Un film de Im Sang-Soo (2010 - Corée du Sud) avec Jeon Do-Yeon, Lee Jung-Jae, Youn Yuh-jung, See Woo, Park Ji-Young
Glacial et percutant.
L'histoire : Euni accepte un emploi de nounou dans une famille très riche et très raffinée. Elle devra s'occuper de la petite Nami et des jumeaux à naître de Hera et de son mari, Hoon. Euni adore les enfants et son travail lui plaît, même si la gouvernante qui la dirige se montre peu cordiale. Un soir, Hoon se présente devant Euni et elle succombe rapidement au jeu de séduction de ce bel homme. Elle croit qu'il éprouve un sentiment envers elle, mais lorsqu'il lui laisse un chèque pour cet "extra", elle comprend bien vite qu'il n'est pas question d'amour. Mais, issue d'un milieu modeste, Euni n'est pas le genre de filles à se poser énormément de questions. Et c'est exactement ce qu'on attend d'elle. Sauf que...
Mon avis : Ca, c'est du cinéma ! Une histoire magnifiquement racontée, des images et une musique (classique) envoûtantes, des acteurs superbes... quel bonheur ! C'est magique, en plus, de découvrir les réalisateurs d'autres pays que nos sempiternels France / USA / UK. J'adore ça ! (quand c'est bien, évidemment ; je ne dis pas ça pour faire ma snob). Il s'agit du remake de La servante (1960, Corée), que je n'ai pas vu mais que j'ai désormais fortement envie de regarder. Il faut que je surveille s'ils le repassent (Arte).
La bonne vieille liaison ancillaire qui fit tant de ravages de par les siècles et qui est toujours d'actualité : pouvoir du maître sur la servante, du dominant sur le dominé, de l'argent sur la pauvreté... Rien ne change dans ce vaste monde. La cruauté et la loi du plus fort ne connaissent pas de frontière, ni temporelle, ni géographique.
Les images fascinent par leur beauté, cadrage d'une précision géométrique, intérieur de la maison, rutilante (vernis, laque, miroirs, lustres) mais froide (tons de beige, de noir, de blanc, un peu de bleu), gros plan des corps ou des visages où la douceur de la chair apporte de l'humain dans ce monde si sophistiqué... La neige, omniprésente, et la musique (piano joué par Hoon, et opéras), renforcent l'atmosphère à la fois raffinée et froide. Rarement la caméra et la photo sont à ce point au service de l'histoire. La fin m'a laissée STUPEFAITE. Je ne m'y attendais pas... et en même temps, je me demandais comment ça allait finir. Quel choc ! Glacial et percutant, je disais. Certains ont jugé ça "grotesque"... Ben pas moi. Je suis une sentimentale, ça me touche des trucs pareils...
Tout juste peut-on regretter une certaine lenteur qui parfois donne envie de mettre sur avance rapide. Mais ne le faîtes pas ! La magie n'opérerait sans doute pas. Je crois que nous avons besoin de cette lenteur pour mesurer l'intensité des dernières scènes. Qui ramènent aux toutes premières. Brillant.
Un deuxième petit bémol : la trop grande froideur des personnages. Les "infâmes", on peut comprendre, c'est même terrible (ah le cynisme de la belle-mère)... mais du côté de la gouvernante (superbe et drôle quand les patrons ne sont pas là et qu'elle se lâche...) et Euni, j'aurais aimé davantage d'émotion. La passivité de Euni est parfois agaçante, ses motivations pas vraiment claires.
Mais il n'empêche que c'est un très beau film. J'ai aimé aussi, même si c'est un peu cliché, la réflexion qui se dégage sur le statut de la femme : chez les riches ou chez les pauvres, de toutes façons, elle doit fermer sa g... Effroyable. Et pas tellement loin de la vérité.
Les critiques sont partagées. Certains se réfèrent à l'original, et - évidemment - trouvent que c'était mieux avant... D'autres détestent le point de vue esthétique, outré, au détriment de la psychologie des personnages qui du coup deviennent un peu caricaturaux (pas faux...). Et enfin, une bonne partie, comme moi, trouve ça juste vachement bien ! Ca m'amuse un peu de lire ici et là "thriller érotique"... il doit y avoir en tout et pour tout que trois scènes de sexe, dans la suggestion plus que dans l'exhibition. Ce n'est pas du tout un film érotique ! L'affiche est très trompeuse... choix idiot.