Parcours d’un Européen devenu le premier des Européens. Jacques Delors.
L’annonce a été faite à la fin de l’été, lors du Conseil Européen de Bruxelles du 30 août 2014, après beaucoup d’hésitations et de tergiversations. Donald Tusk venait d’être nommé successeur d’Herman Van Rompuy. Ce lundi 1er décembre 2014, il prendra donc officiellement ses fonctions de nouveau Président du
Conseil Européen, pour un mandat de trente mois, probablement reconduit pour faire cinq ans comme son prédécesseur. Et comme son prédécesseur, Donald Tusk était le chef du gouvernement de son
pays au moment de sa nomination.
Dans les rumeurs qui ont précédé cette nomination, plusieurs noms avaient été évoqués, certains plausibles,
comme l’ancien Président du Conseil italien Enrico Letta, et d’autres assez improbables, comme l’ancien Premier Ministre français Jean-Marc Ayrault. L’Italie a été cependant honorée puisque au même Conseil Européen, la Ministre italienne des Affaires étrangères (depuis le 22 février
2014) Federica Mogherini a été désignée Haut Représentant (Haute Représentante ?) de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.
Une orientation de centre droit : démocrate, libéral et européen
Le positionnement politique de Donald Tusk (57 ans) est au centre droit, dans des inspirations classiques de
la démocratie chrétienne : très favorable à la construction européenne et à l’amitié avec l’Allemagne,
libéral en économie, partisan de l’économie de marché, défenseur de l’orthodoxie budgétaire (limiter les déficits), et il reste plutôt conservateur sur les sujets de société, comme l’avortement,
l’euthanasie, la légalisation de la drogue et le
mariage gay.
En politique étrangère, il fait partie des responsables européens qui veulent la plus grande fermeté face à
Vladimir Poutine, notamment dans la cris ukrainienne, tandis que la sociale-démocrate Federica Mogherini (41 ans), soutenue par Matteo Renzi, l’actuel Président de l’Union Européenne, est réputée beaucoup plus indulgente vis-à-vis de la Russie.
Donald Tusk était alors le Président du Conseil polonais (l’équivalent de Premier Ministre) depuis le 16
novembre 2007. Il avait gagné les élections législatives et succédé à Jaroslaw Kaczynski, le frère jumeau du Président Lech Kaczynski (1949-2010) mort le 10 avril 2010 dans le crash de Smolensk avec plusieurs autres personnalités politiques polonaises.
Donald Tusk devra donc incarner l’Union Européenne, en espérant qu’il abandonnera la transparence
quasi-ectoplasmique de son prédécesseur choisi pour ne faire de l’ombre à aucun chef d’État et de gouvernement. Il parle couramment l’allemand, mais parle assez laborieusement l’anglais et pas du
tout le français. Son nom avait été le premier choix de la Chancelière allemande Angela Merkel.
Le jeu complexe des partis issus de Solidarnosc
Né le 22 avril1957 à Gdansk, la famille de Donald Tusk a toujours eu les difficultés d’une minorité qui
vivait aux frontières entre l’Allemagne (Dantzig) et la Pologne (Gdansk), au point d’être oppressée autant par les nazis que par les communistes.
Historien, spécialiste du général Pidulski (1867-1935), une figure marquante du patriotisme polonais, Donald
Tusk milita dès 1980 en faveur du syndicat Solidarnosc à Gdansk puis, après la fin du communisme, il fut élu député en 1991 (à 34 ans) et a presque toujours été réélu parlementaire (sauf entre
1993 et 1997), dans des circonscriptions parfois différentes (Gdansk, Varsovie, etc.). Il avait participé à la création de son parti libéral démocrate (KLP) dont il est devenu président en 1991.
Le KLP avait gagné 37 sièges en 1991 sur le slogan : « Ni à droite, ni à gauche, mais tout droit vers l’Europe ».
Soutenant le gouvernement d’Hanna Suchoka (68 ans) en fonction du 8 juillet 1992 au 26 octobre 1993, le KLP
l’a accompagné dans l’impopularité, et en 1993, il dégringola en dessous de la barre de 5% et n’obtint aucun élu à la Diète (la chambre basse). En 1994, le KLP a fusionné avec l’Union de la
liberté (UW) et Donald Tusk fut élu sénateur en 1997 jusqu’en 2001 où il retrouva son siège à la Diète. L’Union de la liberté a soutenu le gouvernement de Jerzy Buzek (74 ans) pendant cette période (du 31 octobre 1997 au 19 octobre 2001).
Leader de l’opposition
Donald Tusk a échoué, face à Bronislaw Geremek (1932-2008), dans la conquête du leadership de l’Union de la liberté, parti créé par Tadeusz Mazowiecki (1927-2013). Cet échec l’a fait quitté ce parti pour fonder la Plateforme civique (PO) le 24 janvier 2001,
avec l’ancien ministre Andrzej Olechnowski (67 ans), le Président (maréchal) de la Diète Maciej Plazynski (1958-2010), lui aussi future victime de Smolensk, et le soutien de Lech Walesa (71 ans). Donald Tusk fut vice-président de la Diète de 2001 à 2005. Dès le 1er juin 2003, il est devenu président de ce parti de centre droit
qui a réussi à progresser fortement aux élections suivantes. La coalition gouvernementale était alors de centre gauche.
