Elle habite une petite maison de village, dans une commune bourguignonne. Tout sourire, elle est déjà à la porte, dans le brouillard de ce mois de novembre pour nous accueillir. A peine installés dans la cuisine, on comprend très vite que la petite dame ne va pas nous parler longtemps du salpêtre de ses murs ni des odeurs de fuel dans l’entrée…On va vite s’élever au-dessus de tout ça! Car, ici, petite maison mais grande passion!
Madina nous a sorti tout le matériel du calligraphe. En direct du quartier chinois de Paris -et donc de Pékin- voici l’encre, les feuilles de papier de riz, les pinceaux, la cire, le sceau…On touche, on hume, on s’essaie à quelques traits sur du papier effaceur…Pendant ce temps, Madina explique les rituels, les différentes écritures, l’ordre et le sens des phrases, les significations de certains idéogrammes, le marouflage… L’une de nous ose un timide « on est dans un autre monde! » . Et c’est vrai que la pièce exigüe et encombrée se fait oublier! Les objets posés là, devant nous, sont si beaux. Les mots chinois si chantants. Les signes calligraphiés d’une telle élégance raffinée. Les traductions si poétiques.
On sent que Madina voudrait nous en dire tant et tant. Encore et encore. Son enthousiasme est communicatif. Mais il est temps de passer au salon. On laisse donc la toile cirée, les boîtes de conserve, la bouilloire qui siffle et le buffet de cuisine où sont punaisées des calligraphies sur feuilles de bottin (des brouillons sans doute, mais du plus bel effet!).
La pièce qui nous attend a tout du capharnaüm chaleureux…Ce n’est pas du fouillis. C’est une plénitude. Entre tapis, plaids, coussins, piles de livres, bibelots, cadres rangés au sol, meubles et lampes, on se faufile jusqu’à la cheminée. Sur le manteau, des foules d’objets cohabitent comme ils peuvent, souvenirs chinois pour la plupart. Dans le foyer, en guise de bois…de multiples œuvres de Madina sont sagement rangées dans des cartons. Et puis, le long de l’escalier, sur chaque marche, elle nous invite à regarder également dessins, photos et calligraphies. Son travail d’artiste.
Sur un chevalet, derrière le canapé, trônent les cadeaux du « maître », son maître chinois de calligraphie. Belle énergie du geste dans ces graphismes…
Près de trois heures après, on repasse par la cuisine pour prendre congés. On regarde à nouveau quelques feuilles amassées sur la table. Et, décidément, on aime quand Madina fait ce qu’elle appelle « de l’art plastique », c’est à dire qu’elle se permet de marier la rigueur de la tradition de la calligraphie chinoise à ses propres initiatives créatives. (précisons que Madina est ancienne prof d’art plastique)