Voici deux de ces trésors - pour commencer.
"Le Merveilleux Dodu-Velu-Petit",
de Beatrice Alemagna (Albin Michel Jeunesse, 52 pages)
et
"Abris", d'Emmanuelle Houdart
(Les fourmis rouges,
32 pages).
Beatrice Alemagna pensait-elle au magnifique titre de Maurice Sendak et Charlotte Zolotow, "Monsieur le lièvre, voulez-vous m'aider?" (L'école des loisirs), où une petite fille demande à un lièvre de l'aider à trouver un cadeau d'anniversaire pour sa maman, quand elle créait le merveilleux "Le merveilleux Dodu-Velu-Petit"? Le mot "lièvre" y apparaît et tout l'album raconte la quête de cadeau d'anniversaire d'un enfant pour sa mère.
Edith, dite Eddie. (c) Albin Michel Jeunesse.
L'enfant, c'est Edith: "J'ai cinq ans et demi et je m'appelle Edith, Eddie pour les amis. Mon père parle cinq langues, ma mère chante comme un oiseau, ma sœur est la reine du patin à glace, et moi, je ne sais rien faire. Rien de rien. En tout cas, c'est ce que je pensais..."A voir. Car Eddie est une petite personne décidée et débrouillarde. Quand elle entend sa sœur dire un matin "anniversaire-maman-dodo-velu-petit", elle n'hésite pas. Elle aussi DOIT faire quelque chose. Elle aussi DOIT trouver un cadeau merveilleux pour sa maman. Mais lequel? C'est la grande question.
Tout l'album va suivre cette recherche de mystérieux "dodo-velu-petit". Eddie se rend d'abord chez les commerçants.
Chez Emmett l'antiquaire. (c) Albin Michel Jeunesse.
A Monsieur Jean le boulanger, elle demande des "dodos-velus". A Wendy, la fleuriste, un "touffu-velu". A Mimi, une "doudoune-velue". A Emmett l'antiquaire, le type le plus chic du monde, un "dodu...".Il faut la voir évoluer dans les rues, sa doudoune rose fluo sur le dos. Mais elle fait chaque fois chou blanc, notre Eddie, même si elle ne repart pas sans rien. Successivement, elle reçoit une brioche, un trèfle à quatre feuilles, un bouton de nacre, un timbre rarissime.
Eddie et les commerçants. (c) Albin Michel Jeunesse.
La petite n'est pas très avancée avec tout ça. Il lui reste à interroger Théo le boucher (dans une page qui se déplie). Non, il n'a pas de "farfelu-dodu" mais bien un gros couteau menaçant. Eddie s'enfuit à toutes jambes. Et c'est là que l'album bascule. Les pages se font plus claires, moins remplies. A l'abri près d'une maison, Eddie dit: "Mais alors que je n'y croyais plus, j'ai entendu des petits gloussements merveilleux. Et là, je l'ai vu!" C'est le vrai DODO-VELU-PETIT qui apparaît, une créature adorable, un "cadeau aux mille usages".Comment l'attraper? C'est la finale ébouriffante de ce formidable album qui utilise tous les éléments précédents dans une farandole extravagante qui ira jusqu'à la remise du cadeau à une mère enchantée.
Le village. (c) Albin Michel Jeunesse.
"Raconter le pouvoir poignant qui accompagne l'enfance et qui disparaît au fil du temps, ce pouvoir grisant d'inventer des choses absurdes et, malgré cela, d'y croire vraiment et pleinement", est ce qui a guidé Beatrice Alemagna dans ce superbe album qu'est "Le merveilleux dodu-velu-petit", parfaitement réussi et générateur de belle humeur.
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Bébé entre deux mains. (c) Les fourmis rouges.
L'autre album pour enfants qui me réjouit et m'apaise est donc "Abris" d'Emmanuelle Houdart.Déjà, son titre est une promesse et un réconfort.
Ensuite, je craque devant la bouille sereine du petit homme en couverture, émergeant de mains féminines.
Enfin, j'admire le fait qu'Emmanuelle Houdart, habituellement portée sur les sujets difficiles, les monstres et les cauchemars, se révèle tout aussi puissante dans un album d'un nouveau genre pour elle, lumineux, protecteur, réconfortant et tout en sourires. Comme elle est douée! Imaginaire toujours aussi foisonnant, associations d'idées originales au service d'un thème, talent de dessinatrice. Elle nous gâte.
"Abris" ne serait-il pas un peu un livre doudou? Il explore les différents lieux où l'on se sent en sécurité, à différents âges de la vie, de la maternité à la vieillesse. Le texte renforce les images de joie, de bonheur et d'amour partagé.
La femme enceinte. (c) Les fourmis rouges.
Bien sûr, le premier abri est le ventre de la maman enceinte, que l'auteure-illustratrice nous représente avec des grigris, des bambis et une grossesse épanouie.Le berceau-maison. (c) Les fourmis rouges.
Le corail bleu de l'ado. (c) Les fourmis rouges.
Mais il y en a d'autres, dessinés avec autant de soins et de détails qui parlent au cœur.Le berceau-maison, "où rien de mauvais ne peut nous arriver", la mère consolatrice bien entendu, le père qui fait qu'"on n'a plus peur de rien", la cabane en forme de mains où jouer et se réconcilier, les rêves, la lecture, sa place à soi, la fête d'anniversaire, l'état amoureux, un bain fleuri,un grand-père qui invite son petit-fils à "continuer de grandir".
Le cycle de la vie se boucle en des phrases courtes, musicales, pleines de sève. Le tracé des dessins suit des ovales ou des rondeurs qui apaisent.
Un tel bain n'est-il pas un abri quand on est grand? (c) Les fourmis rouges.
Toutes ces images sur double page et sur fond blanc sont extrêmement paisibles, encourageantes, tournées vers l'avenir. Pleines de détails à examiner et à recevoir. Pleines de sourires, de rires et aussi de questions qui trouvent réponses. Pleines de mains tendresse et de femmes chapeautées. Pleines de mystère comme la vie.
"Abris" est un album pour tous les âges qui fait immédiatement se sentir mieux. Qui incite aussi à regarder autour de soi pour y dénicher des signes de joie. Une merveille.