« Nos ancêtres les Gaulois étaient grands, blonds, et forts. » Combien d’enfants de la IIIe République française ont du subir cette phrase dans « le » manuel de référence d’Histoire à l’époque, Le Petit Lavisse ? Elle a traumatisé une génération, nous a poursuivi et nous a tous fait connaitre une image toute-faite, bien des années après ses sévices.
Ce propos est exactement l’idée proposée par un documentaire informé, illustré et réalisé par Arte sous le nom La potion Asterix. Réalisé en 2013 par Pascal Forneri, Arte eut l’excellente intuition de diffuser à nouveau 53 minutes de déconstruction d’un monument de la bande-dessinée : Asterix. Venant à point nommé pour la promotion d’Asterix : Le domaine des Dieux par Alexandre Astier, La potion Asterix déconstruit et tente de comprendre l’histoire d’un succès. A l’image du duo Asterix et Obelix, Albert Uderzo et René Goscinny ont concrétisé une oeuvre complémentaire. Le Blog La Maison Musée vous propose de revenir sur un coup de coeur indéniablement nostalgique qui, non pas une explication d’un succès mais un ensemble de témoignages sur ce qui a fonctionné dans un des monuments de la bande-dessinée des années 1960 à 1990.
Une bienveillance dessinée
Pascal Formerie illustre parfaitement chacun des propos … Avec les images clefs de nos lectures antérieures.
Aujourd’hui encore, notre grand coup de coeur chez Asterix reste le support dessiné. Le cinéma a beau être un représentant du mouvement, de la vitesse, aux sources de l’expressivité : rien ne remplacera l’oeuvre originale – et uniquement l’association d’Albert Uderzo et René Goscinny – qui est une mine d’or. Un style que l’on connait tous : des traits et contours aux pinceaux. Une écriture documentée et riche culturellement : pour les plus jeunes et les plus âgés. Aujourd’hui, 15 ans après nos premières images et nos premières lectures, le Latin et les calembours s’ajoutent à un univers chaleureux, coloré et teinté par sa profondeur.
La bande-dessinée suggère et laisse libre court à notre imagination. C’était l’une des premières idées du duo Uderzo-Goscinny en concevant un support qui « parle » à tout, à plusieurs générations, et si possible, fera du dessin un moyen d’être pérenne. Il y a une fin commune, ayant quelques particularités à chaque album, un village qui ne bouge pas, un duo souvent complice ou aux liens ressoudés avec un récit de voyage dans le monde Antique. Ouvrir aujourd’hui un album Asterix revient à se plonger dans un récit fictif et pourtant richement documenté. Cela signifie surtout pouvoir lire, voir et découvrir Asterix à n’importe quelle époque. Finalement, la grande réussite de la BD d’Uderzo et Goscinny est de s’être inscrite dans une forme d’éternité. Les cases sont leurs limites, leurs propos parviennent toujours à nous faire sourire (Ou à nous surprendre dans de nouvelles lectures!) et l’Histoire est réappropriée pour contextualiser un village Gaulois fictif.
Un humour culturel et sans frontières
Petitbonum, Babaorum, Aquarium : pas de soucis. Savez-vous, en revanche, que Laudanum est le nom d’un laxatif ? …
Les millions d’exemplaires Asterix édités et diffusés n’ont pas seulement concerné la France. Asterix a été un phénomène au moins Européen et attesté jusqu’en Chine. On aurait pu penser que la BD et son succès pouvaient résulter d’un chauvinisme. Caractère qui aurait logiquement permis l’ouverture d’un Parc d’attractions lui aussi couronné de succès. Et d’ériger notre duo en icônes de la culture. Dans La potion d’Asterix, notre documentaire s’intéresse à l’Allemagne. Un cas qui est symptôme des autres pays qui, dans les années 1970/1980/1990, a traduit et respecté l’esprit de l’auteur René Goscinny. Il s’agit là d’un point extrêmement délicat, peut être l’un des plus révélateurs du travail effectué sur Asterix. Si l’idée de 2 Gaulois serait née en 15 minutes, les noms comme « Cétautomatix », ou « Panoramix » ont nécessité une forme de déstructuration du langage. Comment le traduire en Allemand ? En Anglais ? En Italien ? Il faut non seulement respecter l’esprit de la calembour, traduire l’idée, et utiliser les ficelles d’une autre langue. Panoramix deviendra « Getafix » en Americain. (Get a fix : avoir sa dose « de drogue ») Cétautomatix devient Automatix … En interrogeant une part de notre histoire et de notre langue, Uderzo et Goscinny ont influencé l’Europe avec eux dans un phénomène simple et complexe, dépouillé et pourtant fouillé dans son sens.
