18 € - 208 pages
Que révèle La Manif pour tous sur le présent et l’avenir de la France et de l’Europe ? Sur le décrochage entre les élites et le peuple ? Sur la consécration de l’individu face à l’État ou à l’Église ? Sur le retour du religieux en politique au nom de la démocratie ? Sur le délitement de la gauche et l’implosion de la droite ? Et sur le retournement de la contestation, de l’écologie ou de l’antilibéralisme au profit d’un conservatisme aussi nouveau que radical, dont l’essor ne fait que commencer ?
Alors que personne n’avait anticipé ce Mai 68 inversé, que beaucoup l’ont sacralisé ou caricaturé, Gaël Brustier décrypte, pour la première fois, sa genèse, sa formation, son projet. Mutation de la géographie sociale, de la carte électorale, du monde catholique, transformation des réseaux, mobilisation inédite des charismatiques et des traditionalistes, militantisme new look de Frigide Barjot ou des Veilleurs, conversion des familles à l’activisme et des ultras à la respectabilité, mais aussi cécité du PS, division de l’UMP et embarras du FN : sur fond de révolution internet et de panique morale, de déclassement économique et d’angoisse identitaire, c’est la face cachée des quarante dernières années, chez nous et chez nos voisins, que dévoile cette analyse sans concession.
Une plongée au cœur du réacteur où bouillonne le combat culturel qui a ouvert le XXIe siècle et qui, dépassant le mariage gay, la PMA, la GPA ou le gender, est appelé à le dominer.
Editions Le Cerf
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«La Manif pour tous» vue par un sociologue
Au terme d’une analyse poussée de la Manif pour tous, le sociologue Gaël Brustier dessine les contours d’un « Mai 68 conservateur » durable sur lequel la droite peut se recomposer et que la gauche ne peut ignorer.
5/11/14 - 16 H 39 - Mis à jour le 6/11/14 - 08 H 14
La Croix
Au bout d’une cinquantaine de pages du livre de Gaël Brustier sur la Manif pour tous (1), une question surgit : le débat autour du « mariage pour tous » a-t-il été une victoire ou une défaite pour le gouvernement et la gauche ?
Au ton de l’auteur, pourtant membre du Parti socialiste et chercheur pour la Fondation Jean-Jaurès, on serait presque tenté de choisir la deuxième réponse, tant il décrit une quasi défaite idéologique qui aura réveillé une « idéologie conservatrice » cohérente et solidement charpentée que la gauche croyait avoir définitivement vaincue après Mai 68. Et fait oublier que la loi a finalement été votée…
En sociologue, Gaël Brustier cherche donc à comprendre les raisons de l’émergence de ce mouvement social dont l’ampleur a surpris à gauche et qu’il compare à un « Mai 68 conservateur ».
CRISE D’IDENTITÉ DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE
D’emblée, on sait gré à l’auteur de vouloir dépasser l’étiquette hâtive de « fascistes en loden » placée sur les opposants au « mariage pour tous ». La Manif pour tous n’est ni une « tea party à la française » ni un retour de flamme de l’Action française, mais plutôt l’émergence d’un « conservatisme renouvelé », capable de s’exprimer par une contestation de masse qui s’est transformée, au fil des mois, « un véritable combat culturel » qu’il voit durable.
Analysant avec précision ses causes profondes, Gaël Brustier en discerne l’origine dans la crise d’identité de la société française. Identité que les manifestants avaient déjà vue menacée lors du débat sur les racines chrétiennes de l’Europe. Cette fois, c’est à travers l’interrogation sur la notion de filiation.
Il montre comment les prémices de la Manif pour tous se sont exprimées à l’occasion de controverses autour de pièces de théâtre jugées « blasphématoires » en 2011 ou à propos de l’introduction de la théorie du genre à l’école. Ces controverses, alors que la droite était au pouvoir, ont d’ailleurs participé à un rééquilibrage, peu compris par les socialistes, de l’électorat catholique, qui s’est déporté vers la gauche à la présidentielle de 2012 – particulièrement dans l’Ouest, sensible aux valeurs catholiques. Ne se retrouvant plus dans aucun parti, une frange des catholiques se cherchera alors dans une autre forme d’action politique.
« UNE VISION CONSERVATRICE COHÉRENTE »
Car si la Manif pour tous ne se présente pas comme un mouvement religieux, ses militants comme ses cadres sont difficilement détachables du catholicisme. À ce titre, l’étude que Gaël Brustier fait des trente dernières années du catholicisme français est éclairante, même si on peut s’étonner qu’il semble découvrir l’impact que les communautés nouvelles y ont eu – notamment la Communauté de l’Emmanuel.
