© Baghir photographie
C’est dans un monde brouillé en niveaux de gris que nous invite à pénétrer Baghir, photographe unique en son genre. Portraitiste reconnu à juste titre (époustouflants exemples à admirer ici ou là), il a décidé de renouveler totalement son travail en développant une technique particulière qui donne à ses clichés un rendu presque météorologique, à mi-chemin entre la brume, la neige, la pluie et le gel.
De cette façon, il perturbe nos sens, incapables de savoir s’ils font face à une photographie ou une aquarelle, et renouvelle notre vision autour d’éléments triviaux et quotidiens : un arbre, une barrière, un corps.
© Baghir photographie
Bonjour Nicolas, comment fonctionnez-vous pour obtenir ce rendu si spécifique? Comment en êtes-vous arrivé à développer cette technique personnelle?
C’est ma petite recette secrète, une expérimentation débutée il y a cinq ans et que j’ai su maitriser à force de recherche. J’aime essayer, mettre en application une vision née de l’imagination. Ce travail démarré il y a cinq ans était assez différent de ce que je présente aujourd’hui. C’était plus plastique, plus sombre, plus brut et sans doute plus contemporain. Puis rapidement, j’ai senti que je pouvais l’emmener ailleurs, et me rapprocher du dessin ou de la peinture, ce dont j’avais envie. J’ai assez rapidement renié les premières images argentiques et me suis lancé dans une longue recherche au numérique par économie.
Il m’a fallu produire 12 000 images de recherche pour arriver à ma vision. Puis j’ai repris l’argentique pour présenter ce travail, que je trouve assez convaincant et plutôt abouti, même si je crois que je peux l’emmener plus loin. Ce sera l’étape suivante sur le premier semestre 2015. Les titres des œuvres sont des nombres à deux fois trois chiffres (par exemple 450-086); ce sont mes perturbations numériques. Au final, je pense que les titres des œuvres, ces perturbations numériques, deviendront le titre de ces séries.
© Baghir photographie
Vous avez réalisé beaucoup de portraits avant de passer à cette nouvelle série, pensez-vous y revenir prochainement?
J’adore le portrait et j’en fais continuellement. J’ai même commencé des séries de portraits avec cette vision, ainsi que des nus. J’espère pouvoir en présenter l’année prochaine.
Comme le montrent bien le titre de votre exposition “Photographies?” et votre technique, vous aimez à brouiller les frontières entre les différents media. Vous inspirez-vous de la peinture?
Oui, c’est indéniable. J’ai toujours adoré la peinture mais je ne pourrais jamais être un peintre sérieux. La vie est trop courte et cet art demande une implication totale et sur une vie entière. Je peignais, je dessinais, en dilettante. Il y a plus de vingt, j’ai démarré des séries mixtes mêlant peinture, photo et collage. Je les ai redécouvertes il y a peu, j’aimerais les reprendre et les faire aboutir. Ou au moins les faire évoluer un minimum.
Si vous deviez choisir un morceau de musique pour accompagner vos photographies, lequel serait-ce?
J’aimerais en choisir dix pour accompagner ces photographies. Depuis trois semaines, je joue en boucle du Satie dans la galerie. L’interprétation de Reinbert de Leeuw est lumineuse, profonde, aérienne et se marie parfaitement aux photographies. Certains titres de Lovage accompagnent aussi très bien ces images, en particulier le titre « Anger Management » qui est un pur mélange des genres, une musique à la frontière de plusieurs. Mais par cœur, par hommage et pour accompagner mon changement de vie, je choisis Time and Place du jeune talent jamaïcain décédé à un très jeune âge en 1983, Hugh Mundell.
© Baghir photographie
L’usage du noir et blanc vous paraît-il inné?
Je préfère le noir et blanc à la couleur, et je ne crache pas pour autant sur la couleur, mais elle est partout, souvent laide ou exagérée, voire même vulgaire. En particulier dans la photo d’aujourd’hui. C’est une remarque assez généraliste, donc pas très maligne, mais qui n’est pas fausse. Nous vivons dans une époque où les couleurs sont criardes et grossières, alors que la couleur demande du tact et de la finesse.
Le noir et blanc, en dehors de la photo, du dessin ou de la sculpture, n’est plus nulle part. Il était ancré dans le cinéma ou la télévision jusqu’à la fin des années 60, puis a disparu. Le noir et blanc ne persiste aujourd’hui véritablement que dans la photographie. Or on peut voir de la couleur dans des noirs et blancs. L’inverse est presque inimaginable. Je peux adorer la couleur mais je suis très difficile avec elles. Je les aime pures, comme chez De Stael. Les belles photos couleurs sont beaucoup plus rares que les belles photos noir et blanc, en tous cas à mes yeux. J’ai commencé à travailler sur des séries en couleur avec la même vision, mais la difficulté à obtenir une bonne photo est immense. C’est encore à l’état de recherche.
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Baghir – photographe
A voir jusqu’au 29/11/14 à la Galerie des Sans-Galeries
40 rue Mazarine 75006
Horaires : jeudi 27 de 11h à 23h, vendredi 28 de 11h à 20h et samedi 29/11/14 de 10h à 23h45
http://www.baghir.com/
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