A l'occasion de la Semaine européenne de réduction des déchets, AlterEcoPlus décrypte la politique de San Francisco en la matière. La ville californienne a lancé un ambitieux programme « Zero waste » en 2002. Un modèle à suivre ?
Chapitre 1 : Zero waste
Chapitre 2 : Un taux de recyclage de 80 %
Ce résultat est tout de même à pondérer. Le recyclage reste difficile à mettre en œuvre. En témoigne l'augmentation de 5 % des déchets en 2013 par rapport à 2012, à rebours de l'évolution décroissante suivie jusque-là avec constance. « C'est un monde très compliqué », notait le responsable du projet, Robert Haley, cité par un confrère américain.
Autre limite des 80 % affichés par San Francisco : ils dépendent de ce que l'on considère comme déchets recyclés. En la matière, la législation californienne se distingue de celle de la plupart des Etats américains, et de ce que nous faisons en Europe. Elle prend en compte non seulement les déchets produits par la ville, mais aussi les matériaux de construction et de démolition. San Francisco inclut, par exemple, dans les déchets recyclés des gravats qui seront réutilisés pour recouvrir les routes, et des déblais répandus sur les détritus pour en limiter les odeurs. En corrigeant les chiffres avancés par les pouvoirs publics locaux, comme l'a fait Samantha MacBride, assistante professeure au Baruch College School of Public Affairs, à New York, qui travaille sur les politiques publiques environnementales, le taux de diversion de San Francisco reste certes élevé, à hauteur de 60 %, mais moins impressionnant que les 80 % affichés.
Enfin, ces chiffres ne suffisent pas à nous renseigner sur l'efficacité de la politique menée dans son intégralité, car ils ne disent rien de la réduction à la source. Pour cela, il faut s'intéresser à la quantité de déchets résiduels produits par habitant, soit 586 kg par habitant et par an (en 2013). A titre indicatif, en Ile-de-France, la quantité de déchets ménagers résiduels par habitant est estimée à 405 kg par an. Samantha MacBride note par ailleurs dans son étude que la quantité de déchets produits par habitant à San Francisco n'est que légèrement inférieure à la moyenne américaine. « C'est une ville très riche », avance-t-elle au téléphone pour expliquer cette situation.
Malgré ces nuances, San Francisco reste un modèle pour la constance et la continuité dont les élus ont fait preuve pour imposer des mesures parfois impopulaires afin de réduire les déchets ménagers.
Chapitre 3 : L'obligation de trier les déchets
La collecte des ordures ménagères est facturée directement aux habitants. Pour les maisons individuelles, Recology prélève un montant standard de 35 dollars par mois. Un système incitatif a été instauré : il consiste à faire payer plus cher la poubelle noire (26 dollars) afin que les usagers privilégient autant que possible les bacs destinés aux déchets à recycler. Pour les habitations collectives, à partir de six appartements par bâtiment, une facturation mutuelle a été mise en place. Dans ce cas, le système d'incitation est différent : l'immeuble peut bénéficier d'une remise proportionnelle à la quantité de déchets recyclés ou compostés, qui peut atteindre 75 % du montant de la facture. Le parti pris est donc celui du « pollueur payeur » : plus on jette, plus on paie.
En principe, les habitants qui ne respectent pas cette obligation peuvent se voir imposer une amende allant jusqu'à 100 dollars (86 euros). En pratique pourtant, la municipalité a mis l'accent sur la sensibilisation : des employés vérifient le respect du tri et font ensuite du porte-à-porte pour en réexpliquer le principe aux habitants qui ne respectent pas les règles du jeu.
Chapitre 4 : Des produits interdits
Les petites bouteilles d'eau et les sacs plastiques ont vu leur utilisation restreinte. En 2007, les sacs plastiques ont été interdits dans les supermarchés et les chaînes de pharmacies. Ils doivent être remplacés par des sacs en papier composés de matériaux recyclables ou en plastique recyclable. Ces sacs sont payants (0,10 dollars, soit 0,08 euros). En 2012, la mesure a été étendue à tous les commerces de détails et à tous les restaurants. Certains sacs ne tombent cependant pas sous le coup de la mesure, comme par exemple les doggy bags, donnés par les restaurants pour emporter les restes de son repas.
Autre produit dont l'usage est limité : les petites bouteilles d'eau en plastique de 60 cl ou moins. Depuis le mois de mars dernier, elles sont interdites à la vente et à la distribution dans l'espace public, sauf lors d'événements exceptionnels, comme la marche des fiertés.
Chapitre 5 : Compostage et recyclage
L'usine centrale de recyclage du Pier 96 traite les déchets recyclables collectés dans les poubelles bleues. Chaque jour y parviennent du verre, différents types de plastiques, des métaux non ferreux, comme l'aluminium ou le métal des cannettes, du papier et du carton. En tout, quelque 750 tonnes de matériaux sont traités quotidiennement dans ce centre de 185 000 mètres carrés, où travaillent 180 personnes. L'objectif du centre est de séparer ces déchets les uns des autres, avant de les expédier chez des fabricants (usines de verre, fabricants de papier…) qui travaillent les matières ainsi récupérées.
Le contenu des poubelles vertes – les déchets organiques – est traité dans le centre de compostage de Jepson Prairie Organics, près de Vacaville. Chaque mois, ce centre traite 11 000 tonnes de déchets qui proviennent à la fois des poubelles vertes de San Francisco et, au-delà, du nord de la ville. Le centre traite aussi des déchets de jardin de villes voisines (Dixon, Vacaville et Vallejo). Il produit au total près de 70 000 mètres cubes de compost par an, qui sont ensuite vendus à des agriculteurs comme engrais.
Chapitre 6 : Le modèle de San Francisco est-il transposable en France ?
Une enquête de Céline Mouzon
Coordination : Claire Alet.
Montage Vidéo : Céline Mouzon et Vincent Grimault
Photos :© istockphoto
Conception et réalisation : Baptiste Lota et Marine Tanguy
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