Les élections législatives du 25 septembre 2005 ont bouleversé le paysage politique polonais en renvoyant
sévèrement dans l’opposition la coalition de centre gauche du Premier Ministre sortant Marek Belka (62 ans) et en donnant le pouvoir aux conservateurs des frères Kaczynski qui ont doublé leur
score avec 27,0% des voix et 155 sièges sur 460 (soit un gain de 111 par rapport aux élections du 23 septembre 2001). Plateforme civique a également énormément progressé en doublant sa
représentation avec 24,1% des voix et 133 sièges (soit 68 de plus qu’en 2001).
Contrairement à ce qui avait été dit pendant cette campagne électorale, les conservateurs et le centre droit
ne sont pas parvenus à trouver un accord et Plateforme civique est restée dans l’opposition tandis que le nouveau gouvernement, nommé le 19 octobre 2005, a pu s’appuyer sur le Parti paysan
polonais, l’extrême droite et les populistes d’Andrzej Lepper.
Candidat à l’élection présidentielle, en tête dans les sondages (qui lui donnaient même autour 50% en
septembre 2005), Donald Tusk a été effectivement placé en tête du premier tour du 9 octobre 2005 avec 36,3% face à Lech Kaczynski avec 33,1% ; le troisième fut Andrzej Lepper (1954-2011) avec 15,1%. Mais Donald Tusk échoua au second tour du 23 octobre 2005 au profit de Lech Kaczynski qui
remporta largement l’élection avec 54,0% grâce au vote rural.
Donald Tusk prit la présidence du groupe parlementaire de son parti du 5 novembre 2005 au 5 décembre 2006
tout en conservant la présidence même du parti. Ce fut donc lui qui dirigea la campagne de Plateforme civique pour les élections suivantes, qui furent anticipées par la dissolution du 7 septembre
2007, rendue inéluctable après l’explosion de la coalition antieuropéenne et conservatrice dirigée par le parti des frères Kaczynski, Droit et justice (PiS).
Premier Ministre de Pologne
Donald Tusk remporta largement les élections législatives du 21 octobre 2007 en progressant encore de la
moitié des sièges, avec 41,5% des voix et 209 sièges sur 460 (soit 76 de plus qu’en 2005). Le parti des frères Kaczynski a paradoxalement progressé aussi avec 32,1% des voix et 166 sièges (11 de
plus qu’en 2005) mais ses anciens alliés populistes ont, eux, été laminés. Au Sénat, Plateforme civique a presque doublé ses troupes avec 60 sièges sur 100, dépassant la majorité absolue. De
plus, depuis que les élections sont libres, la participation électorale n’a jamais été aussi élevée que ce 21 octobre 2007 avec 53,9% (le 25 septembre 2005, elle n’avait été que de 40,6%).
Le 16 novembre 2007, Donald Tusk prit officiellement ses fonctions de chef du gouvernement polonais à la tête
d’une coalition de 238 députés en alliance avec le Parti paysan polonais représenté par 31 députés. L’intermède eurosceptique et conservateur des frères Kaczynski n’aura duré que deux ans.
Après le crash de l’avion présidentiel à Smolensk, Jaroslaw Kaczynski, porté par la vague d’émotion après la
mort de son frère, a cru pouvoir revenir au pouvoir lors de l’élection présidentielle. Mais ce dernier n’est arrivé que deuxième avec 36,5% des voix au premier tour du 20 juin 2010, derrière
Bronislaw Komorowki (62 ans), le candidat sans charisme de Plateforme civique soutenu par Donald Tusk et Président de la Diète, qui a atteint 41,5%. Alors que l’écart s’est resserré, Bronislaw
Komorowski fut élu au second tour du 4 juillet 2010 avec 53,0% face à Jaroslaw Kaczynski. Plateforme civique a donc été le grand gagnant de ces dernières élections.
Lors des élections législatives du 9 octobre 2011, en pleine présidence polonaise de l’Union Européenne, la
représentation parlementaire est restée pratiquement identique à la précédente de 2007, à l’exception de l’arrivée d’un nouveau parti, le Mouvement Palikot (créé à partir d’une scission de
Plateforme civique), qui s’est placé en troisième position avec 10,0% des voix et 40 sièges, au détriment du centre gauche qui a perdu la moitié de ses sièges avec seulement 8,2%. Les deux
principaux partis (opposés) ont perdu quelques sièges mais restent dominants : Plateforme civique avec 39,2% des voix et 207 sièges sur 460 a obtenu son quitus pour un nouveau mandat, et le
parti de Jaroslaw Kaczynski avec 29,9% et 157 sièges n’a perdu que 9 sièges.
Durant ses sept années au pouvoir, Donald Tusk a remis la Pologne dans la perspective européenne, en
réduisant les impôts pour attirer les entreprises (tout en augmentant la TVA et certaines taxes sur le diesel, le tabac, l’alcool), et en investissant dans un nouveau réseau routier. L’objectif a
été de faire entrer la Pologne dans la zone euro pour 2015. Sous sa présidence polonaise, l’Union Européenne a pris la décision d’accueillir la Croatie en son sein.
