Cela fait six mois que Grenoble s’est doté d’un maire quadragénaire, flambant neuf et écologiste. Après des années de gouvernance socialiste, la ville devait en effet renouveler ses cadres pour tenter de faire oublier le marasme qui s’en est emparé, gestion hasardeuse oblige, et avec le nouvel arrivant, la ville va retrouver son lustre d’antan. Cela va secouer du chaton mignon, c’est bien Eric Piolle, le maire fraîchement élu, qui vous le dit.
Ça tombe bien, la ville est surendettée et fait partie de cette cohorte de municipalités engoncée dans les emprunts qualifiés de toxiques par ceux qui doivent maintenant les rembourser. Pour le moment, la ville a décidé d’attaquer Dexia, alpha et oméga de ces méchants emprunts qu’on a évidemment forcé le précédent maire à signer, un pistolet sur la tempe.
Pensez donc ! Plus de trente millions d’euros de dettes, il est évident que Michel Destot ne pouvait pas signer une telle ardoise, adossée à un montage à base de cary-trade sur le Franc Suisse, sans avoir pris d’amples conseils auprès des nombreux agents compétents des Trésoreries locales ou du centre régional des impôts le plus proche. Et comme cela a tourné vinaigre, la seule hypothèse crédible est que l’ex-maire grenoblois y avait été contraint, par la force.
Sapristi, heureusement que le nouveau maire en connaît long en matière d’optimisation fiscale ! En effet, on apprend par Le Lab, qu’il est actionnaire et fondateur d’une société spécialisée en gestion des risques financiers aux clients basés dans des paradis fiscaux, tout en prônant l’exclusion des banques en lien avec ces paradis fiscaux. Cohérence et expérience qui permettront de sortir Grenoble de son épais marasme.
Après tout, sa ville a grand besoin de panneaux d’affichages « libres, culturels et citoyens » et se passera bien de l’argent qui proviendrait de JCDecaux, la régie publicitaire qui y était implantée. En plus, il semble évident que l’affichage publicitaire est « obsolète » et surtout « agressif ». Cette magnifique nouvelle, signe d’une avancée évidente en matière de baisse des agressions dont les Grenoblois sont de plus en plus souvent victimes, a été accueillie comme il se doit par une presse extatique qui a noté que c’était bien la première fois qu’une importante ville de France décidait d’abandonner quelques centaines de milliers d’euros qui ne viennent pas de la poche des contribuables locaux. Au passage, il y a eu nettement moins d’articles pour souligner que la seule grande ville du monde à avoir tenté l’expérience, Sao Paulo, avait renoncé après deux ans (on soupçonne évidemment la mafia des publicitaires d’avoir exercé des pressions insupportables sur l’équipe municipale locale – Eric Piolle doit donc probablement s’attendre à ce que JCDecaux lui envoie ses hit-men).
Du côté de l’opposition, Carignon en tête, c’est, évidemment, la consternation et l’ex-ministre en profite pour expliquer qu’en se privant ainsi d’une ressource sans impact pour le portefeuille des Grenoblois, la ville s’appauvrit. Allons. Quand on a une dette de 34 millions d’euros, 600.000 de plus ou de moins, c’est vraiment une broutille, M. Carignon ! Et de toute façon, l’équipe municipale explique avoir réduit son budget réalisé de plus de 190.000 euros. Ce qui veut dire que le manque à gagner (autour de 400.000 euros) disparaît presque dans l’épaisseur du trait de total du passif municipal. Youpi, quoi.
En effet, pour nos « déboulonneurs » (mot marketing joliment choisi pour travestir leur vandalisme publicitaire en acte citoyen comme d’autres utilisèrent le mot « démontage » lorsqu’il s’agit de saccager un McDonald’s), JCDecaux est l’inventeur d’un concept « pernicieux », qui consiste à fournir du mobilier urbain en échange de publicité sur ceux-ci. Les salauds : c’est pernicieux parce que (accrochez-vous, la descente logique est raide) d’un côté, le service offert ne l’est qu’en masquant les recettes (de la publicité) que le maire peut engranger. Rappelons ici que l’électeur et le contribuable sont des gros débiles qui ne se doutent pas que les publicités affichées rapportent des thunes à la mairie. Et comme cet électeur et ce contribuable sont idiots (d’ailleurs, ils votent constamment écolo ou PS, c’est dire), ils n’ont pas compris non plus que les frais de cette publicité qu’on lui force à chacun de ses arrêts de bus toujours prêts à l’agresser avec leur lumière et leurs images colorées, ces frais-là, abominables, sont (habilement) cachés dans les produits qu’ils achètent. (Non ? Si !)
Rappelons que c’est le consommateur qui finance la publicité. Telle une taxe invisible, nous l’acquittons lors de nos achats. Le publicitaire se transforme ainsi en collecteur d’impôts.
Voilà, c’est dit : comme le consommateur finance la publicité que le maire utilise pour éclairer ses abribus, le publicitaire se transforme en collecteur d’impôts.
Comme tour de passe-passe rhétorique, on n’avait plus vu ça depuis Bulteau et le « manque à gagner » de l’État sur des opérations qui ne se réalisent pas sous sa férule. Et pour Nico le bricoleur de syllogismes, comme les recettes d’un maire sont des impôts, et que la publicité est une recette, la publicité est un impôt. Fastoche.
Dès lors, c’est le vil publicitaire qui met les territoires en concurrence (parce que le maire n’a pas le droit de refuser, parce qu’il ne sait pas, ne peut pas diminuer ses recettes et ses services, c’est impossible, parce qu’il n’existe rien de similaire à ce que propose le vil publicitaire, parce que, parce que bon, le monde est méchant, enfin !), c’est encore l’abominable publicitaire qui choisit celui qui sera financé et non plus l’élu qui décidera d’accorder ou non une subvention, et ça, mes petits amis, c’est la « privatisation de l’action publique », ce qui est horrible (l’inverse fonctionnant toujours mieux, voyons).
Bref, le maire grenoblois a fait quelque chose d’héroïque sous la plume du petit Nicolas. C’est un véritable acte de résistance contre les titans publicitaires avides de pouvoir et de manipulation mentale des foules idiotes. Le libre-arbitre du maire n’entre pas en ligne de compte, pas plus que le nécessaire équilibre des finances d’une ville exsangue : on placera le dogme (ici, anti-publicitaire) au-dessus du reste, et peu importent les conséquences. De toute façon, comme pour l’endettement stratosphérique, les Grenoblois ont choisi (mais si, mais si). L’étape d’après : histoire d’être cohérent avec cette recherche d’une ville épurée, il faudrait choisir de supprimer les hideuses paraboles satellites qui défigurent certains quartiers par douzaines.
Je leur souhaite bon courage.
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