d'après LE PÈRE (1887) de Maupassant
Jean de Gallois
Et moi,
Nous nous promenions
Dans les environs
De sa propriété de Chanteloup.
Tout à coup,
Une voix cria dans le lointain :
-« Monsieur, monsieur ! » Jean répondit :
-« Nous sommes ici, Martin. »
Quand le valet
Nous eut trouvés,
Il dit :
-« C’est la bohémienne de monsieur. »
-« Nous sommes donc le 19 septembre ! »
-« Mais oui, monsieur. »
-« Martin, dites-lui de m’attendre.
Nous rentrons dans un moment. »
-« Allons doucement, me dit Jean.
Je veux te conter cette histoire :
Je faisais le tour de ce bois, un soir.
Soudain, Bock, mon chien,
Un grand saint-germain,
S’arrêta
Et grogna.
Je crus à la présence d’un sanglier.
J’avançais sur la pointe des pieds
Afin de ne pas faire de bruit.
Puis j’entendis des cris,
Des cris humains,
Plaintifs, déchirants.
Je m’approchai rapidement
Et aperçus devant moi
Une carriole de marchands forains.
Je montai les trois marches de bois.
Un homme très brun, à genoux, semblait prier
Tandis que sur un pauvre divan,
Une femme nue à moitié
S’agitait et hurlait.
Elle était en mal d’enfant !
L’homme, une sorte de Marseillais,
Me supplia de l’aider à délivrer sa belle,
Me promettant,
En échange, une reconnaissance éternelle.
Je lui ordonnai sèchement :
-« Allez chercher une infirmière ! »
-« Notre cheval est tombé dans une ornière.
Il a la patte cassée
Et ne peut plus se lever. »
-« Alors, emmenons votre femme chez moi. »
Haletant,
Suant,
Nous marchâmes tous trois,
Jusqu’au château
Et nous avons couché la femme aussitôt.
Je fis appeler le médecin.
…Peu après, la mère et l’enfant se portaient bien.
Camille la mère, le bébé et le Marseillais
Sont restés sous mon toit pendant huit jours !
L’année suivante, jour pour jour,
Après le déjeuner, Martin, mon valet
Venait au salon me trouver :
-« C’est la bohémienne de l’an dernier
Qui vient vous remercier. »
-« Fais-la entrer. » Je demeurai étonné
De voir qu’elle était accompagnée
Par un beau et grand garçon
Très blond.
Il n’était certes pas du Midi.
Camille,
Tenant par la main sa petite fille,
Me dit :
-« On n’a pas voulu laisser passer
Cet anniversaire sans vous apporter
Nos remerciements
Et le témoignage de notre reconnaissance. »
Puis nous causâmes un moment
De cette mémorable naissance.
La pauvre femme revient tous les ans,
À la même date avec son enfant
Et chaque fois …avec un nouveau fiancé.
Un seul, un Auvergnat,
Me ’’ remerchia’’,
Deux années d’affilé.
Quand nous arrivâmes chez Jean,
Trois personnes l’attendaient patiemment.
L’homme, un roux, lui dit avec un grand salut :
-« Monsieur le Comte, nous sommes venus
Vous dire encore un grand merci. »
C’était un Belge ! Et puis,
La petite fille
Récita un compliment.
Je demandai à Camille :
-« Est-ce le père de votre enfant ? »
-« Oh non ! » -« Il est mort, son père ? »
-« Oh non ! Il a épousé une crémière. »
-« Alors, celui de l’accouchement,
Le Marseillais,
Était-ce le premier ? »
-« Oh non ! Celui-là, il est parti
Avec mes économies ! »
-« Et le vrai père, connait-il votre enfant ? »
-« Oui, mais comme il en a deux
Avec sa femme maintenant
Il s’en occupe très peu. »