Morceaux choisis - Hugo von Hofmannsthal

Par Claude_amstutz

Il est certain que nous ne sommes pas simplement poussés en avant des méandres de notre chemin par nos simples actions mais que nous sommes attirés par quelque chose qui semble toujours nous attendre quelque part et reste toujours caché. Il y a, dans notre marche en avant, quelque chose du désir amoureux, de la curiosité de l’amour, même quand nous recherchons la solitude de la forêt ou le calme des sommets ou une plage vide sur laquelle vient s’échouer la frange argentée d’une mer bruissante. Il y a quelque chose de très doux dans toute rencontre solitaire, même s'il ne s'agit que de la rencontre avec un grand arbre isolé ou un animal de la forêt, qui sans bruit s'arrête et nous fixe dans l'obscurité. 

Je crois que la vraie pantomime érotique, dans ce qu'elle a de décisif, ce n'est pas l'étreinte mais la rencontre. A aucun autre moment le sensuel n'est aussi chargé d'âme et la part d'âme aussi sensuelle que dans la rencontre. Tout est alors possible, tout est en mouvement, tout est dissous. Il y a là une attirance réciproque, vierge encore de convoitise, mélange naïf de confiance et de crainte. Il y a là quelque chose de la biche, de l'oiseau, sombre animalité, pureté angélique, présence du divin.

Hugo von Hofmannsthal, Chemins et rencontres (coll. Poche/Rivages, 2002)

image: Gustave Courbet, les Amants dans la campagne (flickr.com)