Mais cette prise en compte d’un catholicisme renouvelé par Vatican II est heureuse et permet à l’auteur de relativiser l’influence de mouvements comme les intégristes de Civitas au sein la Manif pour tous, en marge de laquelle ils ont toujours été cantonnés. Il replace ainsi ce mouvement dans un courant de contestation de l’idéologie dominante des cinquante dernières années, en en faisant « l’enfant paradoxal et non reconnu de Vatican II et de Mai 68 »…
Il montre aussi comment le corpus doctrinal de la Manif pour tous et de ses mouvements satellites (Veilleurs, etc.) est complet, bien que composite. L’attention que l’auteur porte à la notion d’« écologie humaine » lui permet de dépasser l’analyse habituelle du « repli intégriste » pour relever « une vision conservatrice cohérente qui s’établit en proximité des questions que n’importe quel Français est susceptible de se poser dans sa vie la plus quotidienne ».
« LA GAUCHE A BEAUCOUP À APPRENDRE DU MAI 68 CONSERVATEUR »
Gaël Brustier relève enfin que la Manif pour tous a fait émerger une nouvelle génération de cadres « décidés à peser ». Certes, elle se veut rétive à toute récupération politique, mais ses responsables sont aujourd’hui courtisés par toutes les droites, des identitaires au centre droit en passant par le courant conservateur du FN et à l’UMP, par la Droite forte ou la Droite sociale de Laurent Wauquiez, auquel l’auteur consacre un long dégagement.
S’agissant de la gauche, Gaël Brustier constate – peut-être trop rapidement – que Manuel Valls, par son usage de l’appareil policier contre les manifestants, « s’est interdit de pouvoir nouer une alliance avec le centre droit (…), force politique la plus marquée par le catholicisme ».
Proche des « frondeurs », l’auteur estime au contraire que « la gauche a beaucoup à apprendre du Mai 68 conservateur » pour bâtir, à son tour, un corpus idéologique dégagé du libéralisme et capable de répondre à ce retour du conservatisme.
Nicolas Senèze
(1) Le Mai 68 conservateur. Que restera-t-il de la Manif pour tous ?, de Gaël Brustier, Cerf, 232 p., 18
18 € - 208 pages
Que révèle La Manif pour tous sur le présent et l’avenir de la France et de l’Europe ? Sur le décrochage entre les élites et le peuple ? Sur la consécration de l’individu face à l’État ou à l’Église ? Sur le retour du religieux en politique au nom de la démocratie ? Sur le délitement de la gauche et l’implosion de la droite ? Et sur le retournement de la contestation, de l’écologie ou de l’antilibéralisme au profit d’un conservatisme aussi nouveau que radical, dont l’essor ne fait que commencer ?
Alors que personne n’avait anticipé ce Mai 68 inversé, que beaucoup l’ont sacralisé ou caricaturé, Gaël Brustier décrypte, pour la première fois, sa genèse, sa formation, son projet. Mutation de la géographie sociale, de la carte électorale, du monde catholique, transformation des réseaux, mobilisation inédite des charismatiques et des traditionalistes, militantisme new look de Frigide Barjot ou des Veilleurs, conversion des familles à l’activisme et des ultras à la respectabilité, mais aussi cécité du PS, division de l’UMP et embarras du FN : sur fond de révolution internet et de panique morale, de déclassement économique et d’angoisse identitaire, c’est la face cachée des quarante dernières années, chez nous et chez nos voisins, que dévoile cette analyse sans concession.
Une plongée au cœur du réacteur où bouillonne le combat culturel qui a ouvert le XXIe siècle et qui, dépassant le mariage gay, la PMA, la GPA ou le gender, est appelé à le dominer.
Editions Le Cerf
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«La Manif pour tous» vue par un sociologue
Au terme d’une analyse poussée de la Manif pour tous, le sociologue Gaël Brustier dessine les contours d’un « Mai 68 conservateur » durable sur lequel la droite peut se recomposer et que la gauche ne peut ignorer.
5/11/14 - 16 H 39 - Mis à jour le 6/11/14 - 08 H 14
La Croix
Au bout d’une cinquantaine de pages du livre de Gaël Brustier sur la Manif pour tous (1), une question surgit : le débat autour du « mariage pour tous » a-t-il été une victoire ou une défaite pour le gouvernement et la gauche ?
