Interstellar, le nouveau rêve de Christopher Nolan, est plus fondé, plus scientifique et plus « sensible » que les autres. Pour son neuvième long-métrage, le réalisateur britannique s'associe encore avec son frère pour raconter le voyage de Cooper, ancien pilote de la NASA amèrement reconverti dans l'agriculture qui quitte sa famille en quête d'une nouvelle planète habitable, pendant que la sienne se meurt. Un scénario catastrophe, non pas pour un film catastrophe, mais pour un opéra métaphysique, à la puissance visuelle hypnotisante.
La force du film réside dans l'aspect universel de l'aventure de Cooper. Son voyage au cœur noir de l'immensité spatiale donne le vertige et rappelle toutes les questions existentielles sur les mystères du temps et de l'univers qui nous font osciller entre sentiments de fascination et malaise. Alors, pas besoin d'être scientifique pour plonger dans la tornade graphique et émotionnelle qu'est Interstellar.
Dès les premières minutes, la matière des éléments est palpable sur le grain de l'image, sombre et électrique en même temps qui dévoile la gravité dansante. C'est comme si Nolan filmait le sens du toucher, pour ensuite basculer dans l'intouchable, l'inatteignable dans les séquences vertigineuses au milieu de l'espace. Mais, ce qui passionne dans cette science-fiction, c'est le côté sensible, « touchable » de l'inconnu. De la même façon, Nolan lie les sentiments humains primaires (l'amour principalement) à l'abîme de l'espace, à ce qui nous échappe. En alternant les gros plans sur les visages des personnages avec les fresques tourbillonnantes de l'espace, Nolan lie magistralement l'essence humaine à l'immensité.
Interstellar vibre par ses séquences musicales intenses, mais aussi par ses instants plus figés. Les morceaux de Hans Zimmer semblent faire s'animer la substance des images et celle des personnages. Nolan pose sa caméra sur la matière du visage de Matthew McConaughey, à la fois sèche, brune, malléable puis brillante. Les larmes animent ses traits, traits semblables à une carapace d'une sensibilité bouillonnante qui s'échappe peu à peu. Pendant la scène du départ de Cooper, notamment, reflet de la merveille qu'est Interstellar : au ralenti, la voiture gronde, s'éloigne de la maison en laissant une trainée de poussière derrière elle pendant que les bruits assourdissants (et captivants) du décollage de la navette se fondent sur la bande-son. Et, le visage de McConaughey, dont la sécheresse se mouille de larmes, nous saisit pendant cette séquence à la puissance rare.
Interstellar est une odyssée sensitive, à l'esthétique remarquable. Elle questionne autant qu'elle donne le tournis et nous laisse flotter, la tête dans les étoiles, dans une constellation d'images cosmiques.