[Note de lecture] "Vent sacré, anthologie de la poésie féminine contemporaine amérindienne", par Alain Helissen
Par Florence Trocmé
En parallèle à sa propre création poétique, Béatrice Machet manifeste, depuis de nombreuses années, un vif intérêt pour la poésie amérindienne, qu'elle s'évertue à faire connaître en France. On lui doit plusieurs traductions d'auteurs amérindiens. Elle est ici à l'initiative d'une anthologie consacrée à la poésie féminine amérindienne. Les femmes, dans les tribus, avaient un rôle important. Elles veillaient à l'harmonie de la communauté. « Sœurs et filles de la terre-mère », ce sont elles qui assumaient la transmission des traditions. Elles détenaient aussi un pouvoir de décision. Après la « colonisation », ce modèle matriarcal céda la place au modèle patriarcal des blancs et beaucoup d'entre elles vécurent très mal cette assimilation forcée qui provoqua des suicides. Le choix de Béatrice Machet s'est porté sur treize auteures amérindiennes contemporaines. Il eût pu en rassembler beaucoup d'autres, précise l'anthologiste. En parcourant les biographies de ces treize femmes, nées dans les années 40, 50 et 60, on relève de nombreux points communs. Elles sont, pour la plupart, métissées (d'ascendances européennes), exercent des fonctions d'enseignantes. Elles trouvent dans la poésie une manière de conjuguer la culture dominante occidentale et l'esprit traditionnel de la culture amérindienne. Certaines se sentent coupables de ne plus être assez « indiennes », de ne plus maîtriser leur propre langue indienne. Ainsi, Diane Glancy n'hésite pas à inventer de nouveaux mots à consonances indiennes. Les auteures indiennes, selon Béatrice Machet, apparaissent plus virulentes que leurs confrères masculins. « Au nom du signe de croix / qui a oublié la direction / des quatre vents / ils nous ont menés à notre perte », écrit Nokwisa Yona. Si elles ont pu s'intégrer dans la société américaine, ces auteures gardent en mémoire la tragédie du génocide indien. Leurs poèmes en évoquent des traces. Vent sacré, qui a donné son titre à l'anthologie, est emprunté à un poème de Janice Gould : « le vent nous pénètre quand nous naissons et s'échappe par le sommet du crâne quand nous mourrons. » La mythologie amérindienne n'apparaît guère dans ces textes qui marquent plutôt un certain malaise à vivre à l'occidental. Mais la nature, mère nourricière, reste un élément très présent. L'anthologie, bilingue, donne à découvrir des poèmes de Janice Gould, Diane Glancy, Nokwisa Yona, Cheryl Savageau, Suzanne Rancourt, Deborah Miranda, Heid erdrich, Kim Blaeser, Tiffany Midge, Marianne A Broyles, Erika T Wurth, Layli Long Soldier et Joy Harjo.
[Alain Helissen]
Vent sacré, anthologie de la poésie féminine contemporaine amérindienne
Béatrice Machet
Recours au poème éditeurs
édition numérique, formats disponibles : epub, mobi, pdf.
205 pages ; 8,00 € - http://goo.gl/TvZPlA