Au ton de l’auteur, pourtant membre du Parti socialiste et chercheur pour la Fondation Jean-Jaurès, on serait presque tenté de choisir la deuxième réponse, tant il décrit une quasi défaite idéologique qui aura réveillé une « idéologie conservatrice » cohérente et solidement charpentée que la gauche croyait avoir définitivement vaincue après Mai 68. Et fait oublier que la loi a finalement été votée…
En sociologue, Gaël Brustier cherche donc à comprendre les raisons de l’émergence de ce mouvement social dont l’ampleur a surpris à gauche et qu’il compare à un « Mai 68 conservateur ».
CRISE D’IDENTITÉ DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE
D’emblée, on sait gré à l’auteur de vouloir dépasser l’étiquette hâtive de « fascistes en loden » placée sur les opposants au « mariage pour tous ». La Manif pour tous n’est ni une « tea party à la française » ni un retour de flamme de l’Action française, mais plutôt l’émergence d’un « conservatisme renouvelé », capable de s’exprimer par une contestation de masse qui s’est transformée, au fil des mois, « un véritable combat culturel » qu’il voit durable.
Analysant avec précision ses causes profondes, Gaël Brustier en discerne l’origine dans la crise d’identité de la société française. Identité que les manifestants avaient déjà vue menacée lors du débat sur les racines chrétiennes de l’Europe. Cette fois, c’est à travers l’interrogation sur la notion de filiation.
Il montre comment les prémices de la Manif pour tous se sont exprimées à l’occasion de controverses autour de pièces de théâtre jugées « blasphématoires » en 2011 ou à propos de l’introduction de la théorie du genre à l’école. Ces controverses, alors que la droite était au pouvoir, ont d’ailleurs participé à un rééquilibrage, peu compris par les socialistes, de l’électorat catholique, qui s’est déporté vers la gauche à la présidentielle de 2012 – particulièrement dans l’Ouest, sensible aux valeurs catholiques. Ne se retrouvant plus dans aucun parti, une frange des catholiques se cherchera alors dans une autre forme d’action politique.
« UNE VISION CONSERVATRICE COHÉRENTE »
Car si la Manif pour tous ne se présente pas comme un mouvement religieux, ses militants comme ses cadres sont difficilement détachables du catholicisme. À ce titre, l’étude que Gaël Brustier fait des trente dernières années du catholicisme français est éclairante, même si on peut s’étonner qu’il semble découvrir l’impact que les communautés nouvelles y ont eu – notamment la Communauté de l’Emmanuel.
Mais cette prise en compte d’un catholicisme renouvelé par Vatican II est heureuse et permet à l’auteur de relativiser l’influence de mouvements comme les intégristes de Civitas au sein la Manif pour tous, en marge de laquelle ils ont toujours été cantonnés. Il replace ainsi ce mouvement dans un courant de contestation de l’idéologie dominante des cinquante dernières années, en en faisant « l’enfant paradoxal et non reconnu de Vatican II et de Mai 68 »…
Il montre aussi comment le corpus doctrinal de la Manif pour tous et de ses mouvements satellites (Veilleurs, etc.) est complet, bien que composite. L’attention que l’auteur porte à la notion d’« écologie humaine » lui permet de dépasser l’analyse habituelle du « repli intégriste » pour relever « une vision conservatrice cohérente qui s’établit en proximité des questions que n’importe quel Français est susceptible de se poser dans sa vie la plus quotidienne ».
« LA GAUCHE A BEAUCOUP À APPRENDRE DU MAI 68 CONSERVATEUR »
Gaël Brustier relève enfin que la Manif pour tous a fait émerger une nouvelle génération de cadres « décidés à peser ». Certes, elle se veut rétive à toute récupération politique, mais ses responsables sont aujourd’hui courtisés par toutes les droites, des identitaires au centre droit en passant par le courant conservateur du FN et à l’UMP, par la Droite forte ou la Droite sociale de Laurent Wauquiez, auquel l’auteur consacre un long dégagement.
S’agissant de la gauche, Gaël Brustier constate – peut-être trop rapidement – que Manuel Valls, par son usage de l’appareil policier contre les manifestants, « s’est interdit de pouvoir nouer une alliance avec le centre droit (…), force politique la plus marquée par le catholicisme ».
Proche des « frondeurs », l’auteur estime au contraire que « la gauche a beaucoup à apprendre du Mai 68 conservateur » pour bâtir, à son tour, un corpus idéologique dégagé du libéralisme et capable de répondre à ce retour du conservatisme.
Nicolas Senèze
(1) Le Mai 68 conservateur. Que restera-t-il de la Manif pour tous ?, de Gaël Brustier, Cerf, 232 p., 18