La premičre semaine de décembre va ętre capitale pour l’avenir du spatial européen. Aprčs l’effervescence consécutif au largage de Philae par la sonde Rosetta sur la comčte Ť Chouri ť - un programme qui a été décidé par l’Europe il y a plus de 20 ans- les ministres européens en charge des activités spatiales des Etats membres de l’Agence spatiale européenne (ESA) se réunissent le 2 décembre ŕ Luxembourg. Le dernier conseil ministériel s’était tenu en 2012 ŕ Naples ce qui avait permis de poser les bases de l’avenir du lanceur européen. Mais ŕ l’époque il s’agissait d’engager des développements industriels pour une Ariane 6 dont le principe d’une étape intermédiaire avec l’évolution ŕ mi-vie (Midlife Evolution) de l’actuelle Ariane 5ECA, avait été acté.
Or la concurrence se faisant de plus en plus précise avec l’arrivée sur le marché de Space-X et de ses lancements ŕ bas coűts, les Européens ont été conduits ŕ revoir leur copie et choisir une solution alternative sur laquelle de grandes différences se sont faites jour entre les deux principaux contributeurs de l’Agence spatiale européenne. L’Allemagne campait sur ses positions de poursuivre le développement d’Ariane 5ME, tandis que la France prônait de passer directement ŕ l’étape en sanctuarisant le développement industriel d’Ariane 6.
En France, la secrétaire d’Etat en charge de l’espace Genevičve Fioraso, tout comme le patron du CNES (le centre national d’études spatiales) n’on pas économisé leurs efforts afin de faire entendre leur point de vue. Tout comme les industriels qui dčs juillet dernier ŕ l’instar de Safran et Airbus ont annoncé leur intention de constituer une coentreprise dans le domaine des lanceurs spatiaux.
Certes, tous ont dű Ť arrondir ť les angles et faire des concessions. Męme les deux industriels qui estimaient poursuivre le développement et l’accélération de la mise en service d’Ariane 5ME ont dű lâcher prise pour reporter leurs efforts sur une Ariane 6 dont l’objectif est d’ętre moins coűteuse qu’Ariane 5. Ce n’est que le 13 novembre courant qu’un consensus sur Ariane 6 a été trouvé par tous les Etats membres de l’ESA, l’Allemagne s’étant ralliée ŕ l’idée d’un développement d’un seul futur lanceur qui devrait ętre pręt en 2020. Ce n’est que le 2 décembre que le feu vert final sera donné par le conseil ministériel.
On peut affirmer sans risque de se tromper que les efforts des industriels en la matičre n’ont pas été vains. Ainsi, Airbus dont les activités spatiales se répartissent entre la France et l’Allemagne discute sérieusement avec l’Allemand OHB (et sa filiale MT Aerospace) pour lui confier une charge de travail plus importante sur Ariane 6 qu’elle n’aurait été sur Ariane 5ME. Ce qui pourrait se traduire par un contrat de production de l’enveloppe du réservoir de l’étage principal qui serait réalisé en composite en lieu et place d’enveloppes métalliques. En matičre de motorisation, Safran a de son côté annoncé dčs mai dernier l’acquisition de la firme néerlandaise Aerospace Propulsion Products (APP filiale de TNO Companies) spécialisée dans les allumeurs pour moteurs spatiaux. Elle rejoindra la société Herakles qui fédčre les activités spatiales de Safran.
Ce sont justement les activités spatiales d’Herakles (Safran) et celles d’Airbus Group logées dans Airbus Defence and Space qui sont concernées par la création de la coentreprise entre Safran et Airbus. Celle-ci dont le nom n’a pas encore été dévoilé, a reçu pas plus tard que le 26 novembre l’aval de la Commission européenne. Une autorisation soumise ŕ conditions : celle d’exclure la propulsion électrique de satellites (Herakles-Safran) des activités de la coentreprise, ainsi que le respect d’engagements commerciaux portant sur les cylindres carbone-carbone pour les instruments optiques destinés ŕ des applications spatiales, les systčmes de protection thermique pour les corps de rentée civils et les capteurs de pression de précision standard pour satellites. Ces trois domaines feront partie d’un accord cadre qui garantira la fourniture de ces composants ŕ tout client indépendant des groupes Safran ou Airbus, et ceci, impose la Commission européenne, ŕ des conditions transparentes et non discriminatoires.
Aprčs deux années d’âpres discussions, il apparaît enfin qu’Ariane 6 soit trčs proche de sa rampe de lancement. Déjŕ l’Allemagne a fait savoir le 27 novembre qu’elle augmenterait sa contribution annuelle ŕ Ariane 6 de 60 M€ pour la porter ŕ 175 M€, soit 22 % du budget annuel d’Ariane 6, le second derričre la France. A rapprocher d’un programme qui devrait avoisiner globalement les 4 milliards d’euros.
Au fur et ŕ mesure du développement du projet (pour lequel deux Ariane 6 sont envisagées pour des lancements simple ou double, des validations seront faites, notamment en 2016 aprčs la revue préliminaire de conception.
Au bout du compte, l’Europe spatiale peut enfin se mettre plus sereinement au travail.
Nicole B. pour Aeromorning