Zenith de Strasbourg, 13 novembre 2014. 7 000 fans arrivent au Zenith voir (ou revoir) le membre fondateur de Genesis dans la tournée « Back to front ». Peter Gabriel revient sur scène, avec comme fer de lance son plus grand succès commercial SO (1987) contenant « Sledgehammer » ou « Don’t give up » (en duo avec Kate Bush). Cet album l’avait propulsé en faiseur de tubes, lui qui était plutôt avant-gardiste, cherchant ses sonorités, s’engageant volontiers pour des causes humanitaires. Un tel revirement dans ce passé est étonnant de sa part. Et pourtant cette tournée réserve son lot de surprise.
D’entrée de jeu, il arrive sur scène, en costume sombre très sommaire, présenter les deux chanteuses qui feront la première partie. Jennie Abrahamson & Linnea Olsson sont deux musiciennes suédoises nous emmenant dans un univers pas vraiment différent de la tête d’affiche. Le premier titre, « Snowstorm » est accompagné avec un genre de balafon synthétique. Sur le second, nommé « Ah », Linnea se sert de boucles enregistrées avec son violoncelle pour créer une ambiance assez particulière et particulièrement étoffée. La maitrise des deux demoiselles n’est plus à démontrer, et l’on comprend aisément le choix de Peter Gabriel. On ignore encore à ce moment-là qu’elles sont également ses choristes pour cette tournée. Quatre titres magiques, véritable apéritif riche en gout et qui pourraient presque constituer un spectacle en soi.
Après une petite préparation de la scène, laissant par exemple le temps à huit techniciens lumières de se percher de chaque coté de la scène, nous avons le plaisir de voir, habillé en rouge comme un technicien, un certain Peter Gabriel, armé d’un balai, nettoyant la scène. Visiblement, il aime jouer avec son image. Lorsque la scène est prête, il revient dans son costume sombre et sobre, nous présenter la soirée en français, comme un maître d’hôtel. En hors d’œuvre, ce sera une partie acoustique, un peu comme si le groupe répétait. Le menu, ce sont les classiques, d’abord en acoustique, puis en plus électrique. Pour le désert, ce sera l’album SO en entier. Tous les musiciens ayant enregistrés ce disque sont présent pour la tournée. Ce menu prouve que Peter Gabriel n’a pas peur dans sa première partie de perdre son public par un passage plus expérimental. Accompagné au début de son ami Tony Levin (ayant joué avec Pink Floyd, Dire Straits, John Lennon, Paul Simon et King Krimson) cette entrée n’est pas si expérimentale et ne refroidit pas le public. Au contraire, il satisfait les attentes. Cette amuse-bouche est assez court, pour enchainer sur des titres comme « Shock the Monkey » en version acoustique (acoustique, mais pas mou musicalement), rajoutant assez rapidement un jeu de lumière novateur et époustouflant, une mise en scène particulièrement soignée. Même les écrans sur le coté de la scène profitent d’effets assez particuliers, allant jusqu'à simuler des pannes ou des distordions de l’image. Le public en prend plein les yeux et les oreilles, le spectacle est complet. Le batteur français Manu Katché, révélé sur la scène internationale grâce à Peter Gabriel, est lui aussi de la partie et nous prouve encore une fois son extraordinaire maîtrise de l’instrument. Des titres comme « Diggins in the Dirt » s’approchent d’un rock plus dur (avec guitares saturées), soutenus encore une fois par un véritable spectacle de lumières. Non, Peter Gabriel n’a pas vieilli, bien qu’il ait changé de couleurs de cheveux et prit un peu de poids… Il n’oublie pas ses grands succès, comme Solsbury Hill, qui sonne toujours aussi bien malgré presque quarante années de diffusions radiophoniques ininterrompues (et tant mieux !).
Il est tant d’entendre SO dans son intégralité. Une petite rupture se fait sentir d’un point de vue visuel, les caméras et la lumière voulant recréer pour l’introduction « Red Rain » une lumière rouge un peu rétro. Les succès commerciaux « Sledgehammer » et « Don’t give up » sont attendus par le public et fort bien accueillis. D’ailleurs, cette ballade chantée en duo avec l’une de ses choristes, offre une véritable séance d’émotions en simulant leur rupture. La chanson y a gagné en intensité dramatique. Vocalement, Peter Gabriel assure toujours autant et donne tout, tirant les larmes du public. Le titre finissant l’album original, « In your Eyes », exploite les cinq « girafes » à roulettes avec deux projecteurs, simulant des yeux scrutant le public.
Les musiciens quittent la scène sous un standing ovation de 7 000 personnes conquises et émerveillées par ce qu’elles ont vu et entendu. Bien sur que ce public a chaudement rappelé les musiciens. Et le bis, trois chansons, ne sont pas qu’un simple retour sur scène… Peter Gabriel surprend encore, avec des effets non exploités comme sa couronne de lumières qui se déploie pour la première fois. Il termine, en rappelant le massacre des étudiants mexicains, saluant le courage de ceux qui s’engagent, et termine sur un magnifique Biko, dédié au leader à l’opposition de l’apartheid Steve Biko. Un moment magique, un voyage rempli d’émotions, et un final magnifique.
Peter Gabriel n’a pas vieilli et offre encore, après presque 45 ans de carrière (avec sa période Genesis) des concerts novateurs, époustouflants, où il se surpasse encore pendant près de 3h. Il n’a plus à prouver son talent, mais il a donné à son public bien plus qu’un concert : sans aucun doute le concert le plus abouti que tout Strasbourg ait pu voir.