Brendan Gleeson retrouve le réalisateur de L’Irlandais (2011) pour une nouvelle comédie aux accents tragiques, mâtinée d’humour noir. Entouré, entre autres, des sympathiques Chris O’Dowd et Kelly Reilly, l’acteur incarne un prêtre de campagne menacé de mort par l’un de ses paroissiens. Il ne lui reste à priori qu’une semaine à vivre, le temps de démasquer et peut être d’arrêter celui qui a juré de le tuer.
Dans l’obscurité d’un confessionnal, un prêtre recueille la douleur d’un homme invisible, jusqu’à ce que celui-ci lui annonce qu’il le tuera le dimanche de la semaine prochaine. Sans autre forme de politesse, c’est ainsi que Calvary démarre, sur les chapeaux de roue. Le décompte imposé par le tueur au visage inconnu sert de structure à la lente descente aux enfers du prêtre, chaque jour écoulé nous rapprochant un peu plus de sa mort imminente. C’est le seul élément de suspens nécessaire au bon déroulement de l’intrigue, le prêtre abandonnant vite l’idée d’enquêter sur l’identité de son futur meurtrier. Il n’est pas ici question de relater, à rebours, une nouvelle d’Agatha Christie, mais plutôt de dépeindre une figure pastorale controversée, au travers des différents regards que les habitants du village portent sur elle. Le prêtre existe principalement en réaction aux autres et ne cesse de se dérober à l’enjeu que représente sa mort.
De cette manière, John Michael McDonagh révèle une pluralité des regards sur l’Église contemporaine. On le comprend assez vite, le prêtre ne se pose pas en ambassadeur de Dieu sur Terre, mais comme garant moral de la petite société dans laquelle il vit, agissant au nom de la bonté humaine et non de la foi. Cette posture à double tranchant ne l’empêche pas pour autant d’être le bouc émissaire de tous les maux du village. Bien qu’ils se rendent tous à la messe régulièrement, les paroissiens ont perdu toute croyance, et rejettent leur colère envers l’Église sur le prêtre, qui est, presque malgré lui, le dernier représentant de cette institution détestée.
Porté par une troupe d’acteurs convaincants et une photographie soignée, le film est à son meilleur quand il frappe à grands coups sur les convictions religieuses de son personnage principal, toujours avec un humour bien senti. Il peine pourtant à convaincre. Les nombreuses séquences de confrontation entre le père James et ses voisins font l’objet d’un montage trop rapide visant à dynamiser un espace qui se suffit à lui-même. De la même manière, dans un souci de diversité des genres, certains accents mélodramatiques viennent alourdir la veine sentimentale de l’histoire liant le prêtre à sa fille suicidaire (faute à la bande originale, qui, à trop vouloir souligner les émotions, finit par distraire).
Quelques seconds rôles sont également dessinés à gros traits. L’ex-roi de la finance imbu de lui-même et détaché de toute forme de vie est, par exemple, trop évident, trop facile à cerner vis-à-vis de la complexité de l’ensemble. Il est aussi dommage, après tant de verve usée pour déconstruire la mythologie de l’Eglise, que le scénario se referme sur l’idée du pardon, valeur catholique trop fortement soulignée par le personnage interprété par Kelly Reilly.
Calvary reste un film efficace et amusant, maniant à tour de bras un humour que les Coen n’auraient pas renié. Sa rigueur scénaristique de bon élève finit cependant par le détourner de la critique religieuse acide qu’il construisait jusqu’alors avec soin, résultant en un divertissement sans aspérités.