LA LETTRE DES JURISTES D’AFFAIRES – N° 1185 – 24 NOVEMBRE 2014
Propos recueillis par LAURENCE GARNERIE
Depuis un an, Gérard Haas, associé fondateur de Haas Société d’Avocats, préside le réseau GESICA. Il revient sur l’actualité de ce réseau et évoque les défis qui attendent la profession.
Le réseau GESICA a pris un nouveau tournant à la suite de votre élection. Pouvezvous nous en expliquer les détails ?
Gérard Haas : Le réseau GESICA, créé il y a 26 ans, est en train de passer d’un réseau de postulants à un réseau d’avocats ayant comme clientèle commune les PME. Notre travail repose sur quatre grands axes. Le premier est la spécialisation individuelle. Le deuxième est le capital juridique, c’est-à-dire le croisement de nos compétences et de nos expériences au service des besoins de nos clients. En troisième lieu, nous travaillons
au renforcement de la francophonie qui est notre spécificité puisque nous comptons 250 cabinets dont une cinquantaine répartis en dehors des frontières de l’Hexagone, là où la France a des intérêts. Cela explique d’ailleurs notre choix de la ville de Tanger pour notre 25e congrès qui vient de se tenir. Enfin, nous voulons développer le réseau qui compte aujourd’hui 2 200 avocats. Nous recrutons de nouveaux membres par cooptation selon des critères basés sur la compétence, l’efficacité et la renommée, en essayant également de privilégier la transversalité des compétences. Nous avons établi une stratégie de développement sur 9 ans avec mes vice-présidents. Cela permet de mettre en place des projets sur le long terme comme la réalisation d’une nouvelle charte graphique qui vient d’être terminée, la refonte du site internet pour mars 2015 ou le lancement d’une plateforme téléphonique. Nous avons également créé l’Académie GESICA qui a pour but de mettre en avant les compétences des membres du réseau et a remis ses premiers Trophées lors de notre congrès de Tanger.
Le réseau travaille aussi sur la formation de ses membres. Que leur proposez-vous ?
G.H. : Nous avons mis en place des outils innovants comme des WikiStages, interviews vidéo qui tournent sur les réseaux sociaux, et une bibliothèque juridique numérique. Côté formation externe, nous avons noué un partenariat avec l’Institut de recherche juridique de la Sorbonne pour organiser des Matinales. La prochaine se déroulera le 3 décembre et portera sur le droit à l’oubli. Nous avons également participé à l’élaboration de vidéos animées présentant le métier d’avocats avec des partenaires comme AG2R.
Votre dernier congrès portait sur le nouveau visage de l’avocat. Quelles sont les grandes mutations auxquelles ce dernier doit se préparer ?
G.H.: L’avocat doit d’abord faire face aux évolutions technologiques. Demain, son principal concurrent ne sera pas un autre avocat mais les moteurs de recherche. Le réseau réfléchit aux questions d’intelligence artificielle. Le métier d’avocat doit se transformer en sachant monétiser et automatiser des tâches qui n’apportent pas de valeur ajoutée. Nous devons donc nous interroger sur ce qui fait la valeur de l’avocat, notamment la relation humaine et mettre cet atout en avant. L’avocat doit également réfléchir aux prix car les justiciables lui reprochent son manque de prévisibilité et de lisibilité. Au sein du réseau, nous avons opté pour la transparence sur les honoraires et nous mettons systématiquement en place des conventions d’honoraires. Enfin, l’avocat devient entrepreneur avec tout ce que ceci implique en termes de nouveaux outils marketing à maîtriser.
Quel regard portez-vous sur les nouvelles offres qui se développent sur Internet, type demanderjustice.com ?
G.H. : Il ne faut pas confondre marché du droit et marchandisation du droit. Il existe en effet un marché du droit mais ce dernier doit être appréhendé dans le respect des justiciables. Or, ces nouvelles plateformes veulent faire du business alors que multiplier les conflits ne profitent qu’aux banques et aux assurances qui mettent en place des contrats de protection juridique.
L’avant-projet de loi pour la croissance et l’activité vient d’être transmis au Conseil d’État. Que pensez-vous de ces principales dispositions relatives à l’avocat (création d’un statut d’avocat salarié en entreprise, extension de la territorialité de la postulation à la cour d’appel, ouverture des capitaux des SEL) ?
G.H. : L’avocat en entreprise, nous y sommes favorables car les juristes d’entreprise sont nos partenaires. La modification de la territorialité de postulation va, elle, bouleverser l’organisation des avocats. Chez GESICA, nous avons déjà du mal à recruter de nouveaux membres dans les petites villes car les spécialistes ne peuvent pas y développer de clientèle. Cette réforme ne va pas arranger ce phénomène. Enfin, concernant l’ouverture des capitaux, il est indéniable que les cabinets d’avocats doivent être structurés. La défense du droit continental ne pourra se faire que si nous avons des cabinets français plus forts. Mais, là aussi, attention aux critères : l’ouverture des capitaux doit permettre aux cabinets de rester indépendants, pas d’avoir des actionnaires ayant droit de regard sur les dossiers. En outre, cette réforme ne prend pas en compte le fait que de plus en plus de cabinets se tournent vers l’Aarpi qui n’a pas une approche capitalistique.
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