Blacknecks est un duo de musique électronique formé par Truss et Bleaching Agent. Enfin plutôt : Blacknecks est un duo de boucherie électronique formé par Truss et Bleaching Agent. Leurs morceaux oscillent entre ce qu’on pourrait appeler débilo-techno et italo-gabber, et si vous n’avez aucune idée de ce que c’est, ne vous inquiétez pas : personne ne comprend quoi que ce soit à Blacknecks.
Est-il vraiment utile de revenir sur la genèse d’un duo qui a caché son identité pendant plus de la moitié de sa (courte) carrière ? Blacknecks 2013-2014, Blacknecks est mort, vive Blacknecks. Si on avait autant d’humour qu’eux, l’article s’arrêterait ici. Mais il va bien falloir qu’on explique un peu.
Pendant très longtemps, les deux membres de Blacknecks ont caché leur vraie identité, et ont laissé les rumeurs courir, de Tessela à Surgeon, environ la moitié de producteurs techno de cette planète ont été à un moment soupçonnés d’être derrière le projet.
Un projet qui commence donc avec le vinyle 12″ 000001 et qui s’achève avec le double 6 : notez qu’entre les deux, il y a donc eu 00002, 0003, 004 et 05 : les zéros ont leur importance, puisqu’ils annonçaient dès le début la fin du projet. Un peu comme la série Community et son fameux « Six seasons & a movie », Blacknecks a annoncé la couleur en secret avec un « Five 12-inches & a double », même s’il a fallu du temps pour comprendre que moins il y avait de zéros sur la release, plus la fin approchait. On pourrait pousser plus loin le parallèle avec Community en mettant en avant les running gags, le sens de l’humour ou un sens de la direction incertain (qui va de pair avec une certaine irrégularité), mais ça serait abuser quelque peu.
Mais voilà, on se retrouve en novembre 2014, les tops de fin d’année presque bouclés, et on prend conscience d’un truc : Blacknecks est le meilleur groupe du monde. En sortant avec 6 l’album de techno le plus incontrôlable de l’année, on s’est senti obligé d’ajouter l’album sur la première marche du podium (ceux qui ont une passion pour les listes bien ordonnées, tout du moins), même pas un an après la sortie de leur tube To The Cosmos Let’s Go.
Ce tube, parlons-en. (Parler de tube pour un morceau techno, c’est s’assurer à la fois la haine des amateurs de pop et des technosaures, c’est donc l’occasion de faire d’une pierre deux coups) Sorti sur 004 au début de 2014 (les rips circulaient bon train dès l’automne 2013) et le morceau, dans les mains de quelques DJs bien avisés, est vite devenu un hymne hallucinant, déchaînant les foules et martyrisant les Funktion One de quelques clubs tout autour du monde. Ses montées hypnotiques, son groove irrésistible, son beat venu d’ailleurs : tous les éléments étaient réunis pour faire de la release le vinyle le plus attendu de 2014 – et ça n’a pas loupé, même si Barnt est venu déranger l’ordre établi avec Chappell. Et on prend les paris : parmi tous ceux qui écoutent le vinyle aujourd’hui, la face A (To The Cosmos, Let’s Go) sera devenue inaudible dans dix ans, quand la face B sera toujours intacte.
Mais ça ne nous dit toujours pas pourquoi Blacknecks est le meilleur groupe du monde. On pourrait l’expliquer de manière faussement objective, ou bien faire une liste de tous leurs morceaux classés par ordre alphabétique, mais finalement on s’est dit que l’assurer de manière aussi péremptoire devrait suffire à vous convaincre. Blacknecks est le meilleur groupe du monde.
Car ce qui fait du bien avec Blacknecks, c’est leur absence totale de sérieux. Dans une interview hilarante pour Thump, ils livraient de fausses identités (Gary Diablo & Salso Fontes), et expliquaient comment ils produisaient leurs morceaux. Leur secret : ils produisent de la deep house mais ont poussé tous les potards vers le haut. Voilà, si avec ça vous ne pensez pas que la techno peut aussi être un truc marrant, je sais pas trop ce qu’il vous faut. Ou alors il vous faut autre chose ? Un morceau qui s’appelle Powerhole Gloryhole, ça vous va ? Un morceau qui s’appelle Clubbing et qui donne à écouter des samples de voix enregistrées sur répondeur…de gens qui ont appelé le numéro (00754772279) que Blacknecks avait donné au milieu de Hotline sorti quelques mois plus tôt, c’est pas mal non ?
Et avec ceci ? Des morceaux imparables sur le dancefloor (Easy Lionel), certains d’une beauté intrinsèque à faire pâlir Infiné (Don’t Dream It Be It), d’autres qui sont un concentré d’une techno abrupte et efficace (Spudgun! Dave Hedgehog!) quand d’autres sont tout juste écoutables sans faire finir dément. Et c’est ce qui fait la beauté de Blacknecks : leur capacité à produire des morceaux incroyables en envoyant valser tous les codes pré-établis.
Blacknecks est souvent incompréhensible, parfois inexplicable, toujours drôle et rarement fin; si vous pensez que ça suffit pour vous en faire une idée, vous n’avez probablement jamais vu un film de David Lynch. Qui sont les meilleurs de la Terre… CQFD.