeudi à 14h30.
En quoi faisons-nous compagnie avec le Menhir dans les landes ?
texte et mise en scène Marielle Pinsard
avec Judicaël Avaligbe, Koraline de Baere, Julie Cloux, Edoxi Gnoula, Piera Honegger, Albert Hounga, Guy E. Kponhento, Valerio Scamuffa, Sally Sly
Le Tarmac
du 13 novembre au 5 décembre