Mes chemins professionnels me menaient ce matin à Forem-Formation, situé depuis plusieurs années sur le site du Val-Benoît, à Liège. Ce site, après avoir été un fleuron universitaire, est aujourd’hui à l’abandon, ou plutôt en réhabilitation. Certains bâtiments sont recyclés, d’autres sont détruits pour faire place à du neuf.
Cela m’a permis de saisir cette étonnante photo : c’est tout ce qu’il restait ce matin de ce bâtiment dans lequel il me semble avoir travaillé au début des années ’90. Ces deux ossatures centrales – anciennes cages d’ascenseur ? – étaient ce soir déjà entièrement séparées. Dans quelques jours, elles n’existeront même plus.
Ces vestiges d’un passé récent disparaissent ainsi. C’est bien sûr des pans entiers d’histoire qui se retrouvent en poussière. On peut se laisser envahir par un brin de nostalgie, c’est le droit de chacun. Personnellement, j’ai plutôt tendance à considérer que ces bâtiments ont fait leur temps, ont rendu les services qu’ils devaient rendre et que les remplacer par de nouveaux ne peut être qu’un pas vers l’avenir. À quoi me servirait-il d’être nostalgique ?
La vie n’est-elle pas toujours ainsi faite ? On construit des choses – des bâtiments, mais aussi des vies, des relations, des rêves – qui remplissent leur office le temps qu’il faut. À un moment, ces choses deviennent obsolètes. Elles gardent sans doute toujours une certaine âme, mais faut-il à tout prix préserver celle-ci. L’âme n’existe-t-elle pas d’ailleurs que dans le souvenir, le sens symbolique, qu’on veut bien lui accorder ? Alors, autant détruire la chose, la faire disparaître pour qu’elle puisse laisser la place à une nouvelle chose – un nouveau bâtiment, une nouvelle vie, une nouvelle relation, un nouveau rêve. Ce n’est pas nier la chose d’origine. C’est la transcender, la conduire là où elle n’aurait même pas pu être en elle-même.
Je ne dis pas qu’il faut détruire toutes les vieilles choses. Tant qu’elles peuvent vivre et être utiles – même si cette utilité est purement symbolique – alors autant les garder. Mais si elles doivent disparaître, je ne serai jamais le premier à verser une larme. L’avenir se construit toujours sur le passé, mais ce n’est jamais celui-ci qui construit l’avenir.