Il a également cherché à rétablir le lien de confiance entre le peuple et le pouvoir, même si sa
réforme constitutionnelle n’a pas pu aboutir en 2009 ; elle prévoyait notamment la réduction du nombre des parlementaires, la suppression de l’immunité parlementaire et la fin du droit de
veto du Président de la République. Résolution favorable au régime parlementaire, il voulait réduire au maximum les pouvoirs présidentiels, échaudé par sa mauvaise expérience de cohabitation avec
Lech Kaczynski qui avait bloqué beaucoup de ses réformes.
Donald Tusk a laissé la tête du gouvernement polonais le 22 septembre 2014 à Ewa Kopacz (58 ans), qui
présidait la Diète depuis le 8 novembre 2011, députée depuis 2001 et ancienne Ministre de la Santé du 16 novembre 2007 au 8 novembre 2011. Devenue populaire depuis trois mois, elle a également
succédé à Donald Tusk à la présidence de Plateforme civique le 8 novembre 2014.
L’incarnation d’une Europe unie après des élections européennes calamiteuses
La nomination d’un représentant de "l’autre Europe", celle du mauvais côté du Rideau de fer, à la tête du Conseil Européen (l’équivalent de chef d’État ou de "modérateur" des sommets européens, créé par le Traité de Lisbonne, la fonction exécutive étant laissée au Président de la Commission Européenne) est un signe concret et fort de l’unité européenne. C’est la seconde
désignation d’une telle nature après celle de Jerzy Buzek à la tête du Parlement Européen du 14 juillet 2009 au 17 janvier 2012.
Avec la prise de fonction de Donald Tusk ce 1er décembre 2014, toutes les institutions ont été
(enfin) renouvelées après un (très) long processus qui a commencé avec les élections européennes du 25 mai 2014. Six mois laborieux pour installer
la nouvelle législature pour cinq ans, jusqu’en été 2019.
Les étapes principales ont été la désignation de Jean-Claude
Juncker le 27 juin 2014 à la tête de la Commission Européenne (confirmée le 15 septembre 2014 par le Parlement Européen), et la ratification par le Parlement Européen le 22 octobre 2014
de la composition de la nouvelle Commission Européenne qui a pris ses fonctions le 1er novembre 2014.
La première mesure concrète de cette législature européenne a été le plan d’investissement portant sur 315
milliards d’euros (seulement 21 sont financés pour l’instant), présenté par Jean-Claude Juncker ce mercredi 26 novembre 2014, qui devrait créer 1,3 million d’emplois d’ici à la fin 2017 et
rajouter 2,3% de croissance en plus. Il faudra alors choisir les projets qui seront choisis, étant donné qu’il y a déjà 700 milliards d’euros de projets déposés sur le bureau de Bruxelles.
Quant à l’événement historique qui s’est déroulé durant cette législature, il a déjà eu lieu avec le
discours tenu le 25 novembre 2014 par le pape François devant les parlementaires européens à Strasbourg, dénonçant le manque de souffle d’une
Europe qui devrait être à la pointe des combats pour la dignité humaine, quelle qu'elle soit.
Aussi sur le
blog.
Sylvain
Rakotoarison (28 novembre 2014)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Le pape pour le renouveau de l'Europe.
Jean-Claude Juncker.
Conseil Européen du 30 août 2014.
Composition de la Commission Juncker (10 septembre 2014).
Les propositions européennes de VGE.
La Pologne de 1989.
La Pologne de 2010.
Poutine devant Tusk.
Jerzy Buzek.
Bronislaw Geremek.
Jean-Paul II.
Stefan Wyszynski.
Le général Jaruzelski.
Zbigniew Messner.
Tadeusz Mazowiecki.
Andrzej Lepper.
Irena Sendlerowa.
Effervescence à Bruxelles.
Résultats des élections européennes du 25 mai 2014.
Déni de démocratie pour le Traité de Lisbonne ?
Guy Verhofstadt
La France des Bisounours à l'assaut de l'Europe.
Faut-il avoir peur du Traité transatlantique ?
Le monde ne nous attend pas !
Martin Schulz.
Débat européen entre les (vrais) candidats.
Les centristes en liste.
Innovation
européenne.
L’Alternative.
La famille
centriste.
Michel
Barnier.
Enrico
Letta.
Matteo
Renzi.
Herman Van Rompuy.
Gaston
Thorn.
Borislaw Geremek.
Daniel Cohn-Bendit.
Mario
Draghi.
Le budget
européen 2014-2020.
Euroscepticisme.
Le syndrome
anti-européen.
Pas de nouveau mode de scrutin aux élections européennes, dommage.
Risque de shutdown
européen.
L’Europe des Vingt-huit.
La révolte du
Parlement Européen.
La construction européenne.
L’Union
Européenne, c’est la paix.
L'écotaxe et l'Europe.
http://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/donald-tusk-le-nouveau-president-160029
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