Asterix est aussi une BD Européenne dans le passé. Notre passé commun d’un espace Européen Antique qui est toujours aperçu par des clichés. Des clichés conscients, ceux du lectorat, notamment avec Asterix chez les Belges ! (Le « plat pays ») Il y a une démarche louable dans l’exagération stylistique, dans le jeu des défauts des uns et des autres : non seulement les autres personnages sont différents mais nos Gaulois, eux aussi, peuvent aussi apercevoir et partager ses autres cultures au cours du banquet final. En somme, parmi les milliers de thèmes synthétisés, La potion d’Asterix nous ramène à nos premiers rêves : le voyage, l’aventure, la rencontre, l’idée que notre départ s’accompagne quelque part d’un retour au domicile, et l’horizon des cultures au détriment de la culture ou plutôt de l’impérialisme « à la Romaine ».
Une aventure pour « tous »
Goscinny et Uderzo ont utilisé une bibliographie digne d’historiens : La Guerre des Gaules de César ou des oeuvres de Jérôme Carcopino, par exemple.
Le talent d’Uderzo et de Goscinny est d’avoir créé une aventure assimilée ou assimilable par tous. Avec un cri du coeur, avec des images d’archives, Asterix est toujours aussi bien perçu. En observant le documentaire, l’oeuvre est vivement recommandée à un groupe scolaire. Aujourd’hui encore, en Histoire Antique, y compris dans les milieux Universitaires, on pourra vivement vous recommander Asterix. Simplement parce qu’elle est une création sérieuse, elle s’appuie sur une véritable recherche documentaire et la volonté de faire de l’histoire un cadre vraisemblable. Les excès de Rome mais aussi ses institutions; la progression de César en Gaule et l’existence de nombreux personnages : nos deux auteurs avaient vu juste et ont donné une épaisseur encore remarquable à leur art. C’était plus qu’un travail complémentaire : c’était un souci de bien-faire, d’apporter avec plaisir une oeuvre finie et complète.
Alexandre Astier, réalisateur d’Asterix : Le Domaine des Dieux justifie son choix d’album dans le documentaire La potion d’Asterix.
Proposer une originalité qui n’est pas sérieuse et qui est pourtant renseignée est une manière divertissante d’aborder la culture. Ce qui a été réalisé avec la série TV Kaamelot par Alexandre Astier est, en quelque sorte, réinterprété avec Asterix : Le domaine des Dieux qui était le 17e album de d’Asterix et Obelix. De la passion, il en faut; tout comme un respect profond de l’oeuvre. Or, on ne se risque pas en voyant dans les films d’animation et les dessin-animés portés au cinéma, les créations les plus fidèles. Cela ne suppose pas, en théorie , une réécriture de A à Z de l’oeuvre. En pratique, cela implique des choix qu’il faut justifier, amener dans avec cohérence et une piété incroyable dans le maintien de l’oeuvre originale. Sur une anecdote de La potion d’Asterix, Asterix : Le domaine des Dieux aurait pu être réalisé sans la scène de la potion magique. Ca ne l’a pas été car, aussi polémique que cela puisse être aujourd’hui, il s’agit en quelque sorte d’un élément qui a frappé notre imaginaire collectif. Et qui constitue aussi la frontière très subtile qu’il y a entre fiction et histoire, documentation et humour, art et exagération des personnages … S’il y a bien quelque chose à retenir de La potion d’Asterix, cela réside dans la faculté des lecteurs à se renouveler en raison d’un travail passionné, inimitable (Il suffit de voir la différence entre les albums Uderzo et Goscinny et les autres!) et ayant le goût de l’équilibre.
La potion d’Asterix est un documentaire à (re)voir si cela n’a pas été déjà fait!
La potion d’Asterix a été réalisée en 2013 par Pascal Forneri et n’en reste pas moins une belle réalisation. On y décortique l’oeuvre, on se la commente, on revit quelques moments télévisés avec l’intervention de René Goscinny et du témoin Albert Uderzo. Il y a beaucoup de ces deux hommes, un peu de nous et une part d’imagination à la réussite d’une BD que nous portons aux nues.
La potion d’Asterix est à revoir sur Arte+7 en Replay (Jusqu’au Dimanche 02 Décembre 2014) via YouTube ou directement sur le Blog à n’importe quel instant !