Les responsables politiques européens ont mis du temps à saisir les dimensions de la crise financière, qu’ils considéraient, au départ, comme un problème américain. Ils n’ont commencé à reconnaître les véritables implications pour l’Europe qu’au moment où les doutes croissants sur la solidité des finances publiques de la Grèce ont donné lieu à la crise de la dette souveraine, fin 2009. Les critères de Maastricht n’ont pas réussi à créer de véritable convergence économique et ont reposé sur l’illusion qu’un accord sur le papier pourrait remplacer une vraie centralisation des pouvoirs.
En 2008, l’Allemagne a rejeté la proposition française d’un fonds européen commun pour sauver les banques européennes en difficulté. Berlin a ainsi empêché une réponse collective à la crise européenne, avec des ressources en commun, et lui a préféré une approche intergouvernementale coordonnée. Ainsi, la crise financière mondiale a non seulement donné lieu à des crises de la dette souveraine et de l’euro, mais également à une crise de souveraineté politique et de légitimité bien plus profonde.
À la suite de l’effondrement de l’Union soviétique, l’UE a été considérée comme un symbole de liberté, de sécurité et de prospérité. Lors de la crise, elle est devenue un symbole d’expropriation financière au nord et de dénuement économique prolongé au sud. On assiste ainsi à la montée de l’euroscepticisme et du populisme de droite xénophobe dans toute l’Europe. L’UE est désormais considérée comme « la source de tous les maux », tandis que les États nations semblent synonymes de confiance et de sécurité. En plus de cette interprétation erronée, le déficit de légitimité de l’Europe s’est aggravé durant la crise de la zone euro. Si la Banque centrale européenne et les chefs d’État et de gouvernement ont occupé le devant de la scène au niveau de la gouvernance économique, la Commission a été reléguée à une structure de soutien bureaucratique et le Parlement européen a été mis de côté. L’Union européenne est face au plus grand défi de son histoire, à savoir déterminer quelle doit être sa finalité et quelle forme doit prendre le processus pour y parvenir.
Le contexte politique actuel n’est pas propice et qu’une importante révision des traités ne serait pas possible aujourd’hui. Il recommande donc qu’une avant-garde, de préférence les pays de la zone euro, poursuive une intégration plus poussée dans le cadre d’accords intergouvernementaux, qui seraient intégrés ultérieurement aux traités. Si les chefs d’État et de gouvernement formaient un « gouvernement de la zone euro », une « chambre européenne », composée de délégués des parlements nationaux, traiterait des questions budgétaires, financières, économiques et de subsidiarité.