Qui a aidé Cosby toute ces années à se bâtir une forteresse d'inatteignable?
En partie, lui-même.
The Cosby Show présentait la famille Huxtable et leur quotidien. Papa (Bill, lui-même) était médecin et maman (Philicia Rhasad) avocate. Cette habile comédie offrait aux noirs des États-Unis le droit de se rêver un vie tout à fait comme celle des blancs. Elle a donné énormément confiance aux noirs d'Amérique et d'ailleurs. C'était d'ailleurs la grande qualité qu'on prêtait à Cosby (qui se donnait aussi sur scène en tant que stand up), ses écrits étaient colorless.
Cosby faisait sentir les noirs comme des rois en Amérique. L'Humour n'étant que le crême sur le sundae. Et Cosby étant lui-même, le sundae.
Mais ce qui se tramait derrière ce succès est d'un glauque...
Publiquement, Cosby était un modèle de société, Ouvertement, il condamnait sur toute les tribunes ceux et celles qui ne se comportaient pas selon les valeurs qu'il exposait dans ses écrits. Mais en privé, derrière les rideaux, il semble qu'il droguait des femmes qu'il jugeait appétissantes afin de les abuser sexuellement alors qu'elles étaient à moitié consciente.
Récemment, par le biais de l'humoriste Hannibal Buress, ce que nous apprenons sur Cosby ne devrait pas étonner. Buress a fait référence à Cosby en parlant d'un violeur en série et ça a déclenché une avalanche d'accusations,
Mais les histoires traînaient déjà dans l'actualité.
Cosby avait réglé hors cour .
Aveu de culpabilité total. Pourquoi régler hors cour si on est innocent?
Pourquoi les gens ont-ils choisi de ne pas se rappeler que Cosby était un monstre?
Parce qu'avant, nous avions vu l'ange. Et préférions l'ange,
C'est fou ce que l'hypocrisie est subversive.
Les réseaux sociaux ont de vilains défauts, mais dans des situations comme celle-là, ils sont magiques. L'une des victimes de Cosby, une blanche, a déclaré que l'on a pas cru à son histoire avant qu'un humoriste en parle sur scène. Buress, un noir lui aussi, a ajouté une crédibilité qui n'est pas la même. Un frère a condamné un autre frère. Un père pour plusieurs. Une icône du succès post-raciste aux États-Unis.
Une icône totalement déboulonnée aujourd'hui.
Depuis, la journaliste Joan Tarshis, la mannequin Janice Dickinson, l'actrice Louisa Moritz, la femme de Lou Ferrigno, Carla, l'infirmière Therese Serignese (photo), l'ancienne modèle de Playboy Victoria Valentino, l'actrice Michelle Hurd et 11 autres femmes ont plaidé les mêmes histoires de drogue suivies de viol entre 1965 et 2004.
Bill Cosby, qui avait été le symbole de la dignité noire aux États-Unis avait un agenda privé atroce.
Bien qu'il démente, la variété des femmes qui accusent et la consistance des histoires peinturent l'homme de 77 ans dans le coin.
Pendant 50 ans, Bill Cosby a présenté une vision de l'Amérique où un homme comme lui, incroyablement touché par la réussite et inatteignable dans l'échec, 100% égal au blanc sinon supérieur, pouvait exister,
Une Amérique qui pourrait avoir un Président noir.
Quand Booker T. Washinton, un brillant orateur noir et conseiller des présidents au début du vingtième siècle, a été agressé tout près d'un bordel, sa carrière a pris du plomb dans l'aile. Si il était tout près d'un bordel, le simple soupçon qu'il eût pu le fréquenter a détruit sa crédibilité.
Étrangement, malgré tout ce qu'on sait depuis au moins 10 ans sur Cosby, celui-ci a atteint le statut Polanski de l'inatteignable parce que son oeuvre public transcende le monstre privé.
Ce que Cosby, maître moralisateur, nous apprend encore aujourd'hui, c'est notre dégueulasse capacité à nier.
Le droit des femmes de disposer de leur corps comme bon leur semble.
Les succès du passé de Cosby sont les pierres qui ont bâti sa forteresse.
Il serait temps de déshabiller le roi.
Pour l'amour des femmes.