Il y a quelques mois, nous avions pu rencontrer Gabrielle de Roincé qui nous présentait « sa » bibliothèque-musée. Aujourd’hui, c’est au tour de Marion Abbadie qui nous parle du métier d’attaché de conservation et de « son » lieu de travail : le musée du Jouet à Poissy.
Bonjour Marion, comment en es-tu venue à travailler dans cet endroit magique ?
De manière toute simple : j’ai postulé et j’ai été retenue ! Bien évidemment, je ne suis pas arrivée dans un musée totalement par hasard. Après une prépa en lettres classiques, je me suis orientée vers une maîtrise d’histoire de l’art, tout en suivant l’enseignement de l’école du Louvre dont j’ai achevé le premier cycle et l’année de spécialisation (quatre ans au total), sans oublier deux ans d’école préparatoire au concours du Patrimoine (conservateur). Au final, je me rends compte que cela fait pas mal d’année d’études…
Mon titre officiel est « responsable du service des publics ». En réalité, mon travail va bien au-delà de cet intitulé car il comporte un temps important consacré à la conservation. En fait, j’ai toujours souhaité intervenir dans les deux domaines, médiation et conservation, bien que la plupart des musées soient organisés en deux filières bien distinctes. Dès mon année de spécialisation (muséo) à l’Ecole du Louvre, il a fallu choisir : je n’ai jamais su ! C’est toujours le cas. Et je crois y trouver un équilibre entre étude des collections, réflexion muséologique et relation avec le public.
Peux-tu nous décrire le musée du Jouet ? Quand on parle d’un musée, on imagine des tableaux, des sculptures, pas des jouets !
Nous présentons une collection de 600 jouets (ainsi que quelques jeux), datant du milieu du XIXe siècle, au milieu du XXe siècle, sachant que nos collections (environ 8 000 objets) couvrent une période beaucoup plus large (notre jouet le plus ancien date du XVIIe siècle et nous possédons quelques jouets contemporains servant de référent XXIème siècle pour nos expositions temporaires). Tous les objets sont manufacturés, c’est-à-dire qu’ils ont été fabriqués en série, si on peut parler ainsi : ce sont des jeux industriels ou pré-industriels pour les plus anciens. Il n’y a donc pas de jouets uniques, fabriqués par un grand-père pour son petit-fils par exemple.
Et d’où vient la collection ?
Comme pour la plupart des musées, les objets ont des origines variées : la collection d’une passionnée issue du musée de l’Education de Rouen, des dons – de moins en moins, car les propriétaires savent désormais que les jouets anciens ont une grande valeur – des achats chez les marchands ou en ventes aux enchères, etc.
Il faut savoir aussi que nous effectuons un important travail de restauration sur lequel je reviendrai plus tard.
Et qui vient voir ce musée, des enfants, j’imagine ?
Alors, ton travail d’accueil des publics ?
Nous organisons des programmes d’accueil pour les enfants, mais aussi pour les adultes. Pendant les vacances scolaires, nous organisons des ateliers pédagogiques et ludiques, destinés aux enfants de 4 à 12 ans et dont les thèmes sont très variés (construction d’une poupée en laine identique à celles que fabriquaient les enfants de poilus pendant la Première Guerre mondiale, leur servant d’ailleurs de porte-bonheur…). Les enfants sont pris en charge par la médiatrice du musée ou bien une personne extérieure. Nous proposons aussi chaque mois un spectacle destiné aux familles : contes, marionnettes, magicien. Pour le coup, les participants viennent de la région de Poissy.
Et la conservation ?
Ca se restaure un jouet ?
Bien entendu ! Même si nous souhaitons conserver des objets dans leur état d’usage : ce sont de vrais jouets, auxquels les enfants ont fait mener une vie trépidante, avant qu’ils ne se retrouvent dans des vitrines comme des œuvres d’art. Il faut choisir le bon restaurateur (bois, papier, métal, plastique –si, si !)…et le bon objet à restaurer. Etant labellisé Musée de France, chaque dossier est présenté en commission régionale scientifique et fait l’objet d’un avis de la DRAC qui donne son accord ou non (et qui peut apporter un soutien financier). Evidemment, c’est un peu contraignant, mais c’est le jeu (c’est le cas de le dire).
Et l’équilibre entre ces deux pôles que sont l’accueil du public et la conservation ?
C’est la grande question ! Pour moi, il est nécessaire de bien connaître les attentes des visiteurs ; mais on ne fait pas n’importe quoi pour autant. Certains visiteurs ne comprennent pas pourquoi on ne peut pas jouer avec les objets présentés. J’ai bien conscience que ça peut être frustrant. Nous sommes un musée, pas une ludothèque, avec une mission scientifique de sauvegarde, de conservation et de documentation. Nous possédons un important fonds documentaire, y compris de nombreux catalogues anciens de jouets.
Nous sommes loin de l’art et de l’histoire tout de même ?
Des projets ?
Evidemment. D’autres expositions à venir, ce qui permet d’ailleurs de renouveler mon intérêt pour ces objets. Et puis, à cause de travaux (accessibilité handicapés), les collections permanentes vont sans doute être modifiées en profondeur prochainement : un travail passionnant en perspective. Et enfin, Poissy a un projet de musée d’art et d’histoire… nous assurons déjà la gestion de cette collection mais qui reste pour l’instant en réserve, faute de lieu de présentation adéquat. Nous tâchons cependant de faire connaître ces collections par des expositions de préfiguration : sur le Colloque de Poissy de 1561 et, en ce moment-même, sur saint Louis, le plus illustre des Pisciacais! Cela augure plein de bonnes et belles choses.
Merci Marion !
http://www.ville-poissy.fr/fr/loisirs/vie-culturelle/musee-du-jouet.html