A peine arrivé sous l’imposante voûte du Grand Palais à Paris, on s’interroge : « C’est tout ? Ce n’est que ça ? ». Les cinq pièces en acier de 75 tonnes dressées en quinconce par l’Américain Richard Serra semblent bien timides, bien décevantes, bien trop simples sous cette nef majestueuse. On est déconcerté par le sentiment de vide. Puis, la magie opère... On se promène entre les plaques comme dans un jardin zen, on s’approprie l’espace, on le redécouvre, on le goûte. Pas à pas, on devine de nouvelles perspectives, on se laisse pénétrer par la pureté des lignes et le dialogue réussi entre cette voûte intimidante et ces axes verticaux qui lui répondent. On se sent seul(e) malgré la foule qui, elle aussi, déambule. Silence et harmonie contrastent avec le brouhaha des foires qui s’y tiennent habituellement. Voilà enfin une exposition qui ne se visite pas au pas de course ! Ici, le temps semble s’être arrêté ou plutôt s’être étiré comme ces longues plaques de 20 mètres de haut qui tiennent perpendiculaires au béton comme par magie, sans soudure, par un subtil jeu de cubes d'acier invisibles dans le sol. La lecture de l’œuvre est facilitée par un audio guide gratuit distribué à l’entrée et de nombreux médiateurs sont disponibles pour expliquer en détail la démarche de Serra qui, à 69 ans, s’affirme comme l’un des plus grands sculpteurs contemporains. Courrez-y ! Il n’y a rien à voir, sinon à vivre... Jusqu’au 15 juin.